Introduction
Près de la moitié des adultes en France suivent au moins une formation chaque année, ce qui souligne l'importance de la formation professionnelle dans le développement des compétences tout au long de la vie. Le secteur de la formation continue est d'ailleurs très dynamique : il comptait environ 79 000 organismes de formation actifs en 2021 pour un chiffre d'affaires total de 19 milliards d'euros. Ce tissu est cependant très hétérogène. Une majorité de ces prestataires sont de très petite taille, souvent des formateurs indépendants réunis sous un statut d'organisme de formation unipersonnel. Ces micro-organismes de formation représentent plus de 56 % des entités du marché, mais ne réalisent qu'une part modeste du chiffre d'affaires sectoriel (environ 8 %). De plus, beaucoup de ces micro-structures ont une durée de vie limitée, signe de la difficulté à pérenniser une activité de formation en solo.
Ainsi, pour un formateur qui souhaite développer son activité et la pérenniser, la transition du statut de formateur solo à celui de dirigeant d'un collectif de formateurs apparaît comme un passage stratégique mais exigeant. Ce passage à l'échelle permet de toucher un public plus large et de répondre à de plus nombreux appels d'offres, mais il impose aussi d'acquérir de nouvelles compétences managériales et organisationnelles. Parallèlement, le contexte réglementaire et concurrentiel de la formation a profondément évolué ces dernières années, ajoutant des défis supplémentaires. La réforme de 2018 (loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel) a introduit de nouvelles exigences de qualité avec la certification Qualiopi, devenue obligatoire en 2022 pour tous les prestataires souhaitant mobiliser des financements publics ou mutualisés – y compris les formateurs indépendants. En outre, la mise en place du Compte personnel de formation (CPF) et de sa plateforme en 2019 a ouvert le marché à une concurrence plus directe, chaque individu pouvant librement choisir et financer ses formations. Dans ce contexte, la visibilité et la crédibilité d'un organisme de formation reposent plus que jamais sur la qualité de son équipe pédagogique et de ses prestations.
Recruter et gérer efficacement une équipe de formateurs performante est donc un enjeu majeur pour les dirigeants d'organismes de formation. Il s'agit non seulement de répondre aux impératifs de qualité (par exemple le référentiel Qualiopi exige de « déterminer, mobiliser et développer les compétences des personnels en charge des prestations »), mais aussi d'innover dans les approches pédagogiques (digital learning, AFEST, etc.) pour rester compétitif. Cet article propose une analyse approfondie des clés d'une équipe de formateurs performante. Du recrutement des bons profils à l'animation au quotidien d'un collectif d'experts, en passant par l'adaptation aux principes de la formation des adultes (andragogie) et aux nouvelles modalités pédagogiques, nous examinerons comment passer du formateur solo au leader d'une équipe sans heurts – tout en assurant la qualité des formations et la satisfaction des apprenants.
De formateur indépendant à leader d'équipe pédagogique
De nombreuses carrières dans la formation professionnelle débutent par une activité de formateur indépendant. Ce modèle « solo » est très répandu – on estime que 56 % des organismes de formation en France sont constitués d'auto-entrepreneurs ou de micro-entreprises portées par un seul formateur. Travailler à son compte offre une grande autonomie et une relation directe avec les clients, mais expose aussi à une certaine précarité économique et à une charge de travail polyvalente (prospection commerciale, conception pédagogique, animation, administratif, etc.). Les statistiques montrent que ces micro-organismes sont fragiles : beaucoup cessent leur activité après quelques années seulement. À l'inverse, les organismes de plus grande taille – qu'il s'agisse de structures privées employant plusieurs formateurs ou d'organismes associatifs et publics – concentrent l'essentiel de l'activité : ils génèrent la majeure partie du chiffre d'affaires du secteur et accueillent la majorité des stagiaires.
Passer du statut de solo à celui de chef d'entreprise de formation permet donc de changer d'échelle et d'accroître son impact, mais impose un changement de posture. Un excellent formateur ne devient pas automatiquement un bon manager d'équipe. Il doit élargir son champ de compétences pour inclure le recrutement, la coordination et la motivation d'autres formateurs, ainsi que la définition d'une vision pédagogique commune à l'équipe. Ce rôle de leader pédagogique requiert des aptitudes de management d'autant plus fines que les formateurs sont souvent des experts autonomes par nature. L'expérience montre par exemple que les organismes en croissance font face à des difficultés pour trouver les bons profils : selon un baromètre récent, le manque de temps, de compétences disponibles, d'effectifs et les difficultés de recrutement représentent 60 % des freins à la transformation des offres de formation, notamment vers le digital. Le dirigeant doit donc devenir un véritable gestionnaire de talents, capable d'attirer les meilleurs formateurs et de les fidéliser.
En outre, diriger un collectif exige de mettre en place des processus et des outils que le formateur indépendant n'avait pas à formaliser lorsqu'il travaillait seul. Il faut planifier les interventions de chacun sur le calendrier des formations, répartir les missions en fonction des expertises, assurer le suivi de la qualité sur chaque session, gérer les imprévus (absence d'un formateur, adaptation d'un contenu pour un client spécifique, etc.) et maintenir la cohérence pédagogique de l'ensemble. Cela suppose une gestion rigoureuse et parfois l'utilisation de logiciels dédiés (planning, base de données de formateurs, etc.). En somme, le passage au statut de dirigeant implique de « changer de casquette » : conserver ses compétences de formateur tout en développant des compétences managériales. C'est un défi entrepreneurial stimulant, qui peut conduire à multiplier l'impact de sa passion pour la transmission des compétences.
Recruter des formateurs qualifiés et complémentaires
Le recrutement des formateurs est une étape cruciale pour constituer une équipe performante. Il s'agit d'identifier des professionnels à la fois experts de leur domaine et compétents dans l'art d'enseigner aux adultes. Plusieurs critères de sélection sont déterminants. D'abord, les compétences techniques ou métiers : un formateur doit maîtriser à jour le contenu de sa spécialité (réglementation, méthodes, outils propres à son secteur...). Ensuite, la compétence pédagogique : animer une formation d'adultes requiert des aptitudes spécifiques d'écoute, de communication, de gestion de groupe et de conception pédagogique. On attend d'un formateur qu'il sache définir des objectifs pédagogiques clairs, construire un déroulé de formation efficace (exposés, exercices pratiques, études de cas, etc.), évaluer les acquis, et adapter son approche en temps réel en fonction des réactions du public.
Un point central est la capacité à former un public adulte, c'est-à-dire l'andragogie. Former des adultes n'est pas identique à enseigner à des enfants ou des adolescents : les mécanismes de motivation, d'attention et de mise en pratique diffèrent. Selon la théorie classique de Malcolm Knowles sur l'andragogie, les apprenants adultes ont notamment besoin de savoir pourquoi ils apprennent quelque chose, de mobiliser leur expérience personnelle pendant la formation, de se sentir autonomes dans leur apprentissage, de résoudre des problèmes concrets et d'être mus par une motivation surtout intrinsèque. Un formateur efficace doit être conscient de ces principes et les appliquer : par exemple, il expliquera en amont les objectifs et l'utilité de la formation, fera appel aux expériences des participants, proposera des études de cas réalistes et suscitera une participation active plutôt qu'un apprentissage passif. En somme, il adoptera une posture de facilitateur plus que de simple instructeur, guidant l'apprenant adulte dans son cheminement. Comme le résume un article de l'Université Concordia, pour la formation des adultes « le rôle des éducateurs consiste à faciliter l'apprentissage plutôt que de le diriger ».
Au-delà des qualités intrinsèques des candidats, le recruteur doit aussi veiller à la complémentarité des profils au sein de l'équipe. Il peut être pertinent de réunir des formateurs aux expériences variées : des professionnels du terrain (par exemple un ancien manager reconverti dans la formation, apportant une crédibilité pratique), des pédagogues chevronnés possédant des certifications en ingénierie de formation, ou encore des spécialistes de l'accompagnement (coachs, psychologues du travail pour des dispositifs comme le bilan de compétences). Cette diversité permet de couvrir un large éventail de thématiques et de méthodes. De plus, mixer des profils juniors (dynamiques, innovants) et seniors (expérimentés, légitimes) crée une dynamique d'apprentissage interne positive : les plus aguerris peuvent mentorer les nouveaux, tandis que ces derniers apportent un regard neuf.
D'un point de vue pratique, recruter des formateurs peut passer par plusieurs canaux. Les réseaux professionnels et la recommandation fonctionnent souvent bien dans ce milieu (cooptation par d'autres formateurs ou par des clients satisfaits). Les plateformes spécialisées et associations professionnelles de formateurs peuvent aussi être utilisées pour diffuser des offres. Lors du processus de sélection, il est conseillé de mener des entretiens approfondis incluant éventuellement une mise en situation pédagogique (demander au candidat d'animer un court module ou de présenter comment il structurerait une formation). Cela permet d'évaluer concrètement son aisance pédagogique, sa capacité d'adaptation et sa maîtrise du sujet.
Par ailleurs, il ne faut pas négliger l'alignement culturel avec l'organisme. Chaque organisme de formation a sa philosophie et ses méthodes : par exemple, certains privilégient la pédagogie active, d'autres ont une approche très standardisée, d'autres encore mettent en avant l'innovation technologique. Le formateur recruté doit pouvoir s'approprier ces spécificités. Une intégration soignée est donc nécessaire : présentation des valeurs de l'organisme, des publics types, des ressources disponibles (outils numériques, documentation existante), etc. Recruter un formateur, c'est investir sur la qualité future des formations délivrées, mais aussi sur un partenariat humain à long terme.
Notons enfin que l'organisme doit documenter et prouver les qualifications de ses formateurs, notamment s'il vise la certification Qualiopi. Le référentiel Qualiopi impose au prestataire de « déterminer, mobiliser et évaluer les compétences des différents intervenants » et d'« entretenir et développer les compétences de ses salariés » engagés dans la formation. En pratique, cela signifie qu'il faut tenir à jour des dossiers de compétences pour chaque formateur (CV, diplômes, expériences, éventuelles certifications comme le Titre Professionnel de Formateur Professionnel d'Adultes inscrit au RNCP, etc.), et être capable de montrer en audit que les formateurs affectés à chaque action possèdent les compétences requises. Un recrutement rigoureux jette donc les bases d'une démarche qualité solide et évite de "subir" plus tard des non-conformités en audit.
En résumé, recruter un formateur ne revient pas seulement à s'assurer de son expertise, mais aussi de son aptitude pédagogique, de son adéquation au public adulte, de sa familiarité avec les outils modernes, et de sa capacité à s'inscrire dans un projet collectif. C'est le premier pilier pour bâtir une équipe de formateurs performante.
Maîtriser l'art de former des adultes : pédagogie et andragogie
Former des adultes ne s'improvise pas. Le responsable pédagogique qui pilote une équipe doit veiller à ce que les formateurs maîtrisent l'art d'enseigner aux adultes et appliquent des méthodes éprouvées issues de la recherche en pédagogie et en sciences de l'éducation. Il s'agit d'aller au-delà de la simple transmission de savoirs, pour adopter une approche centrée sur l'apprenant, propice à un apprentissage en profondeur.
Comme évoqué plus haut, Malcolm Knowles a identifié six principes fondamentaux de l'andragogie (apprentissage des adultes) : besoin de connaître le but de la formation, prise en compte de l'expérience de l'apprenant, nécessité de se sentir responsable de son apprentissage, recherche d'une application immédiate des acquis, préférence pour une formation axée sur la résolution de problèmes, et importance d'une motivation intrinsèque plutôt qu'extrinsèque. Concrètement, cela signifie qu'une formation pour adultes sera d'autant plus efficace qu'elle partira des problématiques réelles rencontrées par les apprenants, qu'elle les impliquera activement et qu'elle leur permettra de faire par eux-mêmes. « Les adultes préfèrent réaliser des apprentissages pratiques applicables dans leur propre vie », notait Knowles, plutôt que de recevoir passivement un savoir théorique décorrélé. Le rôle du formateur devient alors celui d'un facilitateur de ces apprentissages, guidant l'adulte dans l'exploration et la réflexion sur ses expériences.
Cette conception implique de rompre avec une posture trop professorale. Le formateur d'adultes n'est plus seulement un expert qui dispense son savoir ex cathedra, il est avant tout un concepteur d'expériences d'apprentissage et un animateur. Son expertise demeure essentielle, mais elle se met au service d'un parcours où l'apprenant construit lui-même ses compétences, avec un accompagnement sur mesure. L'idée de « mettre l'apprenant au centre » prend ici tout son sens : il s'agit de partir de ses acquis, de ses besoins, et de lui permettre de découvrir par essais-erreurs, par échanges avec les autres et par réflexion. Cela rejoint le concept d'« apprenance” développé par le chercheur français Philippe Carré, qui désigne « un ensemble durable de dispositions favorables à l'acte d'apprendre dans toutes les situations » – que ce soit en formation formelle ou de façon informelle, autodirigée ou non. Favoriser l'apprenance, c'est encourager chez l'individu l'envie d'apprendre et la capacité à apprendre par lui-même en toutes circonstances. Pour Carré, cela nécessite notamment de stimuler le besoin d'autodétermination de l'apprenant, son sentiment d'efficacité personnelle et de donner du sens aux objectifs d'apprentissage. Dans cette vision, le formateur est un facilitateur de l'apprentissage plus qu'un dispensateur : « le rôle des formateurs [est] comme facilitateurs [...] parce qu'au fond [...] "ce que l'on apprend le plus solidement et ce que l'on retient le mieux, c'est ce que l'on apprend en quelque sorte par soi-même” » rappelle Carré en citant Emmanuel Kant. Autrement dit, on retient bien mieux ce qu'on a découvert par sa propre démarche active.
Pour un responsable d'équipe, imprégner les formateurs de ces principes andragogiques est un gage de crédibilité et d'efficacité. Il peut être utile d'organiser des formations internes de type « Train the Trainer », où l'on revisite avec l'équipe les fondamentaux de la pédagogie appliquée aux adultes, éventuellement en faisant intervenir un expert extérieur ou en s'appuyant sur des ressources académiques (ouvrages de Knowles, articles sur la neuroscience de l'apprentissage, etc.). Des ateliers de partage de pratiques peuvent aussi aider : par exemple, chaque formateur peut présenter à ses pairs une méthode pédagogique qu'il utilise (une activité brise-glace, un exercice participatif innovant, une technique de questionnement socratique...), puis recueillir les feedbacks. Ce type d'échange développe une culture commune de l'excellence pédagogique au sein de l'équipe.
Un autre aspect théorique intéressant à considérer est la notion d'apprentissage transformationnel du psychologue Jack Mezirow. Celui-ci a décrit l'apprentissage des adultes non seulement comme l'acquisition de nouvelles connaissances, mais comme un processus de transformation des schémas de pensée de l'individu. L'adulte, à travers une réflexion critique sur ses expériences, peut modifier ses perspectives initiales (parfois limitées ou inadéquates) en de nouvelles perspectives plus inclusives et mieux adaptées, qui guideront durablement ses actions. En formation, cela signifie qu'on ne se contente pas de transmettre un savoir-faire, on cherche aussi à faire évoluer les représentations de l'apprenant, par exemple ses attitudes vis-à-vis du changement, du travail en équipe, de la gestion des conflits, etc. Une équipe de formateurs éclairée pourra intégrer cette dimension : par des debriefings approfondis, des mises en situation déstabilisantes suivies d'une analyse, on amène l'apprenant à prendre conscience de ses préjugés ou de ses zones d'inconfort pour les dépasser. C'est souvent dans ces moments que se produisent de véritables déclics et changements de posture chez les participants.
En résumé, la maîtrise de l'andragogie et plus globalement des sciences de la formation des adultes est un facteur clé de succès pour un organisme de formation. Un dirigeant doit s'assurer que son équipe partage ces références communes et ces réflexes pédagogiques centrés sur l'apprenant. Cela se traduit par des formations plus engageantes, un meilleur ancrage des compétences et, in fine, par une satisfaction accrue des apprenants. Dans le milieu professionnel, où la formation continue vise des objectifs très concrets (monter en compétence sur un logiciel, adopter de nouveaux comportements managériaux, etc.), cette approche centrée sur l'adulte assure un retour sur investissement supérieur pour les clients comme pour les apprenants eux-mêmes.
Ingénierie pédagogique et qualité des formations
Diriger une équipe de formateurs performante, ce n'est pas seulement recruter de bons éléments et les laisser intervenir indépendamment : c'est aussi orchestrer une cohérence pédagogique et assurer une qualité constante des formations délivrées. Cela passe par la mise en place d'une véritable ingénierie pédagogique au sein de l'organisme.
L'ingénierie pédagogique désigne l'ensemble des méthodes et processus de conception des formations. Elle répond à des questions comme : comment analyser les besoins de formation d'un public ou d'une entreprise cliente ? Comment définir les objectifs pédagogiques précis d'un module ? Quelles méthodes d'apprentissage choisir (approche magistrale, études de cas pratiques, mises en situation, e-learning interactif, etc.) ? Quels supports ou outils utiliser ? Comment évaluer que les compétences sont effectivement acquises à l'issue de la formation ? Dans un organisme structuré, ces questions font l'objet de documents cadre et de référentiels internes, de sorte que chaque formateur s'aligne sur les mêmes exigences de qualité.
Concrètement, un organisme de formation peut, pour chaque action de formation au catalogue, fournir à ses formateurs une trame pédagogique détaillée : durée et séquencement des séquences, objectifs opérationnels visés, contenu théorique à couvrir, exercices d'application, critères d'évaluation des acquis, etc. Cela ne signifie pas brider la liberté pédagogique du formateur, mais lui donner un canevas clair garantissant que toutes les sessions d'une même formation poursuivent les mêmes objectifs et délivrent les messages clés attendus. Par exemple, dans une formation bureautique sur Excel, on peut définir qu'en fin de formation les apprenants doivent « savoir utiliser les formules de base (somme, moyenne, etc.) et réaliser un tableau croisé dynamique simple ». Le formateur aura la latitude de choisir ses exemples ou la progression qu'il préfère, mais on s'assure qu'il couvrira bien les notions indispensables. Ces référentiels peuvent s'inspirer de référentiels officiels (par exemple un référentiel de certification inscrit à France Compétences, si la formation vise une certification enregistrée au RNCP) ou être développés en interne sur mesure.
Par ailleurs, l'équipe de formateurs doit s'accorder sur des méthodes pédagogiques communes reflétant les valeurs de l'organisme. Si l'organisme prône une pédagogie active, on attendra de chaque formateur qu'il intègre dans ses sessions un minimum de mises en pratique, d'échanges interactifs, etc., et pas uniquement des présentations descendantes. À l'inverse, si l'organisme met en avant une approche très académique (par exemple pour des formations réglementaires pointues), les formateurs suivront un protocole plus magistral. L'important est que le public bénéficiaire retrouve une certaine unité d'expérience quel que soit le formateur ou l'implantation géographique. Un moyen de renforcer cette unité est de fournir aux formateurs des ressources communes : une bibliothèque de cas pratiques, de quizz ou d'études, des supports standardisés (modèles de slides, charte graphique, documentation à distribuer aux stagiaires), voire des outils numériques uniformisés (LMS, outils d'évaluation en ligne, etc.). Le responsable pédagogique joue alors un rôle de chef d'orchestre, coordonnant la production ou la sélection de ces ressources et s'assurant que tout le monde s'en empare correctement.
La qualité des formations doit en outre être pilotée via un processus d'amélioration continue. Il est indispensable de recueillir les retours des apprenants et de les analyser. La plupart des organismes le font via des questionnaires de satisfaction à chaud, remplis par les participants en fin de formation. Le référentiel Qualiopi en a d'ailleurs fait un critère obligatoire (critère 7 sur le recueil des appréciations des parties prenantes). Mais au-delà de l'obligation, c'est un précieux outil de management de l'équipe pédagogique. Le responsable devrait partager avec chaque formateur les feedbacks reçus sur ses interventions. Cela permet de valoriser les points forts (ex : un formateur très apprécié pour son dynamisme et ses anecdotes concrètes) et de cibler les axes d'amélioration (ex : améliorer la gestion du temps en session, varier davantage les supports, etc.). Si un formateur reçoit régulièrement des évaluations un peu en dessous de la moyenne de l'équipe, il peut être opportun de planifier une action correctrice : un entretien individuel pour comprendre ce qui coince, éventuellement une formation complémentaire (par exemple se perfectionner à l'animation de classes virtuelles si c'est pointé comme faible), ou un accompagnement par un formateur mentor. À l'inverse, un formateur plébiscité pourra être mis en avant, et ses pratiques de formation pourront inspirer l'ensemble de l'équipe (on peut lui demander de présenter à ses collègues ses « recettes » qui fonctionnent bien).
En complément des évaluations par les stagiaires, d'autres indicateurs peuvent être suivis pour piloter la qualité pédagogique : le taux de réussite à un examen quand il y en a un (par exemple le taux de certification des apprenants si la formation prépare à un diplôme ou un test), le taux de retour des entreprises clientes (commandent-elles d'autres formations après une première collaboration, ce qui traduit leur satisfaction ?), ou encore des indicateurs plus informels comme les témoignages de réussites individuelles (ex : un apprenant formé qui obtient une promotion grâce aux compétences acquises). Ces informations doivent être partagées avec l'équipe pour donner du sens à son action. Elles peuvent aussi être intégrées à des réunions qualité périodiques où l'on discute des dysfonctionnements éventuels et des améliorations à apporter aux programmes. Par exemple, si plusieurs formateurs remontent qu'un module de 2 jours est trop court pour traiter tout le programme prévu, on pourra décider collectivement de l'allonger ou de recentrer les objectifs.
En matière de conception pédagogique, il est judicieux de s'appuyer sur des modèles éprouvés pour structurer les séquences d'apprentissage. Un modèle courant est celui du cycle d'apprentissage expérientiel de David Kolb, qui prévoit de faire passer l'apprenant par quatre phases : une expérience concrète initiale, suivie d'une observation réflexive sur cette expérience, puis d'une conceptualisation (apport théorique ou mise en lien avec des concepts généraux) et enfin une expérimentation active permettant de réinvestir les concepts. Ce cycle se boucle ensuite avec une nouvelle expérience, et ainsi de suite. Le cycle de l'apprentissage expérientiel de Kolb (1984) : l'apprentissage se déroule en quatre étapes itératives : expérience concrète, observation réflexive, conceptualisation abstraite, expérimentation active. Intégrer ce type de démarche dans les formations garantit un apprentissage plus profond : par exemple, au lieu de se limiter à expliquer un concept, le formateur commence par un cas pratique ou une simulation (expérience), puis incite les apprenants à analyser ce qu'ils ont fait (réflexion), ensuite seulement il formalise les points théoriques à retenir (conceptualisation), et enfin propose un exercice d'application ou un nouveau cas (expérimentation). De nombreux modèles pédagogiques existent (méthode de la découverte, pédagogie par projet, méthode des cas, etc.), mais l'important est de choisir une ligne directrice et de former les formateurs à l'appliquer pour donner du rythme et du sens aux apprentissages.
Enfin, l'ingénierie pédagogique implique de rester en phase avec les évolutions externes. Les besoins de compétences dans les entreprises évoluent vite : de nouveaux métiers apparaissent, les technologies se renouvellent, les réglementations changent. Un organisme de formation se doit d'être en veille constante pour mettre à jour ses contenus. Une bonne pratique est d'associer l'équipe de formateurs à cette veille. Par exemple, instaurer un rendez-vous trimestriel où chacun partage les nouvelles tendances observées dans son domaine (nouveaux logiciels, nouvelles normes, demandes inédites de clients...). Cela peut déboucher sur la création de nouveaux modules de formation ou la refonte de certains supports. La qualité pédagogique est un processus vivant : une équipe performante est une équipe qui apprend et s'améliore en permanence elle-même, à l'image de ce qu'elle prône pour ses apprenants.
Innover dans les modes de formation : digital learning et AFEST
Au-delà des méthodes pédagogiques classiques, un organisme de formation performant doit intégrer les nouvelles modalités d'apprentissage qui se développent. Ces dernières années ont vu deux évolutions majeures : l'essor du digital learning (formations en ligne ou hybrides) et la reconnaissance de l'AFEST (Action de Formation En Situation de Travail) comme modalité de formation à part entière. Passer du formateur solo à la tête d'un organisme, c'est aussi savoir innover en matière de format de formation et d'outils, afin d'enrichir son offre et d'améliorer l'efficacité des parcours.
Le digital learning s'est fortement démocratisé, notamment à la faveur de la pandémie de Covid-19 qui a poussé les organismes et les entreprises à recourir massivement à la formation à distance. En 2025, on estime que plus de la moitié des dispositifs de formation en entreprise sont en modalités mixtes (blended learning), combinant présentiel et distanciel, et qu'un quart sont entièrement à distance. Classes virtuelles via Zoom ou Teams, modules e-learning asynchrones, vidéos pédagogiques, serious games, réalité virtuelle : les outils ne manquent pas. Pour un organisme de formation, intégrer le digital learning permet d'offrir plus de flexibilité (les apprenants peuvent se former à leur rythme, sans contrainte géographique) et souvent de réduire certains coûts logistiques. Mais cela demande que les formateurs montent en compétences sur le plan technologique et didactique.
Le responsable d'une équipe de formateurs devra donc évaluer les compétences numériques de ses collaborateurs et combler les lacunes par de la formation interne ou externe. Par exemple, former les formateurs à l'animation d'une classe virtuelle (gestes techniques, usage des fonctionnalités interactives comme les sondages, le chat, les sous-groupes en ligne...), ou à la conception de modules e-learning (utiliser un logiciel auteur, scénariser des vidéos, etc.). On observe que les freins principaux au développement du digital learning dans les organismes ne sont pas le manque d'outils, mais souvent le manque de temps et de compétences pour produire des contenus numériques de qualité. Le dirigeant doit donc planifier des ressources pour ces projets (dégager du temps aux formateurs, éventuellement recruter un concepteur pédagogique multimédia en support). Il peut aussi encourager la mutualisation : par exemple, au lieu que chaque formateur crée seul son module e-learning dans son coin, organiser un atelier d'équipe pour co-construire un module type, qui servira de référence.
Le digital learning impose également de repenser le tutorat des apprenants. En présentiel, le formateur voit ses stagiaires et détecte immédiatement les signaux de décrochage, peut répondre aux questions au fil de l'eau. À distance, surtout en e-learning asynchrone, le risque d'abandon est plus élevé si l'apprenant est isolé. D'où l'importance de mettre en place un accompagnement tutoral (forums animés par le formateur, permanences en visioconférence, relances proactives, etc.). Là encore, cela peut être un nouvel aspect du métier pour lequel tous les formateurs ne sont pas spontanément préparés. Le manager devra les sensibiliser aux bonnes pratiques du tutorat en ligne, et peut-être désigner certains formateurs référents pour assurer ce suivi lorsque les volumes d'apprenants sont importants.
En parallèle du numérique, la seconde grande innovation est l'AFEST (formation en situation de travail), qui a été officialisée par la loi de 2018. L'AFEST consiste à organiser la formation directement sur le poste de travail du salarié, dans le cadre de son activité professionnelle habituelle. Plutôt que de suivre un stage en salle ou un cours en ligne, l'apprenant va apprendre en travaillant, sur de vraies tâches, avec l'aide d'un formateur-tuteur. En quelque sorte, l'AFEST formalise ce qui se faisait de manière informelle par le compagnonnage ou le tutorat, en y ajoutant une méthodologie pédagogique. Juridiquement, une AFEST est définie comme « un parcours pédagogique permettant d'atteindre un objectif professionnel » (Code du travail art. L6313-2) réalisé en tout ou partie sur le lieu de travail. Elle « mobilise un formateur, interne ou externe à l'entreprise, et un salarié à former sur le lieu même du travail et en cours d'activité », le matériau pédagogique principal étant le travail lui-même.
Une AFEST bien conduite comporte typiquement deux types de séquences, distinctes mais complémentaires : (1) des mises en situation de travail où l'apprenant réalise une activité productive réelle, avec une intention pédagogique explicitée (par exemple, un mécanicien réalise une intervention sur un véhicule avec pour objectif d'apprendre une nouvelle procédure) ; durant cette phase, l'apprenant fait, et éventuellement le formateur-tuteur l'observe ou le guide légèrement ; (2) des phases de réflexion ou séquences réflexives où l'on prend du recul hors de l'action, afin de analyser ce qui s'est passé, de comparer le résultat aux attentes, d'extraire les enseignements de l'expérience. Cette seconde phase, menée avec le formateur, est cruciale pour transformer l'expérience brute en apprentissage : « Vivre une expérience de travail ne suffit pas à produire des compétences... Un temps réflexif, accompagné par un formateur, est nécessaire pour tirer les enseignements [...] et consolider les apprentissages ». Les deux types de séquences alternent possiblement plusieurs fois, jusqu'à ce que l'apprenant ait atteint le niveau désiré. On le voit, l'AFEST s'inspire fortement des théories de l'apprentissage expérientiel (telles que Kolb ou Dewey) en intégrant explicitement l'action et la réflexion dans le processus formatif.
Pour un organisme de formation, proposer des AFEST nécessite d'adapter son modèle d'intervention. Souvent, cela implique d'aller en entreprise, de travailler sur le terrain de l'apprenant. Le formateur doit être capable d'analyser l'activité de travail en amont pour l'adapter à des fins pédagogiques (identifier quelles tâches peuvent servir de support d'apprentissage, quelles situations offriront des cas typiques ou au contraire variés, comment garantir la sécurité si l'apprenant est amené à manipuler des équipements, etc.). Ensuite, pendant l'AFEST, il doit adopter une posture de tuteur plutôt que de formateur classique. L'Anact insiste sur ce point : « Pour le formateur, il s'agit d'abord d'aider le salarié en formation à analyser ce qui s'est passé pendant la mise en situation [...], puis dans un second temps de donner son point de vue ou des apports complémentaires. Cette posture ne va pas de soi mais elle s'apprend ». En effet, beaucoup de formateurs sont habitués à transmettre un savoir structuré ; ici, il faut d'abord laisser l'apprenant s'exprimer sur son vécu, l'écouter, lui poser les bonnes questions pour qu'il prenne conscience de ses succès ou de ses erreurs, et seulement ensuite apporter des compléments. C'est un rôle qui emprunte à la maïeutique (l'art de faire émerger le savoir par le questionnement) autant qu'au tutorat technique.
L'intégration de l'AFEST dans une offre de formation peut représenter un avantage concurrentiel certain. Pour les entreprises, cela permet de former les salariés sans les extraire de leur poste trop longtemps, et de viser des compétences directement opérationnelles. Toutefois, pour un organisme de formation, cela complexifie la gestion : il faut coordonner potentiellement plusieurs formateurs (un qui intervient en salle sur la théorie, un sur le terrain pour l'AFEST), personnaliser fortement les parcours (chaque AFEST est unique car liée au poste de travail du salarié formé) et garantir la tracabilité et la justification de l'action de formation (ce qui est requis par la réglementation : preuve des séquences réalisées, etc. - Code du travail art. D6313-3-2).
Un organisme qui se lance dans l'AFEST doit donc préparer son équipe : former les formateurs intéressés aux spécificités de l'AFEST (il existe aujourd'hui des guides pratiques et même des formations de « formateur AFEST »), éventuellement recruter des profils ayant une expérience de tuteur en entreprise, et élaborer des outils de suivi (grilles d'observation, protocoles de conduite d'entretien réflexif, etc.). Ici encore, l'échange d'expériences est précieux : les premiers formateurs à pratiquer l'AFEST au sein de l'équipe pourront partager leurs retours et affiner les méthodes avec leurs collègues.
En définitive, digital learning et AFEST sont deux facettes de l'innovation pédagogique que le dirigeant d'un collectif de formateurs doit savoir promouvoir. L'une exploite les possibilités du numérique pour enrichir et faciliter l'accès à la formation, l'autre rapproche la formation du terrain pour plus d'efficience. Ces approches ne s'opposent pas, au contraire : on peut très bien imaginer un parcours complet combinant du e-learning en amont pour les bases théoriques, une formation présentielle pour les apports pratiques complémentaires, puis une AFEST in situ pour ancrer les savoir-faire dans l'environnement de travail réel. Une équipe de formateurs polyvalente et ouverte aux innovations sera capable de construire et d'animer ces dispositifs multimodaux complexes. Le rôle du manager est d'insuffler une culture de l'innovation au sein de son équipe, en encourageant la curiosité (veille sur les nouvelles techniques pédagogiques, expérimentation de nouveaux outils) et en soutenant la prise d'initiative. Un formateur qui propose d'essayer un serious game ou un module de réalité virtuelle ne doit pas être freiné, mais accompagné pour évaluer la valeur ajoutée et capitaliser l'expérience. L'organisme de formation se positionnera ainsi à la pointe, donnant une image de modernité et d'adaptabilité, précieuse pour attirer à la fois les clients et les formateurs talentueux.
Piloter et motiver une équipe de formateurs au quotidien
Recruter des formateurs compétents et définir un cadre pédagogique commun ne suffit pas : il faut aussi animer l'équipe au quotidien pour maintenir son niveau de performance. Gérer des formateurs présente des particularités : souvent dispersés géographiquement, parfois externes à l'organisme (freelances), ils peuvent ne pas se voir comme une "équipe" au sens classique. Le manager doit donc redoubler d'efforts pour créer du lien, donner du sens collectif et maintenir une motivation élevée chez chacun.
Un premier levier est d'instaurer une communication régulière et un esprit d'équipe. Il est utile par exemple d'organiser des réunions d'équipe périodiques (mensuelles ou trimestrielles selon la taille de l'organisme). Ces réunions peuvent se faire en présentiel si la proximité le permet, ou via des outils de visioconférence pour intégrer les formateurs distants. L'ordre du jour comprendra les actualités de l'organisme (nouveaux clients, nouvelles formations au catalogue, évolutions réglementaires comme Qualiopi ou CPF...), un tour de table permettant à chacun de partager son vécu récent (succès, difficultés, besoins de support particulier) et éventuellement un focus pédagogique (discussion sur une pratique, retour d'expérience d'un formateur, etc.). Ce rendez-vous régulier permet de fédérer l'équipe, de valoriser l'expérience de chacun et de faire circuler l'information de manière fluide. Les formateurs, même indépendants, sentent ainsi qu'ils appartiennent à une communauté professionnelle et non qu'ils travaillent isolément chacun de leur côté.
Le leadership du dirigeant joue un rôle central dans la motivation. Adopter un style de management participatif et respectueux de l'expertise de chaque formateur est généralement payant. Les formateurs sont souvent fiers de leur savoir-faire : les impliquer dans les décisions qui les concernent (par exemple dans la refonte d'un programme, dans le choix d'un nouvel outil digital, etc.) est un bon moyen de les responsabiliser et de les engager. Inversement, un management trop directif risquerait de braquer ces profils autonomes. Il s'agit donc de trouver un équilibre entre cadre et flexibilité : définir clairement les objectifs et les attentes (ex : "assurer un taux de satisfaction moyen de 90 % sur telle formation", "respecter les procédures Qualiopi", etc.) tout en laissant de la marge de manœuvre sur la façon d'y arriver.
La reconnaissance est un autre ressort de motivation important. La formation est un métier exigeant, et les réussites méritent d'être soulignées. Le manager peut instaurer des retours positifs systématiques lorsque de bons résultats sont obtenus. Par exemple, si une entreprise cliente envoie un courrier de félicitations pour la qualité d'une formation dispensée, le diffuser à toute l'équipe (ou au moins féliciter publiquement le formateur concerné) est apprécié. De même, mettre en avant un formateur qui a obtenu d'excellentes évaluations des stagiaires, ou qui a su gérer une session délicate avec brio, contribue à valoriser le travail bien fait. Cette reconnaissance peut être formelle (mention lors d'une réunion, lettre de remerciement) ou informelle (lui exprimer directement son appréciation, l'inviter à partager ses bonnes pratiques avec les collègues).
Sur le plan matériel, motiver peut aussi passer par la rémunération et les conditions de travail. Certes, dans de nombreux organismes, les formateurs externes sont payés à la vacation ou à la mission, avec des tarifs souvent contraints par le marché. Néanmoins, veiller à une rémunération juste et transparente, payer rapidement les prestations, défrayer correctement les déplacements, sont autant d'éléments qui jouent sur la satisfaction des formateurs. Pour les formateurs salariés, ouvrir des perspectives d'évolution de carrière (passer formateur référent, devenir responsable pédagogique adjoint, se spécialiser sur un domaine stratégique...) et intégrer éventuellement une part variable liée à la performance qualitative peut être motivant. Toutefois, la motivation des formateurs est avant tout intrinsèque : beaucoup sont passionnés par la transmission. Le rôle du manager est surtout de ne pas éteindre cette flamme, en évitant de les surcharger de tâches administratives inutiles par exemple, ou en les déchargeant de certaines contraintes pour qu'ils se concentrent sur leur cœur de métier.
La gestion administrative des formateurs doit en effet être optimisée pour ne pas devenir un irritant. Lorsque l'équipe s'agrandit, le suivi des contrats, des plannings, des heures réalisées, des remboursements de frais, peut vite virer au casse-tête sans outils appropriés. Il est recommandé d'utiliser un système d'information (tableau de bord ou logiciel spécialisé) pour gérer ces aspects. De nombreuses solutions SaaS (dont celles offertes par Argalis, éditeur leader en gestion des organismes de formation) permettent de suivre jusqu'à plusieurs milliers de formateurs : on y trouve les disponibilités de chacun, on peut y affecter des sessions de formation, envoyer des convocations automatisées, calculer le nombre d'heures effectuées par formateur, éditer des éléments pour la paye ou la facturation, etc. Ces outils améliorent la fiabilité des plannings et font gagner un temps précieux, évitant des conflits d'agenda ou des erreurs de répartition. Pour un dirigeant, disposer d'un tel outil lui donne une vision d'ensemble de son "capital formateurs" et facilite la prise de décision (sait-on mobiliser un formateur sur tel sujet la semaine prochaine ? qui est sous-utilisé ces derniers temps ? etc.).
Il faut également être attentif à l'équilibre de la charge de travail. Dans une grande équipe, certains formateurs risquent d'être très sollicités (les plus demandés par les clients, ou ceux ayant de multiples compétences), au risque de s'épuiser, tandis que d'autres peuvent être sous-employés. Un bon pilotage consiste à mutualiser et répartir au mieux : si un formateur est sur-sollicité, envisager de former un de ses collègues sur la même thématique pour le décharger un peu ; si un formateur est moins demandé, lui proposer de développer une nouvelle expertise ou de participer à un projet interne pour valoriser son temps disponible. Le but est que chacun trouve sa place et ait un plan de développement dans l'organisme, sans stagnation ni surmenage.
L'accompagnement individuel des formateurs fait donc partie intégrante du rôle du manager. Il peut être utile de prévoir des entretiens annuels (ou bi-annuels) avec chaque formateur pour faire le point sur son activité, ses difficultés éventuelles, ses souhaits d'évolution ou de formation. Ce moment d'écoute permet de détecter en amont les risques (lassitude, envie de départ, frustrations) et de co-construire des solutions. Par exemple, un formateur peut exprimer son souhait de développer un nouveau module ou de réduire ses déplacements pour raisons personnelles : en le sachant, le manager peut adapter son plan de charge ou l'impliquer dans la conception de ce nouveau module, ce qui le re-motive. Un autre peut signaler qu'il aimerait améliorer sa maîtrise de l'anglais pour animer des formations bilingues : l'organisme peut alors lui financer une formation en anglais, qui bénéficiera ensuite à tous. Ce genre de démarches fidélise les formateurs et améliore globalement la qualité du service offert.
Enfin, n'oublions pas que gérer une équipe de formateurs, c'est aussi parfois gérer des conflits ou des divergences. Deux formateurs peuvent avoir des approches très différentes qui créent des tensions (par exemple l'un insiste sur la rigueur des contenus, l'autre sur la ludification et la flexibilité). Le manager doit arbitrer ces visions en s'appuyant sur les objectifs de l'organisme et sur la satisfaction des apprenants. La clé est de maintenir un climat de respect mutuel et de centrage sur la mission commune : former efficacement les apprenants. En cas de désaccord, favoriser le dialogue, recentrer sur des éléments factuels (résultats obtenus, évaluations) et, si nécessaire, trancher en rappelant la ligne directrice décidée (par exemple : "notre pédagogie met l'apprenant au centre, donc on ne peut pas accepter un cours trop descendant, même si le contenu est excellent scientifiquement"). En dernier recours, il peut arriver qu'un formateur ne s'intègre pas à la culture de l'équipe ou n'adhère pas aux exigences de qualité : le manager doit alors prendre ses responsabilités et envisager de rompre la collaboration si aucune amélioration n'est possible. La crédibilité de l'organisme vis-à-vis de ses clients et apprenants passe avant tout.
En somme, piloter une équipe de formateurs requiert un subtil mélange de gestion organisationnelle (planning, logistique, outils) et de leadership humain (communication, reconnaissance, accompagnement). C'est un travail de tous les instants, mais qui porte ses fruits : une équipe bien gérée est non seulement plus efficace et réactive, mais aussi plus engagée et loyale. Dans un domaine comme la formation, où la qualité repose énormément sur l'humain, construire une équipe soudée, compétente et motivée est sans doute l'aboutissement le plus gratifiant pour un dirigeant d'organisme.
Développer les compétences des formateurs et assurer la veille
Une équipe de formateurs performante est une équipe qui continue d'apprendre. Pour maintenir l'excellence, l'organisme doit investir dans le développement professionnel de ses formateurs et encourager une culture de veille et de formation continue en interne. Cela répond d'ailleurs aux exigences de Qualiopi, qui incluent la « qualification et développement des compétences des personnels en charge des prestations » comme critère incontournable.
Tout d'abord, il peut être pertinent d'élaborer un plan de développement des compétences spécifiquement pour les formateurs. Celui-ci identifie les axes de progression souhaités pour l'équipe et les actions à mener : par exemple, former tous les formateurs aux bases de l'animation à distance, ou certifier un certain nombre d'entre eux à une nouvelle réglementation (comme la réforme de la formation professionnelle elle-même, afin qu'ils en comprennent les enjeux pour leurs clients). Ce plan peut comprendre des formations formelles (stages courts, webinaires, MOOCs...), de l'auto-formation accompagnée (lectures, abonnements à des revues comme Education Permanente, etc.), ou du mentorat interne.
Beaucoup d'organismes tirent profit du co-développement entre formateurs : on peut ainsi instituer des ateliers pédagogiques internes. Par exemple, une fois par trimestre, un formateur anime à destination de ses collègues une mini-formation sur un sujet qu'il maîtrise très bien (un outil digital particulier, une méthode pédagogique innovante comme la classe inversée, etc.). L'objectif est double : enrichir les autres et valoriser l'expertise interne. On capitalise ainsi sur la diversité des talents présents dans l'équipe.
La veille pédagogique et sectorielle est également cruciale. Chaque formateur, souvent spécialisé dans un domaine, suit naturellement les évolutions de son métier. Le manager peut structurer cette veille en la partageant. Une idée est de créer un espace collaboratif (par exemple un groupe Teams ou un forum interne) où les formateurs postent les articles, études ou informations qu'ils trouvent pertinentes (ex : « Une étude de l'OCDE vient de sortir sur l'impact des formations en entreprise », « Nouvelles fonctionnalités intéressantes dans Zoom pour l'apprentissage interactif », « Publication d'un livre blanc de l'UNESCO sur l'avenir de l'apprentissage des adultes »). Lors de réunions, on peut consacrer quelques minutes à discuter d'une tendance émergente. Cette démarche maintient l'équipe en alerte et évite de se reposer sur ses acquis.
Former les formateurs peut aussi passer par la participation à des événements extérieurs. On peut encourager (et financer si possible) la présence des formateurs à des salons professionnels (Salon Learning Technologies, Université d'Hiver de la Formation Professionnelle, conférences AFREF, etc.), voire à des formations diplômantes (certains formateurs choisissent de passer un Master en ingénierie pédagogique ou un Certificat de coaching pour élargir leur palette). L'investissement peut sembler lourd, mais il est généralement rentabilisé par les nouvelles idées rapportées et l'amélioration des pratiques. De plus, c'est un signe d'investissement de l'employeur dans ses collaborateurs, ce qui renforce la fidélité.
Le développement des formateurs comprend aussi le volet évaluation et retour sur leurs nouvelles compétences. Si un formateur a suivi une formation, il peut être intéressant qu'il fasse un retour d'expérience à l'équipe et qu'il mette en œuvre ce qu'il a appris. Le manager doit s'assurer que ces compétences fraîchement acquises se traduisent dans l'activité : par exemple, après une formation à la gamification, le formateur pourra créer un jeu pédagogique pour l'une de ses formations et en mesurer les effets sur l'engagement des apprenants. Cette boucle de rétroaction consolide les apprentissages.
En résumé, prendre soin des compétences de ses formateurs est un investissement stratégique. Un organisme de formation n'a de valeur que par la qualité de ses formateurs : en développant leur expertise, il développe son avantage concurrentiel. C'est aussi un élément de marque employeur important dans le milieu de la formation professionnelle. Les meilleurs formateurs rechercheront les organismes où ils peuvent eux-mêmes apprendre et progresser. Une réputation d'« organisme apprenant » attirera donc des candidats de talent, bouclant un cercle vertueux.
Conclusion
Passer du statut de formateur indépendant à celui de dirigeant d'une équipe de formateurs est une transition majeure qui s'apparente à un véritable changement d'échelle. Pour réussir ce passage sans heurts, il convient d'adopter une approche professionnelle et structurée de la gestion des formateurs, tout en conservant l'ADN pédagogique qui fait la richesse du métier.
Au terme de cette analyse, on peut dégager plusieurs clés d'une équipe performante : (1) Recruter avec exigence des formateurs aux compétences avérées, en veillant à leur maîtrise de l'andragogie et à leur adéquation avec la culture de l'organisme ; (2) Instaurer un cadre pédagogique commun (ingénierie, référentiels, outils) garantissant la cohérence et la qualité des prestations, tout en laissant chaque formateur exprimer son talent ; (3) Innover et s'adapter : intégrer les nouvelles modalités (digital learning, AFEST, etc.) et former en continu l'équipe aux évolutions du métier pour rester à la pointe ; (4) Piloter humainement l'équipe en communiquant, en reconnaissant les réussites, en fédérant le collectif et en accompagnant individuellement chaque formateur dans son développement ; (5) Assurer la qualité et la conformité en s'alignant sur les meilleurs standards (mesure de la satisfaction, amélioration continue, respect des référentiels qualité comme Qualiopi), ce qui au passage renforce l'image de sérieux de l'organisme auprès des clients et partenaires publics.
Le principal atout d'un organisme de formation est la valeur humaine de son équipe pédagogique. En investissant du temps et des efforts pour construire une équipe experte, motivée et soudée, un dirigeant se donne les moyens de ses ambitions. Non seulement il améliore le référencement et la réputation de son organisme (par le bouche-à-oreille positif des apprenants satisfaits, par la conformité aux standards qualité recherchée par les financeurs), mais il crée aussi une dynamique interne porteuse d'excellence.
Pour Argalis, éditeur de solutions SaaS dédiées aux organismes de formation, accompagner ses clients dans cette professionnalisation de la gestion des formateurs est essentiel. Les organismes qui réussissent sont souvent ceux qui ont su passer du mode artisanal (un formateur isolé gérant tout) à un mode organisé et collectif, sans perdre la passion du métier. Recruter et gérer des formateurs est donc un levier stratégique : c'est en s'entourant des bonnes personnes, en les faisant grandir et en orchestrant leurs talents que l'on peut constituer une équipe performante, capable de relever les défis de la formation professionnelle du XXIe siècle – un secteur en pleine expansion, où sérieux et profondeur riment avec succès durable.
Bibliographie
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