Introduction
La formation professionnelle continue joue un rôle crucial dans le développement des compétences tout au long de la vie en France. [1] Le secteur compte des dizaines de milliers d'organismes de formation – en 2017, plus de 67 600 prestataires déclaraient une activité de formation continue pour un chiffre d'affaires total de 14,9 milliards d'euros. [2, 3] La grande majorité de ces organismes sont de petites structures ou des formateurs indépendants, souvent constitués en entreprises individuelles (micro-entrepreneurs) ou en petites sociétés unipersonnelles (EURL, SASU, auto-entreprise, etc.). Ces entrepreneurs de la formation doivent non seulement exceller en pédagogie et en andragogie - l'art d'enseigner aux adultes - mais aussi maîtriser des aspects financiers et fiscaux complexes pour assurer la pérennité de leur activité.
L'optimisation fiscale revêt ainsi une importance particulière pour les formateurs et dirigeants d'organismes de formation. Elle consiste à comprendre et tirer parti des régimes d'imposition et des dispositifs d'allègement spécifiques à la formation professionnelle, afin de réduire la charge fiscale globale et de dégager des ressources pour investir dans la qualité pédagogique (ingénierie pédagogique, digital learning, etc.). Adopter une stratégie fiscale avisée peut permettre, par exemple, de proposer des tarifs compétitifs aux clients (grâce à l'exonération de TVA), d'augmenter la rentabilité en choisissant le bon statut juridique, ou encore de bénéficier de certains crédits d'impôt lorsque c'est possible.
À savoir : Le domaine de la formation des adultes s'appuie sur des principes pédagogiques spécifiques. Comme le souligne Malcolm Knowles, figure de proue de l'andragogie, « pour les enfants, l'expérience signifie ce qui leur est arrivé, alors que pour les adultes, elle signifie "ce qu'ils sont" ». [4] Cette citation illustre combien la formation professionnelle touche à l'identité même de l'apprenant adulte. Il est donc essentiel pour un organisme de formation d'adopter une démarche sérieuse et professionnelle dans tous les aspects de son activité – y compris la gestion financière et fiscale - afin d'inspirer confiance et de soutenir efficacement le développement des compétences de ses stagiaires.
Dans cet article, rédigé dans une optique institutionnelle par Argalis, éditeur de solutions SaaS pour les organismes de formation, nous passerons en revue les stratégies d'optimisation fiscale propres aux formateurs et centres de formation. Nous aborderons successivement le cadre réglementaire spécifique du secteur (notamment l'obligation d'une comptabilité dédiée avec un plan comptable adapté), le choix du statut juridique et du régime fiscal, les mécanismes d'exonération de TVA et leurs conditions, ainsi que d'autres dispositifs d'allègement ou incitations fiscales. Des exemples chiffrés viendront illustrer l'impact de ces optimisations. L'objectif est de fournir un contenu fouillé et rigoureux, appuyé sur des sources officielles et scientifiques de premier plan, afin d'aider les formateurs et dirigeants à réduire leur charge fiscale en toute légalité tout en renforçant la viabilité de leur mission pédagogique.
Cadre réglementaire de la formation professionnelle : obligations comptables et fiscales spécifiques
Les organismes de formation, en France, sont soumis à un cadre réglementaire bien défini, avec des obligations spécifiques visant à garantir la transparence financière et la qualité de leurs actions. Dès lors qu'une structure dispense des actions entrant dans le champ de la formation professionnelle continue (formations, bilans de compétences, validation des acquis de l'expérience, AFEST – Action de Formation en Situation de Travail, etc.), elle doit respecter les dispositions du Code du travail relatives aux organismes de formation.
Déclaration d'activité et reporting : Tout organisme de formation (OF) de droit privé doit effectuer une déclaration d'activité auprès de l'administration (DREETS) dès la signature de sa première convention de formation ou du premier contrat de formation professionnelle (Article L6351-1 du Code du travail). Il obtient alors un numéro d'enregistrement et s'engage à respecter la réglementation en vigueur. Chaque année, l'organisme doit établir et déposer un Bilan Pédagogique et Financier (BPF), document qui récapitule l'activité de formation de l'année écoulée (nombre de stagiaires, heures de formation dispensées, catégories d'actions réalisées, données financières, etc.). [5, 6] Le BPF permet aux autorités de contrôler l'utilisation des fonds de la formation et le respect des obligations. Le non-dépôt du BPF peut entraîner des sanctions administratives et la perte du statut d'organisme de formation déclaré.
Comptabilité séparée et plan comptable adapté : L'une des spécificités majeures pour un organisme de formation est l'obligation de tenir une comptabilité distincte pour l'activité formation. En effet, si l'entité exerce d'autres activités en plus de la formation, elle doit isoler en comptabilité tout ce qui relève de la formation professionnelle continue. [7] Cela signifie, par exemple, que les produits et charges liés aux actions de formation doivent être suivis séparément des autres revenus/dépenses éventuels de l'entreprise. De plus, tous les organismes de formation de droit privé dépassant un certain seuil de chiffre d'affaires doivent appliquer un plan comptable spécifique au secteur de la formation. Un arrêté du 2 août 1995 a adapté le Plan Comptable Général à l'activité des organismes de formation (articles D.6352-16 à D.6352-18 du Code du travail). [8, 9] Concrètement, dès que l'organisme réalise plus de 15 245 € de chiffre d'affaires annuel (hors taxes), il est tenu d'utiliser ce plan comptable adapté, qui prévoit des comptes spécifiques pour les prestations de formation, des annexes obligatoires supplémentaires et des lignes particulières dans les états financiers. [10]
Comptes annuels et audit : Comme toute entreprise, un dispensateur de formation doit établir chaque année des comptes annuels complets (bilan, compte de résultat et annexe), conformément aux règles comptables générales (Code de commerce). [11] La différence, on l'a vu, est que ces comptes doivent faire ressortir distinctement l'activité formation. Par ailleurs, si l'organisme de formation atteint une certaine taille, il a l'obligation de nommer un commissaire aux comptes chargé de certifier les comptes. Les critères actuels imposant la désignation d'un commissaire aux comptes sont le dépassement d'au moins deux des trois seuils suivants à la fin d'un exercice : plus de 3 salariés, plus de 153 000 € de chiffre d'affaires total, ou plus de 230 000 € de total de bilan. [12, 13] Cette exigence garantit la fiabilité et la sincérité des comptes, un aspect important notamment lorsque l'organisme perçoit des financements publics ou mutualisés pour la formation (via les OPCO, Pôle emploi, CPF, etc.). En cas de manquement aux obligations comptables (absence de comptes distincts pour la formation, non-production des comptes annuels, etc.), des sanctions pénales sont prévues, incluant une amende pouvant atteindre 4 500 € et même une interdiction d'exercer pour le dirigeant en cas de récidive grave. [14, 15]
Certification qualité (Qualiopi) : Depuis le 1er janvier 2022, tous les prestataires de formation souhaitant accéder à des financements publics ou mutualisés (par exemple, les fonds des opérateurs de compétences OPCO, les financements par le CPF - Compte Personnel de Formation, Pôle emploi, les Régions, etc.) doivent être certifiés Qualiopi. [16] La certification Qualiopi, délivrée par des organismes accrédités, atteste de la qualité du processus de formation selon un référentiel national (référentiel Qualité) et est devenue un prérequis pour la prise en charge des formations. Bien qu'il s'agisse d'une obligation relevant plus de la qualité que de la fiscalité, il convient de la mentionner car elle influence indirectement la gestion de l'organisme : un OF certifié Qualiopi doit documenter ses process, améliorer en continu ses prestations, et peut ainsi prétendre aux financements qui permettent d'élargir sa clientèle. Du point de vue financier, l'obtention de Qualiopi représente un investissement (coût de l'audit de certification, temps passé à structurer les processus qualité) qui peut être amorti sur plusieurs années dans la comptabilité. De plus, être certifié permet d'éviter la perte de chiffre d'affaires liée à l'inéligibilité au CPF ou aux financements d'entreprises via leurs OPCO ; en ce sens, c'est un élément à considérer dans l'optimisation globale de l'activité. Notons que Qualiopi n'a pas d'effet d'exonération fiscale en soi, mais qu'un organisme non certifié, exclu des financements publics, perdrait un avantage concurrentiel et financier important.
En résumé, le secteur de la formation professionnelle est fortement encadré : un organisme de formation doit justifier d'une transparence comptable exemplaire, disposer d'un plan comptable approprié, et se conformer aux exigences de qualité. Ces obligations, bien que contraignantes, servent l'image de sérieux des prestataires et facilitent le suivi des fonds (surtout publics) investis dans la formation. Dans la section suivante, nous examinerons comment le choix du statut juridique et du régime fiscal de l'activité de formation peut impacter la charge fiscale et offrir des opportunités d'optimisation.
Choix du statut juridique et du régime d'imposition : quel impact fiscal ?
L'une des premières décisions stratégiques pour un formateur indépendant ou un dirigeant qui crée son organisme de formation concerne le statut juridique de son activité, et par conséquent le régime d'imposition applicable. En France, plusieurs options existent, chacune ayant des implications fiscales différentes. Les principaux statuts rencontrés dans la formation sont : l'entreprise individuelle (dont micro-entreprise ou auto-entrepreneur), l'EI sous régime réel (BNC ou BIC), l'EURL ou SARL (forme sociétale à responsabilité limitée), la SASU ou SAS (société par actions simplifiée unipersonnelle ou non), sans oublier le statut d'association loi 1901 dans certains cas (organismes à but non lucratif, hors champ commercial). Chaque formule présente des avantages et contraintes en termes de fiscalité des bénéfices, de TVA, de charges sociales, etc. Optimiser sa fiscalité, c'est d'abord choisir le bon cadre juridique et fiscal en fonction de son activité de formation, de son chiffre d'affaires prévisionnel et de sa situation personnelle.
L'option de la micro-entreprise (auto-entrepreneur)
De nombreux formateurs indépendants optent pour le régime de la micro-entreprise, apprécié pour sa simplicité. Ce régime (aussi appelé auto-entrepreneur) est ouvert aux activités de prestations de services (donc à la formation) réalisant un chiffre d'affaires modeste. En 2025, le seuil de chiffre d'affaires annuel hors taxes à ne pas dépasser pour rester en micro-entreprise est fixé à 77 700 € pour les prestations de services et activités libérales relevant des BNC. [17] En dessous de ce plafond, le micro-entrepreneur bénéficie de formalités ultra-simplifiées : pas de bilan comptable à produire, une simple tenue de livre de recettes, et un calcul de l'impôt selon un forfait.
Du point de vue fiscal, le micro-entrepreneur en formation est imposé selon le régime micro-BNC (Bénéfices Non Commerciaux micro). Son bénéfice taxable est déterminé de manière forfaitaire en appliquant un abattement forfaitaire de 34% sur le chiffre d'affaires (censé représenter ses dépenses professionnelles). [18] Autrement dit, 66% des recettes sont considérées comme du bénéfice imposable (avec un minimum d'abattement de 305 €). L'impôt sur le revenu est ensuite calculé sur ce bénéfice forfaitaire, en l'ajoutant aux autres revenus éventuels du foyer fiscal. Exemple chiffré 1 : un formateur indépendant en micro-entreprise qui encaisse 30 000 € de revenus de formation dans l'année verra son revenu imposable fixé à 19 800 € après abattement (30 000 € – 34 %). Ce montant s'ajoutera à ses autres revenus dans le barème de l'IRPP. S'il est célibataire et uniquement micro-entrepreneur, les 19 800 € se situent dans la tranche marginale à 11 % (pour 2025), ce qui donnerait un impôt d'environ 2 178 € avant éventuelles décotes ou réductions.
Le régime micro présente d'autres spécificités importantes : l'exonération de TVA jusqu'à un certain seuil (franchise en base de TVA) et le paiement de charges sociales forfaitaires allégées. En effet, tant que le chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas 34 400 € (seuil de franchise en base de TVA 2025 pour les services), le formateur micro-entrepreneur n'a pas à facturer la TVA à ses clients, ni à la reverser (nous détaillerons plus loin le mécanisme d'exonération spécifique aux organismes de formation qui peut s'y ajouter). De plus, il peut opter pour le versement fiscal libératoire s'il remplit les conditions (revenu fiscal de référence du foyer modeste) : dans ce cas il paie en cours d'année un pourcentage fixe de son chiffre d'affaires en impôt (2,2 % pour les BNC), en même temps que ses cotisations sociales (qui sont d'environ 22 % du CA). Cette option libératoire lui permet de régler l'impôt au fil de l'eau et de ne pas avoir de régularisation d'IR l'année suivante sur ses bénéfices, ce qui simplifie la trésorerie.
Avantages : Le micro-régime est très simple administrativement et socialement, et il est souvent optimal pour les formateurs démarrant avec de faibles revenus ou peu de charges. L'absence de TVA collectée permet d'afficher des tarifs "nets" attractifs pour les clients finaux (voir partie sur la TVA). Par ailleurs, le micro-entrepreneur est exonéré de CFE (cotisation foncière des entreprises) durant l'année de création de l'activité. [19] Ensuite, cette taxe locale reste modérée pour les très petites activités : aucune CFE n'est due si le chiffre d'affaires annuel reste inférieur à 5 000 € [20] et au-delà, la base minimale est réduite pour les CA modestes (par exemple, entre 243 € et ~600 € de base taxable pour un CA entre 0 et 10 000 €, selon les communes [21]). Cela signifie qu'un micro-entrepreneur formateur gagnant par exemple 20 000 € par an paiera une CFE annuelle de l'ordre de 200 € (selon le taux communal), ce qui est relativement faible.
Inconvénients : Le principal écueil du micro-régime est son forfait de charges. L'abattement de 34 % peut être insuffisant si le formateur engage en réalité beaucoup de dépenses (matériel pédagogique, déplacements, sous-traitance, achat de contenus e-learning, location de salle, etc.). Par exemple, un organisme de formation naissant qui investirait lourdement dans du matériel informatique et des logiciels de digital learning pourrait avoir des frais réels supérieurs à 34 % de son CA ; dans ce cas, rester en micro signifierait être imposé sur une base plus élevée que son bénéfice réel. De plus, le micro-entrepreneur ne peut pas déduire fiscalement ses dépenses professionnelles réelles ni amortir des investissements : tout est inclus dans l'abattement forfaitaire. Il n'a pas non plus la possibilité de créer des réserves ou de lisser ses revenus d'une année sur l'autre (chaque année on paye sur le CA encaissé). Enfin, le statut de micro-entreprise peut souffrir d'une certaine limite de crédibilité commerciale dans le cadre de marchés importants : bien qu'étant juridiquement une entreprise à part entière, l'auto-entrepreneur personne physique peut être perçu comme moins solide qu'une société aux yeux de certains clients (notamment entreprises clientes qui pourraient préférer traiter avec une personne morale). Sur le plan social, ses cotisations sont calculées sur le CA sans plancher, ce qui est avantageux en cas de faible activité mais ne lui ouvre que des droits sociaux limités (retraite proportionnelle au CA déclaré, etc.).
En conclusion, la micro-entreprise est souvent un choix judicieux pour débuter ou pour une activité de formation accessoire et de faible volume. Fiscalement, en deçà de ~30 000 € de CA avec peu de frais, ce régime minimaliste permet de payer relativement peu d'impôts et cotisations, tout en étant exonéré de TVA, ce qui allège la charge administrative. Néanmoins, dès que l'activité se développe et que les charges augmentent, il convient d'envisager un passage à un régime réel pour pouvoir déduire ses frais réels et/ou passer en société.
L'entreprise individuelle en régime réel (BNC déclaration contrôlée)
Si le formateur individuel dépasse les seuils de la micro-entreprise (ou s'il anticipe de le faire rapidement, ou encore s'il souhaite pouvoir déduire ses frais réels dès le départ), il bascule alors sous le régime dit réel de l'imposition des bénéfices. Pour les activités libérales comme la formation (non-commerciales au sens fiscal), cela correspond au régime de la déclaration contrôlée BNC.
Sous ce régime, le professionnel individuel doit tenir une comptabilité complète de ses recettes et dépenses, et son bénéfice imposable correspond au résultat réel de l'exercice (recettes effectivement encaissées moins dépenses professionnelles effectivement payées, avec éventuellement des amortissements pour les biens durables, etc.). Il remplit chaque année une déclaration fiscale spécifique des résultats BNC (imprimé 2035). Il collecte et reverse la TVA si son chiffre d'affaires dépasse le seuil de franchise de TVA (34 400 € HT). Socialement, il cotise aux régimes des indépendants (URSSAF, retraite CIPAV ou SSI selon le cas) sur la base de son bénéfice réel, avec des cotisations minimales même en l'absence de revenu.
Avantage fiscal : l'assujettissement au régime réel permet de déduire l'ensemble des charges professionnelles sans plafonnement. Par exemple, un formateur en portage BNC réel pourra déduire ses frais de déplacement (au réel ou aux indemnités kilométriques), ses achats de fournitures pédagogiques, ses abonnements à des plateformes de digital learning, ses dépenses de communication, ses loyers ou charges de local/bureau, voire une quote-part de l'usage de son domicile s'il y travaille (selon les règles des frais mixtes), etc. Il pourra également amortir le coût d'un équipement informatique ou d'une machine sur plusieurs années, ce qui étale l'impact fiscal de l'investissement. Ainsi, le bénéfice imposable est réduit d'autant, ne laissant à l'impôt que le profit véritable de l'activité. Ce régime est donc plus juste et potentiellement plus favorable que le micro quand on a des frais significatifs. De plus, si le formateur subit une année de faible revenu ou de perte, il peut, sous certaines conditions, imputer le déficit sur son revenu global ou le reporter sur les bénéfices des années suivantes, ce qui est impossible en micro-entreprise.
Inconvénients : en contrepartie, la tenue de comptabilité au réel demande du temps ou le recours à un expert-comptable, avec un coût. Le formateur individuel en déclaration contrôlée doit respecter les obligations comptables (livre journal des recettes-dépenses, registre des immobilisations, etc.) et fiscales (déclarations de TVA trimestrielles ou mensuelles si relevant de la TVA, liasse fiscale annuelle). Cela alourdit la gestion. Par ailleurs, sur le plan du statut, l'entreprise individuelle n'a pas de personnalité morale distincte du formateur lui-même, ce qui signifie une responsabilité illimitée sur les dettes professionnelles (sauf passage en EIRL ou statut Entrepreneur Individuel à Patrimoine Protégé qui limite cette responsabilité sur certains biens). L'optimisation fiscale via le statut individuel atteint aussi ses limites dès lors que le revenu du formateur entre dans des tranches d'impôt sur le revenu élevées. Par exemple, un bénéfice de 60 000 € sera taxé à l'IRPP du dirigeant (tranche marginale possiblement 30 % ou 41 % selon sa situation familiale). Dans ces niveaux de revenus, on peut s'interroger sur l'intérêt de passer en société à l'IS, comme nous allons le voir, pour plafonner l'imposition du bénéfice au taux de l'IS (généralement plus bas que l'IR personnel dans les tranches hautes).
Cas particulier de l'EIRL/EI à patrimoine protégé : Depuis 2022, l'entreprise individuelle “classique” a évolué avec la création du statut unique d'EI qui protège le patrimoine personnel sans formalité (insaisissabilité par défaut, sauf biens affectés par déclaration). L'EIRL (ancienne version avec patrimoine affecté) tend à disparaître au profit de ce nouveau régime. Fiscalement toutefois, cela ne change rien : l'EI reste imposée par défaut à l'IR (micro ou réel). Il existe une option pour l'IS pour l'entrepreneur individuel depuis la loi de finances 2022 (applicable en 2023) : un entrepreneur individuel peut opter pour être assujetti à l'impôt sur les sociétés, on parle alors d'assimilation EURL". [22, 23] Cette option relativement nouvelle permet en pratique à une EI de se voir appliquer les mêmes règles qu'une EURL à l'IS (nous en parlons ci-dessous). Cela peut être intéressant pour bénéficier du taux de l'IS, mais attention, c'est un choix lourd de conséquences (irrévocable à court terme, complexité accrue, et cela fait perdre le régime social travailleur indépendant au profit du régime assimilé salarié).
Les sociétés unipersonnelles (EURL, SASU) et autres formes sociétales
Créer une société pour porter l'activité de formation est un saut supplémentaire, souvent justifié par un chiffre d'affaires élevé ou en croissance, la volonté de s'associer ou de séparer le patrimoine professionnel, ou encore d'optimiser la fiscalité au-delà de ce que permet l'IR. Les formes les plus courantes pour une entreprise de formation de petite taille sont l'EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée – qui est une SARL à associé unique) et la SASU (Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle). Ces deux formes donnent naissance à une personne morale distincte, soumise par défaut à l'Impôt sur les Sociétés (IS).
Fiscalité de l'IS : Une société soumise à l'IS va payer l'impôt sur ses bénéfices au taux en vigueur, et le dirigeant sera imposé séparément sur sa rémunération éventuelle (traitement et salaire) et/ou sur les dividendes qu'il perçoit. À partir de 2025, le taux normal de l'impôt sur les sociétés en France est fixé à 25 % pour toutes les entreprises, quels que soient leurs résultats. [24] Toutefois, les PME bénéficient d'un taux réduit de 15 % sur la première tranche de bénéfice, jusqu'à 42 500 € de profit, sous réserve de remplir les critères (CA < 10 M€, capital détenu à 75 % par des personnes physiques, etc.). [25] Ce taux réduit est un atout majeur pour les petites structures : il signifie que si votre organisme de formation en société réalise, par exemple, 30 000 € de bénéfice net imposable, l'impôt sur les sociétés ne sera que de 4 500 € environ (15 % de 30 000 €). À l'inverse, en entreprise individuelle, ce même bénéfice intègrerait votre revenu imposable personnel et pourrait être taxé beaucoup plus lourdement selon votre tranche (sans parler des cotisations sociales). Exemple chiffré 2 : Considérons un formateur qui génère 80 000 € de chiffre d'affaires annuel pour 50 000 € de dépenses, d'où un bénéfice avant impôt d'environ 30 000 €. S'il est en entreprise individuelle au réel, ces 30 000 € sont soumis à l'IR (disons tranche marginale 30 % pour simplifier) : il paierait autour de 5 000 € d'IR plus les cotisations sociales (~45 % du bénéfice soit ~13 500 € en incluant la CSG, etc., sur la base du bénéfice). En EURL à l'IS, la société paiera ~4 500 € d'IS sur le bénéfice (15 %), et le gérant pourra se verser un salaire ou des dividendes. S'il choisit de ne pas tout distribuer, il peut laisser une partie des bénéfices dans la société pour investir l'année suivante (trésorerie). S'il se verse un salaire, ce salaire sera déduit avant impôt dans les 50 000 € de dépenses, et soumis à cotisations sociales (TNS s'il est gérant EURL) mais il réduira d'autant le bénéfice taxable à l'IS. On voit qu'en optimisant la répartition rémunération du gérant / bénéfice imposable, on peut parvenir à une charge fiscale globale moindre et davantage de flexibilité sur la trésorerie.
EURL (SARL unipersonnelle) : L'EURL est une SARL avec un associé unique. Par défaut, l'EURL dont l'associé unique est une personne physique est imposée à l'IR (translucidité fiscale), c'est-à-dire exactement comme si c'était une entreprise individuelle (les bénéfices remontent sur la déclaration personnelle de l'associé). Cependant, il est possible d'opter pour l'impôt sur les sociétés pour une EURL, [22] et cette option est souvent privilégiée lorsqu'on parle d'optimisation fiscale, car elle permet de profiter du taux réduit d'IS et de la dissociation entre bénéfice social et revenu du dirigeant. Socialement, dans une EURL, le gérant associé unique est un Travailleur Non Salarié (TNS) affilié à la sécurité sociale des indépendants, ce qui entraîne des cotisations sociales moins élevées que pour un assimilé salarié, mais sans couverture chômage. Les rémunérations qu'il se verse sont déductibles du bénéfice imposable à l'IS et soumises à cotisations TNS (~45 %). Les dividendes qu'il perçoit (s'il y a des bénéfices distribués) sont en partie soumis aux cotisations sociales TNS au-delà d'un certain seuil (depuis 2013, la part des dividendes >10 % du capital + réserves est assimilée à du revenu TNS). Sur le plan fiscal, les dividendes subissent par ailleurs l'impôt sur le revenu (prélèvement forfaitaire unique de 30 % par défaut, ou barème IR sur option). L'EURL permet donc des arbitrages rémunération/dividendes intéressants, tout en bénéficiant du régime TNS (moins coûteux en charges sociales que le régime général).
SASU (SAS unipersonnelle) : La SASU est par nature soumise à l'IS (sauf cas rarissime d'option pour l'IR pendant 5 ans sous conditions de jeune entreprise). Son dirigeant (Président unique) est un assimilé salarié, rattaché au régime général pour les cotisations (il paie les charges sociales comme un salarié cadre sur sa rémunération, soit ~65 % au total, part patronale + salariale, sans assurance chômage toutefois). Contrairement à l'EURL, les dividendes versés par une SASU ne supportent pas de cotisations sociales (hors prélèvements sociaux de 17,2 % incluse dans le PFU de 30 %). Ainsi, un dirigeant de SASU pourrait théoriquement se verser peu ou pas de salaire (pour minimiser les cotisations sociales) et privilégier les dividendes pour rémunérer l'associé unique, le tout en profitant de l'IS à 15/25 %. Cependant, il faut garder à l'esprit qu'une absence de salaire signifie pas de protection sociale (retraite quasi nulle, pas de cotisation invalidité-décès, etc.), et qu'une stratégie 100 % dividendes a ses limites (les impôts sur les sociétés et sur les dividendes combinés finissent par approcher la taxation de l'IR). Néanmoins, pour un formateur qui réussit à faire croître fortement son entreprise (par exemple en vendant des formations en ligne, du digital learning à grande échelle, etc.), la SASU peut être un outil d'optimisation fiscale et patrimoniale efficace, en permettant de conserver les bénéfices dans la société pour financer la croissance, tout en se versant plus tard des dividendes sous un régime fiscal stable (PFU 30 %).
Comparaison synthétique : On peut résumer ainsi l'arbitrage – si les bénéfices dégagés par l'activité de formation restent faibles (quelques dizaines de milliers d'euros) et que le professionnel a besoin de tout consommer en revenu pour vivre, le statut entreprise individuelle à l'IR est souvent plus simple et suffisant (surtout micro-entreprise si éligible). En revanche, si l'activité génère des bénéfices significatifs ou que l'on souhaite réinvestir ces bénéfices (achat de matériel, recrutement d'un assistant, développement de nouvelles offres de formation, création d'une plate-forme e-learning, etc.), la société à l'IS offre des opportunités fiscales : taux d'imposition potentiellement plus bas sur les premiers euros de profit, possibilité de lisser la trésorerie, choix du mode de rémunération du dirigeant. Créer une société apporte aussi la séparation des patrimoines, ce qui sécurise le formateur sur le plan des risques financiers (responsabilité limitée aux apports). Le revers de la médaille est la gestion administrative plus lourde (statuts, comptes annuels déposés au greffe, éventuel commissaire aux comptes si seuils atteints, etc.) et un formalisme juridique à respecter.
Association loi 1901 : Mentionnons enfin que certains organismes de formation choisissent la forme associative (souvent pour des raisons philosophiques ou d'accès à certains financements publics spécifiques). Une association loi 1901 déclarée d'utilité générale peut prétendre à des exonérations fiscales (non-assujettissement à l'IS et à la TVA sur ses activités non lucratives). Toutefois, pour rester hors champ commercial, l'association de formation doit remplir des critères stricts (gestion désintéressée, activités non concurrentielles du privé, etc.), sans quoi elle sera imposable sur ses recettes lucratives comme une entreprise. Le choix association est donc un cas à part, qui peut réduire la fiscalité à néant si l'organisme fonctionne via des subventions et ne vend pas de formation "marchande". Mais ceci sort du cadre de la plupart des organismes de formation professionnels privés visés par cet article, qui opèrent généralement dans une logique commerciale (même s'ils servent l'intérêt général de la montée en compétences).
En somme, le statut juridique conditionne fortement l'imposition : il convient de calibrer ce choix en fonction du modèle économique de l'organisme de formation. Il n'y a pas de solution universelle : un formateur indépendant à temps partiel préférera la simplicité de la micro-entreprise, tandis qu'un organisme ambitieux visant un développement significatif aura avantage à se structurer en société pour bénéficier des mécanismes fiscaux (et sociaux) plus complexes mais potentiellement plus économiques à terme. Il est souvent recommandé de se faire accompagner par un expert-comptable ou un conseiller spécialisé lors de ce choix initial, car une mauvaise structure fiscale peut alourdir inutilement la charge d'impôt et de cotisations pendant des années.
TVA et formation professionnelle : bénéficier de l'exonération ou opter pour la TVA ?
La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) est un élément central de la fiscalité des entreprises en France. En principe, les prestations de services (dont les services de formation) sont soumises au taux normal de TVA (20 %). Toutefois, le secteur de la formation professionnelle bénéficie d'un régime dérogatoire important : une exonération spécifique de TVA est possible pour les organismes de formation, sous réserve de respecter certaines conditions légales. Optimiser sa fiscalité implique donc de comprendre ce mécanisme d'exonération, d'évaluer s'il est avantageux d'en bénéficier ou non, et de connaître les démarches pour l'obtenir.
Le régime général : TVA due sur les prestations de formation
Par défaut, un formateur ou organisme de formation est considéré comme un prestataire de services et devrait appliquer la TVA sur ses factures (au taux de 20 % sur le prix de la formation) et la reverser à l'État, dès lors qu'il n'est pas en franchise de TVA (micro-entreprise sous seuil) ou exonéré par une disposition particulière. Beaucoup de petites structures, notamment les micro-entrepreneurs, ne facturent pas la TVA simplement parce qu'ils relèvent de la franchise en base (chiffre d'affaires annuel sous 34 400 €). Mais au-delà de ce seuil, sans dispositif particulier, la TVA s'applique. Par exemple, une formation vendue 1 000 € HT serait facturée 1 200 € TTC à une entreprise cliente si le formateur est assujetti à TVA ; l'entreprise cliente récupérera ces 200 € si elle-même est assujettie et non exonérée. En revanche, pour un client particulier ou une entité non soumise à TVA (administration, etc.), ces 200 € représentent un surcoût non récupérable.
L'exonération de TVA spécifique aux organismes de formation
Heureusement pour les acteurs du secteur, le Code général des impôts prévoit une exonération de TVA pour la formation professionnelle continue, dans un but de favoriser l'accès à la formation. L'article 261-4-4° du CGI stipule que « sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à ces prestations, réalisées dans le cadre de la formation professionnelle continue » (au sens du Code du travail) par des organismes de droit privé dûment déclarés. [26, 27] Autrement dit, si vous êtes un organisme de formation déclaré (avec numéro de déclaration d'activité) et que vous exercez conformément à la réglementation de la formation pro (actions entrant dans le champ de l'article L6313-1 du Code du travail), vous pouvez demander à être exonéré de TVA sur vos prestations de formation.
Cette exonération n'est ni automatique, ni obligatoire : elle est facultative et soumise à une procédure de demande. [28, 29] Concrètement, l'organisme qui souhaite en bénéficier doit adresser une demande d'attestation au service régional de contrôle (SRC) de la DREETS dont il dépend. Il doit remplir un formulaire Cerfa n°3511 [30] et fournir les pièces justifiant qu'il répond aux conditions :
- Avoir effectué la déclaration d'activité en tant qu'organisme de formation (être enregistré comme tel) [31] ;
- Être à jour du dépôt des bilans pédagogiques et financiers annuels (BPF) [32] ;
- Exercer effectivement une activité entrant dans le champ de la formation professionnelle continue tel que défini par la loi [33] (formations, bilans de compétences, VAE, etc., c'est-à-dire concourant au développement des compétences au sens de l'article L6313-1).
Si ces conditions sont remplies, la DREETS délivre une attestation d'exonération de TVA dans un délai de 3 mois (sous réserve de contrôle). [34, 35] Cette attestation est à présenter en cas de contrôle fiscal pour justifier que l'organisme n'assujettit pas ses prestations à la TVA. Elle vaut jusqu'à changement de situation (par exemple, si l'organisme transfère son siège dans une autre région, il doit faire actualiser l'attestation auprès de la nouvelle DREETS compétente). [36]
Effet de l'exonération : Un organisme bénéficiant de cette exonération spécifique facturera ses prestations en hors taxes, sans TVA. Pour les clients, cela signifie que le prix est net de TVA, avantageux notamment pour les clients particuliers ou publics qui ne récupèrent pas la TVA. Pour l'organisme lui-même, cela signifie qu'il n'a pas à reverser de TVA sur ses ventes, mais également qu'il ne peut pas récupérer la TVA payée sur ses achats (principe de symétrie : qui n'encaisse pas de TVA déductible ne récupère pas de TVA supportée). L'exonération de TVA formation s'applique indépendamment des seuils de franchise en base : même une grande école de formation avec des millions d'euros de CA peut être exonérée de TVA formation si elle a l'attestation, ce n'est pas réservé aux petites structures.
Comparaison franchise en base vs exonération formation : Il faut distinguer deux choses que l'on confond souvent : la franchise en base de TVA (généraliste, liée au statut micro-entreprise ou aux seuils de CA) et l'exonération formation (sectorielle, liée à la nature de l'activité). Un organisme de formation micro-entrepreneur est par définition en franchise de TVA jusqu'à 34 400 € : il ne facture pas la TVA, mais uniquement parce que c'est un petit régime. S'il dépasse le seuil, il devient redevable de la TVA, sauf s'il a entre-temps obtenu l'exonération formation. Inversement, un organisme de formation plus grand (SARL, etc.) dépassant les seuils micro peut éviter de facturer la TVA en obtenant l'exonération formation. Exemple : une EURL de formation avec 100 000 € de CA annuel, sans exonération, devrait facturer ~120 000 € TTC et reverser 20 000 € de TVA, mais avec l'exonération formation, elle facturera 100 000 € net sans TVA à ses clients et ne reversera rien. En contrepartie, cette EURL ne récupère pas la TVA sur ses propres dépenses (loyer, achats...) ; il faut donc intégrer ce coût de TVA non déductible dans ses calculs de rentabilité.
Avantages de l'exonération de TVA : Le principal bénéfice est commercial et trésorier. Ne pas avoir à ajouter 20 % de TVA peut rendre vos formations 20 % moins chères pour les clients finaux non assujettis (particuliers utilisant leur CPF par exemple, ou petites entreprises non soumises à TVA). Même pour des clients assujettis (entreprises classiques qui récupèrent la TVA), cela simplifie leurs démarches (pas de TVA à avancer, moins de paperasse) et peut être perçu positivement. Pour l'organisme, être exonéré évite d'avoir à faire des déclarations de TVA mensuelles/trimestrielles, et supprime le risque d'erreurs de TVA. Cela facilite la gestion de la trésorerie puisque vous n'encaissez pas de TVA pour le fisc (montant qui peut sinon transiter temporairement sur votre compte). En somme, c'est une simplification administrative et un argument de compétitivité.
Inconvénients ou limites : Le revers est l'impossibilité de récupérer la TVA sur les achats. Si votre activité de formation requiert peu d'achats ou d'investissements, ce n'est pas problématique. En revanche, si vous investissez lourdement (achat d'un véhicule, de matériel, de locaux, ou si vous sous-traitez à des prestataires qui eux facturent de la TVA), alors ne pas pouvoir déduire la TVA peut représenter un surcoût. Par exemple, un organisme qui fait construire une plateforme e-learning facturée 10 000 € HT + 2 000 € de TVA par un prestataire devra payer 12 000 € et ne récupérera pas les 2 000 €. S'il était assujetti à TVA, il aurait pu les récupérer. Il y a donc un arbitrage à faire en fonction de la structure des coûts : si l'activité est majoritairement en main d'œuvre interne (peu de TVA sur achats) et orientée B2C, l'exonération est très avantageuse. Si l'activité implique beaucoup de prestations soumises à TVA en amont, et s'adresse à des clients B2B pouvant récupérer la TVA, l'intérêt de l'exonération est moins évident. D'ailleurs, l'exonération est optionnelle : rien n'oblige un organisme de formation à la demander s'il préfère rester dans le droit commun de la TVA. Certaines grandes entreprises de formation privées choisissent volontairement de ne pas utiliser cette exonération pour pouvoir déduire leur TVA sur leurs investissements (c'est un calcul économique à faire).
Exemple chiffré 3 : Comparons deux scénarios pour un organisme fictif "ABC Formation" en SARL avec 200 000 € de CA annuel HT. – Scénario A (exonération TVA) : ABC ne facture pas de TVA, encaisse 200 000 € nets. Disons qu'elle a 50 000 € d'achats annuels divers incluant 10 000 € de TVA payée (donc 50 000 € TTC avec 40 000 € HT + 10 000 € TVA sur les achats). Ne pouvant pas récupérer la TVA, ces 10 000 € restent à sa charge. Son résultat comptable (avant IS) sera par exemple de 150 000 € (200 000 – 50 000, puisque la TVA sur achats est intégrée dans les 50 000 de dépenses). - Scénario B (assujetti TVA) : ABC facture 200 000 € HT + 40 000 € de TVA = 240 000 € encaissés. Elle récupère la TVA sur ses 50 000 € d'achats (soit 10 000 € récupérés). Chaque trimestre, elle reverse la TVA nette au fisc : sur 240 000 € encaissés TTC, 40 000 € de TVA, moins 10 000 € récupérable = 30 000 € de TVA due. Son résultat comptable avant IS sera le même 150 000 € (car elle ne comptabilise que 40 000 € de dépenses HT, la TVA ayant été déduite). Fiscalement, ça paraît neutre : dans les deux cas, le bénéfice net de taxes est 150 000 €. Mais en trésorerie, il y a une différence : dans le scénario B, l'entreprise a manipulé 40 000 € de TVA en plus (encaisse 40 000 de plus des clients, en reverse 30 000 net, obtient 10 000 de crédit sur achats). Cette gestion nécessite des fonds de roulement et une rigueur de déclaration. Dans le scénario A, l'entreprise a moins de cash transitant mais supporte directement les 10 000 € de TVA sur achats. Le choix dépendra donc de la structure financière et de la préférence de gestion.
La TVA à taux réduit ou particulier sur certaines formations ?
Outre l'exonération, signalons que certaines activités de formation hors champ de la formation professionnelle continue peuvent relever d'autres régimes de TVA. Par exemple, les formations initiales diplômantes ou les cours particuliers peuvent être exonérés comme activités d'enseignement. Par ailleurs, les livres et supports pédagogiques tangibles vendus peuvent avoir un taux réduit (5,5 % sur les livres). Cependant, pour les organismes de formation pro s'adressant aux adultes, ces cas sont marginaux, la plupart entrent dans le régime de l'article 261-4-4° précité.
Conclusion sur la TVA : Pour un formateur ou organisme de formation, bénéficier de l'exonération de TVA est souvent un atout concurrentiel et une simplification, tant que son modèle économique n'implique pas de lourdes dépenses taxées. C'est particulièrement le cas pour les formateurs indépendants et petits OF travaillant essentiellement en B2C (stagiaires financés via CPF, individuels) ou avec des clients publics. À l'inverse, un organisme orienté B2B pur, traitant avec de grandes entreprises qui récupèrent la TVA, pourrait opter pour le régime normal afin de ne pas perdre la déduction de la TVA sur ses coûts (ses clients ne seraient pas pénalisés car ils récupèrent la TVA). Dans tous les cas, la procédure de demande d'attestation étant assez simple, il est conseillé d'y recourir dès l'obtention de la déclaration d'activité, puis de décider de l'utiliser ou non dans sa facturation en fonction de son intérêt. L'optimisation ici consiste à calculer son taux de valeur ajoutée interne (rapport TVA sur achats / chiffre d'affaires) : s'il est faible, l'exonération est gagnante ; s'il est élevé, rester assujetti peut être justifié. Naturellement, il faut aussi suivre l'évolution de la réglementation, mais au 1er septembre 2025, ce régime d'exonération formation est toujours en vigueur et régulièrement confirmé par l'administration fiscale et le Ministère du Travail. [26]
Autres dispositifs d'allégement fiscal et social pour les organismes de formation
Outre le choix du régime d'imposition et l'exonération de TVA, il existe d'autres mécanismes fiscaux pouvant alléger les charges des formateurs et organismes de formation. Nous abordons ci-dessous quelques dispositifs clés, en précisant leur état actuel et leur impact potentiel.
Le (défunt) crédit d'impôt formation du dirigeant d'entreprise
Jusqu'à récemment, les petites entreprises pouvaient bénéficier d'un crédit d'impôt spécifique au titre des dépenses de formation suivies par leurs dirigeants. Ce crédit d'impôt formation des dirigeants, instauré en 2006, permettait à un chef d'entreprise (gérant, entrepreneur individuel, président de SAS, etc.) de récupérer une partie du coût de ses propres actions de formation. Le crédit d'impôt était égal au nombre d'heures de formation du dirigeant (plafonné à 40 h par an) multiplié par le taux horaire du SMIC, le tout doublé pour les entreprises de moins de 10 salariés. [37, 38] Par exemple, une petite SARL dont le gérant réalisait 20 heures de formation pouvait obtenir un crédit d'impôt correspondant à 20 h × 11,52 € (SMIC 2024) × 2 = ~461 €. Ce crédit venait en réduction de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu de l'entreprise, selon le cas.
Cependant, ce dispositif a pris fin au 31 décembre 2024 en l'absence de prolongation par la loi de finances pour 2025. [39] Le gouvernement n'ayant pas reconduit cette mesure, il n'est désormais plus possible de bénéficier d'un crédit d'impôt sur les formations effectuées par le dirigeant lui-même (les dernières dépenses éligibles étant celles de 2024, à déclarer en 2025). Il s'agissait d'une aide fiscale modeste mais appréciée des TPE, car elle encourageait les dirigeants (souvent formateurs eux-mêmes dans ce secteur) à se former pour améliorer leurs compétences managériales, pédagogiques (ex. suivre un cursus en ingénierie pédagogique, en numérique, etc.). [40, 41] Désormais, son retrait signifie qu'un formateur-dirigeant qui finance une formation pour lui (par exemple pour obtenir une certification supplémentaire) ne pourra plus en attendre une réduction d'impôt dédiée, hormis bien sûr la déduction de cette dépense en charge (ce qui reste possible si c'est une formation liée à l'objet de l'entreprise).
Les aides à la création d'entreprise et exonérations sociales (ACRE, etc.)
Sur le volet des allègements de charges sociales, rappelons l'existence de l'ACRE (Aide à la Création ou à la Reprise d'Entreprise), qui concerne bon nombre de formateurs se mettant à leur compte. L'ACRE permet, sous conditions, d'être exonéré partiellement de charges sociales durant la première année d'activité (et jusqu'à 3 ans dégressivement pour les micro-entrepreneurs). Ce n'est pas une "optimisation fiscale" au sens strict (car il s'agit de cotisations sociales, pas d'impôt direct), mais cela réduit significativement les prélèvements obligatoires la première année. Par exemple, un micro-entrepreneur en formation bénéficie d'une réduction de ses taux de cotisation sociale d'environ 50 % la 1ère année grâce à l'ACRE, ce qui baisse son taux global de cotisations de ~22 % à ~11 % du CA pendant 12 mois. Pour les formateurs en société, l'ACRE exonère pendant un an les cotisations sociales du dirigeant sur la partie de rémunération proche du SMIC. Cette mesure temporaire facilite le démarrage d'activité en abaissant les coûts. Elle n'est pas spécifique au secteur de la formation, mais tout nouvel organisme de formation entrant dans les critères (demandeur d'emploi créateur, jeune de moins de 26 ans, etc.) peut en profiter.
La contribution à la formation professionnelle et son déductible fiscal
En France, toute entreprise (y compris les indépendants) doit contribuer au financement de la formation professionnelle via la contribution à la formation professionnelle (CFP). Les travailleurs indépendants acquittent ainsi une cotisation annuelle (pour un micro-entrepreneur, quelques centaines d'euros par an en fonction du CA, généralement prélevée par l'URSSAF en même temps que les cotisations). Cette contribution ouvre droit au formateur lui-même de solliciter des financements pour sa propre formation (via le FIF-PL pour les formateurs profession libérale par exemple). D'un point de vue fiscal, la CFP est déductible du bénéfice imposable en tant que charge professionnelle (impôt sur le revenu ou IS). Il en va de même de la taxe d'apprentissage (qui existe encore pour certaines structures, bien que depuis 2022 la collecte soit mutualisée via l'URSSAF). Ce ne sont pas des "optimisations" à proprement parler, mais il faut savoir que ces taxes obligatoires liées à la formation (CFP, éventuellement CSA pour apprentissage) sont des charges déductibles qui réduisent l'assiette imposable.
Zones franches, exonérations géographiques et autres crédits d'impôt
Selon la situation particulière de l'organisme de formation, d'autres dispositifs transversaux peuvent s'appliquer : par exemple, si l'entreprise est créée en Zone Franche Urbaine (ZFU) ou en Zone de Revitalisation Rurale (ZRR), elle peut bénéficier d'une exonération d'impôt sur les bénéfices pendant 5 ans puis dégressive, sous réserve de remplir les critères (effectif, implantation, etc.). [42] Cela concerne potentiellement un formateur qui installerait son centre de formation dans un quartier prioritaire ou une zone rurale éligible - le gain fiscal est alors majeur (0 € d'impôt sur le revenu ou sur les sociétés pendant les premières années). De même, l'embauche de certains publics (alternants, contrats de professionnalisation) ouvre droit à des crédits d'impôt ou exonérations de charges patronales. Un organisme de formation employant des apprentis peut, par exemple, prétendre à l'aide unique à l'apprentissage et à une exonération des cotisations pour l'apprenti. Là encore, ce ne sont pas des mesures propres à la formation, mais elles font partie de l'écosystème d'allègements dont un dirigeant avisé doit avoir connaissance.
Deductions spécifiques et amortissements
Pour finir, soulignons l'importance d'utiliser toutes les déductions fiscales classiques : amortir les équipements (ordinateurs, matériel de visioconférence, agencement de salles de formation), passer en charges les dépenses de recherche et développement pédagogique le cas échéant (par exemple, si un organisme conçoit une nouvelle méthode ou un référentiel de compétences innovant, il pourrait éventuellement activer puis amortir ce travail de développement, ou bénéficier du crédit d'impôt recherche s'il y a une dimension R&D avérée, bien que ce soit rare en formation). De même, les frais de déplacements pour aller en formation chez un client, les hébergements lors de séminaires, les abonnements à des bases documentaires, les assurances professionnelles, etc., tout doit être déclaré pour diminuer le résultat imposable. Ce sont des réflexes de gestion, mais dans un souci d'optimisation fiscale, il est crucial de ne rien oublier. Un suivi mensuel des dépenses et une bonne communication avec le comptable permettent de maximiser la déduction des charges éligibles dans le respect du fisc.
Conclusion : concilier pédagogie et gestion optimisée
L'optimisation fiscale d'un organisme de formation ou d'une activité de formateur indépendant ne s'improvise pas, mais comme nous l'avons vu, les leviers existent pour réduire significativement la charge fiscale et sociale tout en restant conforme aux obligations légales et réglementaires. Qu'il s'agisse du choix du statut (micro-entreprise, société à l'IS...), de l'utilisation judicieuse de l'exonération de TVA propre à la formation professionnelle, ou de la mobilisation de dispositifs d'allègements (exonérations temporaires, déductions, anciens crédits d'impôt, etc.), chaque décision peut avoir un impact important sur le montant final d'impôts à payer et donc sur la santé financière de la structure.
Cela étant, il convient de rappeler que l'optimisation fiscale doit rester un moyen au service d'une finalité plus large : la réussite de l'organisme de formation dans sa mission éducative. Réduire ses impôts n'est pas une fin en soi, mais permet de réinvestir dans la qualité pédagogique (par exemple, acquérir du nouveau matériel, se former aux dernières avancées en andragogie, développer du contenu digital innovant, améliorer le suivi des apprenants, etc.), ou de proposer des prix plus accessibles tout en conservant des marges viables. En ce sens, une bonne gestion fiscale et financière participe directement à la performance pédagogique de l'organisme, en lui donnant les moyens de ses ambitions.
Comme l'indiquait en substance le pédagogue Philippe Carré, spécialiste de la formation des adultes, « la motivation de l'apprenant adulte est d'autant plus grande qu'il se sent acteur de sa formation ». De même, on peut dire qu'un formateur ou dirigeant d'organisme sera d'autant plus serein et investi pédagogiquement qu'il maîtrise son environnement administratif et financier, au lieu de le subir. À l'image d'une ingénierie pédagogique bien conçue, une ingénierie fiscale bien pensée doit permettre de diminuer les charges "non apprenantes" et de consacrer un maximum de ressources à l'essentiel : l'ingénierie de formation, l'innovation pédagogique, l'accompagnement des apprenants vers la montée en compétences.
En conclusion, Argalis encourage les professionnels de la formation à adopter une approche proactive et éclairée de la gestion fiscale. Les réglementations fiscale et sociale évoluent régulièrement (on l'a vu avec la fin du crédit d'impôt dirigeant en 2025, ou l'instauration de Qualiopi en 2022 pour la qualité), il est donc important de se tenir informé via des sources fiables (bulletins officiels, sites ministériels, experts-comptables spécialisés). Un organisme de formation optimisant bien sa fiscalité est un organisme qui gagne en agilité financière et en solidité, ce qui au final profite à sa mission pédagogique et à ses bénéficiaires. Dans un contexte où la formation professionnelle est plus que jamais stratégique pour les entreprises et les individus, allier rigueur administrative et excellence pédagogique est la clé du succès – et c'est l'image de sérieux et de profondeur qu'Argalis souhaite véhiculer aux partenaires du secteur, en montrant qu'il est possible d'être à la fois passionné de transmission du savoir et parfaitement au fait des meilleures pratiques de gestion.
Bibliographie
- Code du travail - Articles L.6352-6, L.6352-7, L.6352-10, D.6352-16 à D.6352-18 : Obligations comptables des organismes de formation (comptes distincts, plan comptable adapté par l'arrêté du 2 août 1995). Disponible sur Légifrance.
- Guide à l'usage des organismes de formation – DRIEETS Île-de-France (2021). Document officiel rappelant les obligations réglementaires et comptables des prestataires de formation.
- DARES (Ministère du Travail) – Données sur la formation professionnelle continue. Formation professionnelle (fiche synthèse, mise à jour 2019). Données clés : 67 600 organismes de formation pour 14,9 Mds € de CA (2017).
- DREETS Corse – Organisme de formation : une exonération possible de TVA. Article du 9 juillet 2024, mis à jour 20 juin 2025. Explique la procédure d'attestation d'exonération de TVA en application de l'article 261-4-4° du CGI (conditions et démarche Cerfa n°3511).
- Code général des impôts – Article 261-4-4° : Exonération de TVA pour les organismes de formation professionnelle continue déclarés (prestations entrant dans le champ de l'article L6313-1 du C. trav). Disponible sur Légifrance.
- Economie.gouv.fr - Micro-entreprise, régime réel et régime de la déclaration contrôlée : les 3 régimes d'imposition des entreprises. Fiche pratique du Ministère de l'Économie (mise à jour 2025).
- Economie.gouv.fr – L'impôt sur les sociétés, comment ça marche ? (Bercy Infos, 2025).
- Service-public.fr – Cotisation foncière des entreprises (CFE). Règles d'exonération pour les micro-entreprises.
- Economie.gouv.fr - Tout savoir sur le crédit d'impôt pour la formation des dirigeants (Bercy Infos Entreprises, 26/12/2024).
- Knowles, Malcolm (1990) – L'apprenant adulte, vers un nouvel art de la formation. Éditions d'Organisation, Paris.
- Opco EP – Financement des formations : au 1er janvier 2022 les prestataires devront être certifiés Qualiopi. Actualité du 14/12/2021.
- Code du travail - Article L.6313-1 : Définit les actions de formation relevant de la formation professionnelle continue.
- Insee / Centre Inffo (données 2023) – Indicateurs sur le marché de la formation professionnelle.