Retour au blog

La formation professionnelle et le développement durable : intégrer les enjeux environnementaux dans les cursus de formation

Argalis Logo Le BLOG
#16

Introduction

Le développement durable est aujourd'hui un enjeu majeur dans tous les secteurs de l'économie mondiale, et la formation professionnelle se trouve au premier plan pour relever ce défi. En effet, former les professionnels aux enjeux environnementaux est essentiel pour accompagner la transition écologique des entreprises et de la société. Intégrer ces enjeux dans les cursus de formation n'est pas seulement une nécessité imposée par l'urgence climatique, c'est aussi une opportunité stratégique pour les organismes de formation de se positionner en leaders de la transition vers un avenir durable. Comme l'a affirmé la Directrice générale de l'UNESCO, « Intégrer l'éducation au développement durable dans tous les programmes d'apprentissage doit devenir partout fondamental » [1].

Dans cet article, nous examinerons pourquoi et comment la formation professionnelle peut et doit intégrer les enjeux environnementaux dans ses cursus. Nous nous appuierons sur des sources récentes et pertinentes pour offrir aux dirigeants d'organismes de formation une vision complète, accessible et inspirante de ce défi incontournable du XXIe siècle.

Développement durable : un impératif pour tous les secteurs économiques

Le développement durable (environnemental, social et économique) n'est plus un thème marginal : il concerne désormais l'ensemble des secteurs d'activité. Les experts soulignent qu'il existe « un consensus fort sur l'importance d'intégrer des compétences et des savoirs environnementaux dans tous les cursus scolaires, du préscolaire au postsecondaire » [2]. Autrement dit, de l'éducation initiale jusqu'à la formation continue, chacun doit acquérir les connaissances et compétences nécessaires pour évoluer dans un monde confronté aux changements climatiques, à l'épuisement des ressources et à la perte de biodiversité. Le dernier rapport du GIEC a d'ailleurs rappelé que la fenêtre pour assurer un futur viable se referme rapidement, appelant à des actions « urgentes et transformatrices », en particulier à une « réduction radicale, rapide et durable des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs » [3]. Cela implique une transformation profonde de nos modèles, sous l'influence croissante de nouvelles réglementations vertes [4].

Tous les secteurs professionnels sont concernés. D'après une synthèse de France Stratégie et de l'Organisation internationale du travail, « l'ensemble des secteurs d'activité seront touchés, que ce soit par la création, la disparition ou la redéfinition des emplois », et la transition vers une économie verte entraînera « une augmentation des transitions professionnelles » qui devront être soutenues par des dispositifs de formation robustes [4]. En clair, de nouveaux métiers « verts » émergent tandis que certains métiers traditionnels évoluent ou disparaissent, ce qui va exiger d'importants efforts de reconversion et de montée en compétences. Selon le Green Deal européen, une transformation radicale du modèle économique est nécessaire, impliquant le développement de nouvelles compétences vertes. « Pour répondre à ces enjeux, la formation professionnelle est appelée à se renouveler », note un rapport européen [5].

Cette transformation de l'emploi peut représenter une opportunité considérable. Par exemple, en France, jusqu'à un million de nouveaux emplois pourraient être créés d'ici 2050 dans les secteurs clés de la transition, compensant la perte d'environ 800 000 emplois dans des activités incompatibles avec les objectifs climatiques [6, 7]. Au-delà du volume d'emplois, c'est l'ensemble des compétences dans tous les métiers qui doit évoluer pour intégrer la contrainte écologique. « Les bouleversements se feront bien plus largement ressentir au niveau des pratiques et des compétences, qui devront évoluer sur l'ensemble des métiers pour répondre aux exigences écologiques » [8]. En somme, chaque profession devra, à son échelle, intégrer la dimension durable.

Emplois « verts » et « verdissement » des métiers

On distingue généralement deux approches complémentaires vis-à-vis des compétences vertes [9] :

  • Approche sectorielle (métiers verts) : certains emplois sont directement liés à l'environnement (énergies renouvelables, gestion des déchets, etc.). Ces métiers requièrent des compétences techniques pointues et sont en forte expansion. Les organismes de formation doivent développer des cursus spécifiques.
  • Approche transversale (verdissement des autres métiers) : la plupart des métiers « classiques » intègrent de plus en plus une composante environnementale. On parle alors d'« emplois verdissants », c'est-à-dire des emplois existants qui incorporent significativement la dimension environnementale [10]. Par exemple, le personnel du BTP doit maîtriser l'écoconception, les agriculteurs l'agroécologie, etc. Ces évolutions concernent « tous les secteurs d'activité » [10]. L'enjeu est d'éviter que la transition ne soit freinée par un manque de compétences appropriées [11].

Actuellement, le « verdissement » des compétences est entamé mais loin d'être généralisé. En 2022, seulement une offre d'emploi sur dix publiée sur LinkedIn mentionnait explicitement des compétences vertes [12]. Cela montre la marge de progression importante. Parmi les obstacles figurent le manque de sensibilisation, une offre de formations spécifiques insuffisamment développée, et les investissements à engager [13].

La formation professionnelle face au défi de la transition écologique

Pourquoi la formation professionnelle doit-elle évoluer ? Plusieurs raisons convergent :

  • Une urgence climatique et réglementaire sans précédent : L'Accord de Paris (2015) et les Objectifs de développement durable de l'ONU engagent les États à transformer leurs pratiques. L'éducation et la formation sont des leviers essentiels [14]. L'urgence est telle que « la formation continue [est] un enjeu décisif pour la transition » [15].
  • Les adultes au cœur du changement : Sensibiliser la jeunesse est indispensable, mais il faut former les adultes d'aujourd'hui qui ont un impact immédiat sur l'environnement [17]. La formation professionnelle continue offre un terrain agile pour cela, car elle peut évoluer plus rapidement que les cursus scolaires [18].
  • Anticiper les besoins en compétences et éviter la pénurie : Pour que la transition ne soit pas « bloquée par un manque de compétences », il est impératif d'anticiper les besoins et de planifier la requalification des travailleurs [11]. Cela passe par une coopération étroite entre les acteurs [19]. Des référentiels comme GreenComp au niveau européen aident à définir ces compétences [20].
  • Exigences des entreprises et de la RSE : La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est au cœur de la stratégie de nombreuses organisations. Cela crée une demande croissante de formations en sensibilisation au développement durable, en conformité réglementaire, en éco-gestes, etc.
  • Une opportunité stratégique pour les organismes de formation : Intégrer le développement durable est un investissement dans l'avenir de l'organisme. Cela renforce sa pérennité, sa résilience et sa compétitivité [21]. C'est une occasion de renouvellement et d'innovation pédagogique.

Comment intégrer les enjeux environnementaux dans les cursus de formation?

Cela implique d'adapter les contenus, les méthodes pédagogiques, la formation des formateurs et la culture interne.

Adapter l'offre de formation et les contenus pédagogiques

La première étape est de faire évoluer les contenus. Selon une analyse récente, « la prise en compte des enjeux de la transition écologique dans l'offre de formation est encore hétérogène [...] La prise en compte doit donc être généralisée » [22].

  • Intégration transversale : Ajouter un volet développement durable dans les programmes existants. L'idée est que chaque apprenant acquière un socle de connaissances environnementales.
  • Formations spécialisées : Développer des parcours spécialisés pour les métiers de la transition (ex: technicien en énergies renouvelables). Un exemple est le programme de technicien de maintenance éolienne de l'Afpa [23].
  • Multiplication des compétences à développer [24, 25] :
    • Nouvelles compétences techniques : maîtriser des procédés et outils verts.
    • Compétences transversales ("soft skills") : renforcer l'autonomie, l'adaptation, la créativité [26].
    • Sensibilisation aux enjeux environnementaux et climatiques : développer la culture générale du durable [27].
    • Accompagnement des transitions et reconversions professionnelles.

Cette refonte doit se faire sans alourdir les programmes, en réorientant les enseignements existants [28]. Des ressources existent pour aider, comme les guides de l'ONU ou des référentiels sectoriels [29].

Former et outiller les formateurs

Intégrer le durable passe par la formation des formateurs eux-mêmes. Or, « moins d'une personne sur deux qui enseigne se sent assez compétente pour éduquer au changement climatique » [30]. Il est donc crucial de sensibiliser et former les professionnels de la formation [23]. L'UNESCO souligne qu'il faut un « renforcement systématique et complet des capacités » des enseignants [31].

Innover dans les méthodes pédagogiques

Il faut revoir les méthodes d'apprentissage. Il est impératif de « centrer l'approche pédagogique sur le facteur humain » [32]. Plusieurs orientations sont recommandées :

  • Pédagogies actives et par projet : études de cas, jeux de rôle, projets terrain.
  • Interdisciplinarité : décloisonner les enseignements pour croiser les perspectives.
  • Apprentissage par l'expérience et immersion : visites d'entreprises vertes, de sites naturels.
  • Accompagnement du changement : aider les apprenants à devenir moteurs du changement.

Une pédagogie centrée sur l'action et le positif peut susciter le « sentiment de pouvoir agir ».

Renforcer les partenariats et l'ouverture sur l'extérieur

Il faut travailler en synergie avec d'autres acteurs (entreprises, associations, etc.).

  • Co-construction des programmes avec les employeurs : Des initiatives comme les Pactes pour les compétences de l'UE réunissent déjà acteurs économiques et éducatifs [33].
  • Interventions d'experts extérieurs : Inviter des spécialistes apporte une expertise pointue.
  • Projets en partenariat : Collaborer avec des collectivités locales ou des associations.
  • Réseaux et échanges de pratiques : S'inscrire dans des réseaux professionnels comme Euroguidance [33].

Montrer l'exemple : vers des organismes de formation durables

L'organisme de formation lui-même doit adopter une démarche durable.

  • Écogestion des centres de formation : réduire l'empreinte écologique des bâtiments.
  • Numérique responsable : adopter un numérique sobre (serveurs éco-responsables, éco-conception).
  • Culture d'entreprise durable : intégrer les valeurs du durable dans la culture de l'organisme.
  • Amélioration continue et bilan : se fixer des objectifs et mesurer les progrès (bilan carbone, etc.). Par exemple, l'organisme Bloomr Impulse a réalisé son premier bilan carbone en 2023 [34, 35].

En montrant l'exemple, l'organisme crédibilise son discours et inspire.

Conclusion : vers un leadership des organismes de formation dans la transition durable

La transition écologique représente un défi sans précédent et une formidable occasion de renouvellement. En intégrant ces enjeux, les organismes de formation deviennent de véritables acteurs du changement.

Bien sûr, l'éducation n'est pas la seule solution, mais elle constitue un « terreau fertile où peut se déployer le changement » [36].

Diriger un organisme de formation à l'ère du développement durable, c'est saisir l'opportunité d'innover, d'anticiper et de fédérer autour d'une mission porteuse de sens. C'est un investissement qui bénéficiera à tout l'écosystème.