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Les risques juridiques et opérationnels pour les organismes de formation : comment s’en prémunir ?

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#26

Le secteur de la formation professionnelle est soumis à un cadre juridique dense (Code du travail, Code de la consommation, RGPD, règlement eIDAS, textes spécifiques au CPF et au bilan de compétences) et à des exigences qualité élevées (RNQ/Qualiopi). Les risques pour un organisme de formation (OF) se concentrent en quatre familles :

  1. Conformité réglementaire et qualité : certification Qualiopi, respect des obligations d’information/pré‑contractuel, BPF, traçabilité des actions.
  2. Protection des données et cybersécurité : bases légales, AIPD/DPIA, gestion des sous‑traitants, notification des violations en 72 h, sauvegardes et PRA.
  3. Commercialisation et contrats : interdiction de démarchage sur le CPF, règles B2C (rétractation), encadrement de la sous‑traitance, clauses contractuelles et probatoires.
  4. Pédagogie, accessibilité et opérations : adéquation des dispositifs aux publics adultes (andragogie), accessibilité et aménagements, contrôle des compétences des formateurs/sous‑traitants, continuité de service.

Notre position : viser une « conformité par design », avec des procédures simples, traçables et outillées, qui produisent automatiquement les preuves exigibles (Qualiopi, financeurs, contrôle administratif) tout en améliorant la robustesse opérationnelle (données, sécurité, qualité pédagogique).

Cartographie synthétique des risques et garde‑fous

Domaine Risques majeurs Impacts Garde‑fous recommandés
Qualité (RNQ/Qualiopi) Non‑conformités sur indicateurs, rupture d’éligibilité financements Perte d’accès aux financements, image, audits complémentaires Référentiel documentaire normalisé, audit interne trimestriel, preuves « natives » (traces d’assiduité, évaluations, satisfaction, revue des sous‑traitants)
Contractuel & commercial Contrats incomplets, pratiques commerciales trompeuses, démarchage interdit (CPF), droit de rétractation Litiges, sanctions, déréférencement Modèles conformes (convention/contrat, CGV, politique de rétractation), bannir tout démarchage CPF, mentions d’information renforcées
Sous‑traitance Recours non conforme (plafonds, qualification, clauses) Sanctions, rupture de référencement CPF Politique de sous‑traitance, vérification Qualiopi/situations d’exception, clauses de conformité et d’audit
Données & sécurité Traitements sans base légale, AIPD manquante, violation non notifiée, sous‑traitants non encadrés Amendes RGPD, perte de confiance, interruption d’activité Registre des traitements, AIPD quand nécessaire, DPA/avenants RGPD, plan de réponse à incident (72 h), sauvegardes 3‑2‑1, PRA
Traçabilité & archivage Preuves incomplètes (assiduité, évaluations, attestations), BPF en défaut Contrôle administratif défavorable, caducité NDA Production automatisée des pièces, coffre‑fort probatoire, calendrier d’archivage
Accessibilité & inclusion Manquements aux aménagements raisonnables Discrimination, exclusion, non‑conformité Qualiopi Référent handicap, politique d’accessibilité, contenus inclusifs, alternatives
Pédagogie & efficacité Dispositifs non adaptés aux adultes, évaluation absente Insatisfaction, faible transfert des acquis Conception pédagogique alignée (objectifs, activités, évaluation), modèles d’évaluation à chaud/à froid

1. Cadre et obligations structurantes

1.1. RNQ / Qualiopi : 7 critères, 32 indicateurs

La certification Qualiopi conditionne l’accès aux financements publics et mutualisés. Elle s’apprécie au regard d’un référentiel national qualité (RNQ) articulé en 7 critères et 32 indicateurs, assorti de modalités d’audit (initial, surveillance, renouvellement). Le guide de lecture précise les attendus et exemples de preuves.

Points de vigilance :

  • Déployer un système documentaire vivant (procédures, enregistrements, tableaux de bord) plutôt qu’une simple collection de fichiers.
  • Produire des preuves nativement : fiches d’analyse des besoins, parcours individualisés, émargements/assiduité, évaluations des acquis, satisfaction, revue des réclamations, revues régulières de la veille et des compétences des intervenants.
  • Sous‑traitance : tracer l’habilitation des partenaires, la vérification de leurs compétences et leurs engagements qualité.

1.2. Déclaration d’activité et BPF

Toute structure dispensant des actions relevant de l’article L.6313‑1 doit déclarer son activité (NDA) et déposer chaque année un bilan pédagogique et financier (BPF). La caducité guette en cas d’absence d’activité ou de non‑dépôt : prévoir un calendrier et des contrôles croisés (compta ↔ formation) pour sécuriser l’échéance.

1.3. Conventions, contrats et information pré‑contractuelle

  • Convention de formation (B2B) : objet, programme, moyens, durée/période, modalités de suivi/sanction, prix et modalités de règlement.
  • Contrat de formation (B2C) : à conclure avant toute inscription et tout paiement ; inclut la nature/durée/programme/objet, prérequis, modalités d’évaluation, diplômes/titres/références des formateurs, conditions de réalisation (présentiel, FOAD), règlement intérieur, coordonnées du référent.
  • Attestations : délivrer en fin de formation (objectifs, nature, durée, résultats).

1.4. Droit de la consommation (B2C) : rétractation et information

Pour les ventes à distance, le consommateur dispose d’un droit de rétractation de 14 jours (information obligatoire). Exceptions possibles, notamment pour les services pleinement exécutés pendant le délai si l’exécution a commencé avec l’accord préalable exprès et renonciation écrite (utile pour des micro‑formations courtes). Intégrer un formulaire type et des mentions de renonciation adaptées aux FOAD.

1.5. CPF : interdiction du démarchage et sous‑traitance encadrée

  • Prospection CPF interdite (téléphone, e‑mail, messageries, réseaux sociaux).
  • Sous‑traitance : conditions d’éligibilité renforcées (plafonds, vérifications, obligations spécifiques pour le bilan de compétences – conservation limitée des documents). Mettre en place une politique de sous‑traitance et des clauses d’audit dans les contrats.

1.6. Données personnelles : RGPD & sécurité

  • Base légale (contrat/intérêt légitime/obligation légale), information claire, minimisation des données, durées de conservation définies.
  • AIPD/DPIA si risque élevé (par ex. profilage, volumétrie importante, données sensibles).
  • Sous‑traitants : encadrement contractuel, instructions documentées, mesures techniques et organisationnelles.
  • Violation de données : procédure interne, registre des incidents, notification à la CNIL dans les 72 h si risque, information des personnes en cas de risque élevé.
  • Hygiène informatique : contrôles d’accès, MFA, sauvegardes 3‑2‑1, chiffrement, gestion des vulnérabilités, PRA/PCA.

1.7. Signature électronique et valeur probatoire

Le règlement eIDAS encadre les niveaux de signature (simple, avancée, qualifiée). Choisir un niveau proportionné au risque (ex. : engagements contractuels, conventions, attestations) et documenter la chaîne de confiance (certificat, empreintes, horodatage).

1.8. Travail et sous‑traitance : requalification & prêt illicite de main‑d’œuvre

Le recours à des indépendants doit éviter la subordination de fait et le prêt de main‑d’œuvre illicite. Formaliser des contrats de prestation clairs, confier la responsabilité pédagogique, la planification et les moyens au sous‑traitant sans ingérence d’employeur, et diversifier les clients des intervenants.

2. Principaux pièges à éviter (retours d’audit et de contrôle)

  1. Démarchage CPF : même un e‑mail « d’information » peut être requalifié en prospection. Mettre en place des filtres marketing (exclusion MCF), proscrire tout script d’appel, privilégier l’inbound (référencement, contenus).
  2. Conventions/contrats lacunaires : absence de programme détaillé, de prérequis, de modalités d’évaluation. Utiliser des gabarits verrouillés et une revue juridique systématique.
  3. Traçabilité fragile : émargements non signés, assiduité incomplète en FOAD, attestations imprécises. Normaliser les formats (heures, modalités), collecter les preuves au fil de l’eau.
  4. Sous‑traitance non maîtrisée : absence de vérification de la certification, cascade non tracée, clauses insuffisantes. Tenir un registre des partenaires avec KYC, périmètres, plafonds et contrôles.
  5. RGPD insuffisant : registres absents, AIPD non réalisée, défaut d’encadrement des outils (LMS, visioconf., e‑signature), mots de passe faibles. Piloter la conformité outillée (registre, DPIA templates, DPA modèle).
  6. Accessibilité : aucune procédure d’aménagement raisonnable ni référent identifié. Intégrer un processus handicap (repérage besoins, aménagements, alternatives).
  7. Archivage & BPF : échéances oubliées, pièces dispersées. Instaurer un calendrier annuel, un coffre probatoire et des revues trimestrielles.

3. Garde‑fous opérationnels « prêts à l’emploi »

3.1. Check‑list Qualiopi (extraits)

  • Analyse de la demande et objectifs opérationnels (trame standard).
  • Parcours individualisé (FOAD/présentiel), modalités d’accompagnement.
  • Compétences et CV des formateurs/sous‑traitants à jour.
  • Supports, activités, évaluation des acquis (diagnostique / formative / sommative).
  • Dispositif d’accessibilité et d’aménagements raisonnables.
  • Traçabilité de l’assiduité (présentiel/FOAD), attestations de fin de formation.
  • Évaluation de satisfaction à chaud & à froid (+ plan d’actions).
  • Revue semestrielle des non‑conformités, réclamations et actions correctives.

3.2. Politique de sous‑traitance (CPF & hors CPF)

  • Principes : responsabilité de l’OF donneur d’ordre, conformité RNQ, proportion raisonnable de sous‑traitance.
  • Exigences minimales : NDA valide, certification Qualiopi si nécessaire, assurances, références, absence de conflit d’intérêts.
  • Clauses clés : conformité CPF/Qualiopi, droit d’audit, confidentialité/RGPD (DPA), anti‑corruption, propriété intellectuelle, pénalités, résiliation pour non‑conformité.
  • Contrôles : onboarding (KYC), audit documentaire annuel, revue de performance (qualité, satisfaction, incidents).

3.3. Procédure « Réponse à incident RGPD » (extrait)

  1. Détection → journalisation et triage.
  2. Qualification → type de données, volume, impacts potentiels.
  3. Mesures immédiates → isolement, réinitialisations, correctifs.
  4. Notification → CNIL sous 72 h si risque ; information des personnes si risque élevé.
  5. Rétroaction → rapport d’incident, leçons apprises, mises à jour des contrôles.

3.4. Droit de rétractation : mentions types (B2C, à adapter)

« Vous disposez d’un délai de 14 jours à compter de la conclusion du contrat pour exercer votre droit de rétractation sans motif. L’exécution peut commencer avant l’expiration du délai sur votre demande expresse. Si la prestation est pleinement exécutée avant la fin du délai, et si vous avez expressément renoncé à votre droit de rétractation, ce droit ne s’applique plus. »

Joindre le formulaire type et prévoir la renonciation expresse pour les micro‑formations totalement consommées dans le délai.

3.5. Signature électronique : politique de choix

  • Simple : inscriptions, preuves d’assiduité, émargements (avec horodatage et piste d’audit).
  • Avancée : conventions/contrats à enjeu financier, DPA, NDA.
  • Qualifiée : engagements sensibles, risques contentieux élevés.
  • Conserver les preuves cryptographiques (certificats, empreintes, horodatages) et la piste d’audit.

3.6. Archivage probatoire

  • Pièces clés : conventions/contrats, programmes, émargements/traces d’assiduité, évaluations, attestations, preuves de diffusion des informations, DPA, registre RGPD, PV d’audits, BPF.
  • Durées : définir un plan de conservation par catégorie (références légales applicables, financeurs, nature de l’action).

4. Qualité pédagogique : réduire le risque d’inefficacité

Les attentes d’apprentissage des adultes diffèrent de celles des publics scolaires. S’inspirer des cadres reconnus :

  • Andragogie (M. S. Knowles) : autonomie, expérience préalable, orientation vers la tâche/résultat.
  • Apprentissage expérientiel (D. Kolb) : cycle expérience → observation → conceptualisation → expérimentation.
  • Apprentissage transformateur (J. Mezirow) : remise en question des cadres de référence, réflexion critique.
  • Motivation et engagement (P. Carré) : valeur perçue, sentiment d’efficacité, environnement capacitant.

Traductions opérationnelles : objectifs SMART liés aux compétences, activités contextualisées (études de cas, AFEST lorsque pertinent), évaluation initiale pour personnaliser, alternance théorie/pratique, évaluations à chaud et à froid (transfert), retours qualitatifs et plan d’amélioration continue.

5. Indicateurs de pilotage (KPI conformité & efficacité)

  • Conformité : taux de complétude des dossiers (conventions/contrats), échéance BPF respectée, couverture des AIPD, % sous‑traitants audités, délais de traitement des réclamations.
  • Qualité/efficacité : satisfaction à chaud (> 4/5), taux d’achèvement FOAD, progression mesurée (pré/post‑tests), taux de transfert à froid, NPS, récurrence clients.
  • Sécurité : incidents par trimestre, temps moyen de résolution, % MFA activée, taux de sauvegardes vérifiées, audits correctifs clos.

6. Plan de mise en conformité en 90 jours (étapes clés)

  1. Semaine 1–2 : cartographie des risques & écarts (RNQ, RGPD, contrats, sous‑traitance).
  2. Semaine 3–4 : modèles normalisés (conventions/contrats, clauses RGPD, politique de sous‑traitance, procédure incidents).
  3. Semaine 5–8 : déploiement dans l’outil (workflows, e‑signature, collecte de preuves), formation interne.
  4. Semaine 9–12 : audit blanc Qualiopi, remédiations, mise en place des KPI et du calendrier annuel (BPF, audits, revues).

Conclusion

Dans un environnement réglementaire évolutif, la meilleure protection d’un organisme de formation repose sur une organisation outillée, traçable et auditable. En intégrant dès la conception les exigences du RNQ, du RGPD, du droit de la consommation, des règles spécifiques au CPF et des bonnes pratiques pédagogiques, l’OF réduit simultanément ses risques juridiques et opérationnels tout en augmentant la qualité perçue par ses clients et apprenants.

Bibliographie sélective (sources officielles et scientifiques)

Cadre qualité / Qualiopi

Décret n° 2019‑564 du 6 juin 2019 relatif à la qualité des actions de la formation professionnelle, JORF.

Décret n° 2019‑565 du 6 juin 2019 relatif au référentiel national sur la qualité des actions concourant au développement des compétences, JORF.

Arrêté du 6 juin 2019 relatif aux modalités d’audit associées au référentiel national (version consolidée).

Ministère du Travail – Guide de lecture Qualiopi (RNQ).

Déclaration d’activité & BPF

Code du travail, art. L.6352‑11 ; Direction de l’information légale et administrative – Fiches pratiques (déclaration d’activité, BPF).

Conventions/contrats & information

Code du travail : art. L.6353‑1 et s., L.6353‑3 à L.6353‑8 (conventions et contrats de formation).

Droit de la consommation

Code de la consommation : art. L.221‑18 (rétractation) et L.221‑28 (exceptions).

CPF

Loi n° 2022‑1587 du 19 décembre 2022 (lutte contre la fraude au CPF – interdiction du démarchage).

Décret n° 2023‑1350 du 28 décembre 2023 (encadrement du CPF et de la sous‑traitance).

Plateforme officielle « Mon Compte Formation » – FAQ et actualités (sous‑traitance, bilan de compétences).

RGPD & sécurité

Règlement (UE) 2016/679 (RGPD), art. 33 (notification des violations).

CNIL : guides (sécurité des données, AIPD), service de notification des violations.

ANSSI : Guide d’hygiène informatique (mesures essentielles), référentiels eIDAS.

Signature électronique

Règlement (UE) n° 910/2014 (eIDAS) ; ANSSI : Guide de sélection du niveau des signatures électroniques.

Droit du travail – sous‑traitance

Code du travail : art. L.8241‑1 (prêt illicite de main‑d’œuvre), documentation URSSAF (requalification).

Accessibilité & inclusion

Loi n° 2005‑102 du 11 février 2005 ; Portail handicap.gouv.fr (aménagements raisonnables, accessibilité).

Références scientifiques – formation d’adultes

Knowles, M. S., Holton, E., & Swanson, R. (2015). The Adult Learner. Routledge.

Kolb, D. A. (1984). Experiential Learning. Prentice Hall.

Mezirow, J. (1991). Transformative Dimensions of Adult Learning. Jossey‑Bass.

Carré, P. (2005). L’apprenance. Dunod.

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