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La protection de votre propriété intellectuelle en formation : droits d’auteur et marques

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Introduction : un enjeu crucial pour la formation professionnelle

La formation professionnelle en France connaît un essor important, avec plus de 67 600 organismes de formation continue déclarés pour un chiffre d’affaires annuel d’environ 14,9 milliards d’euros1. Dans ce secteur très concurrentiel, la qualité pédagogique et l’unicité de l’offre sont des atouts majeurs. Concevoir des contenus de formation efficaces relève d’une véritable ingénierie pédagogique, mobilisant les principes de la pédagogie et de l’andragogie (l’art d’enseigner aux adultes) issus de théoriciens comme Malcolm Knowles ou Philippe Carré. Que ce soit via des actions classiques en salle, des dispositifs innovants comme l’AFEST (Action de Formation en Situation de Travail) ou du digital learning, les organismes investissent massivement dans la création de contenus pédagogiques originaux pour développer les compétences de leurs apprenants et répondre aux exigences de qualité (Qualiopi, référentiels de certification, etc.). Leur marque et leur réputation constituent parallèlement un capital immatériel précieux.

Dans ce contexte, protéger sa propriété intellectuelle – à la fois les contenus pédagogiques (textes, supports, vidéos, outils d’évaluation, etc.) et les signes distinctifs de son offre (nom de l’organisme, intitulés de formations, logos, labels…) – est devenu un enjeu stratégique. Il en va de la pérennité et de la compétitivité des organismes de formation, qu’ils soient de grands centres ou des formateurs indépendants. Comme le souligne l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), « une société favorise et encourage le processus de création en incitant, par la protection de la propriété intellectuelle, à la création de nouvelles œuvres »2. À l’échelle d’un organisme de formation, cela signifie qu’assurer la protection juridique de ses supports pédagogiques et de sa marque encourage la créativité des formateurs, sécurise les investissements réalisés dans la conception de programmes, et garantit une image de sérieux auprès des clients.

Dans cet article, nous adopterons un ton institutionnel pour examiner de façon approfondie comment le droit d’auteur et le droit des marques peuvent et doivent être mobilisés par les acteurs de la formation professionnelle. Nous passerons en revue les principes juridiques fondamentaux, illustrés par des références officielles et scientifiques (Code de la propriété intellectuelle, textes législatifs, données de l’INSEE et de la DARES, publications de l’UNESCO ou de l’OCDE, doctrines d’experts…), afin de fournir un guide rigoureux pour assurer que vos contenus pédagogiques et votre marque soient légalement protégés. Nous aborderons également les bonnes pratiques à mettre en place (contrats, mentions légales, dépôts, veille…) et les évolutions récentes, afin que chaque organisme – du centre de formation certifié Qualiopi au formateur consultant proposant des bilans de compétences – puisse optimiser la protection de son patrimoine intellectuel tout en respectant celle des autres.

Comprendre la propriété intellectuelle dans le domaine de la formation

La propriété intellectuelle recouvre l’ensemble des droits exclusifs accordés sur des créations de l’esprit. Dans le cadre de la formation, deux types de droits sont principalement concernés : le droit d’auteur (qui protège les œuvres de l’esprit, donc les contenus pédagogiques originaux) et le droit des marques (qui protège les signes distinctifs utilisés pour identifier l’offre de formation et l’organisme lui-même). Ces deux branches relèvent de logiques juridiques différentes – le droit d’auteur fait partie de la propriété littéraire et artistique, tandis que le droit des marques relève de la propriété industrielle – mais elles sont complémentaires pour protéger à la fois le fond (le contenu) et la forme (l’identité commerciale) de votre activité de formation.

En France, le droit d’auteur protège “toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination” (Code de la propriété intellectuelle, art. L112-1). Aucun dépôt n’est nécessaire : la protection existe du simple fait de la création de l’œuvre, dès lors qu’elle est originale. L’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle énonce ainsi que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous »3. Autrement dit, dès qu’un formateur crée un support de cours substantiel et original (par exemple un manuel de formation, une présentation de stage, une vidéo pédagogique inédite, un cas pratique imaginé, etc.), il acquiert sur cette création un droit exclusif qui lui permet de contrôler son utilisation.

De son côté, le droit des marques permet de protéger un nom, un logo ou tout autre signe qui sert à distinguer les produits ou services d’une personne ou d’une organisation. Juridiquement, « une marque est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale »4. Dans le secteur de la formation, cela peut être le nom de votre organisme, le nom commercial sous lequel vous exercez, ou même le titre spécifique d’une formation ou d’une méthode pédagogique que vous avez développée (à condition que ce titre soit distinctif et non purement descriptif du contenu). Contrairement au droit d’auteur, le droit sur une marque n’existe qu’après un dépôt et enregistrement auprès d’un office de propriété industrielle (en France, l’INPI – Institut National de la Propriété Industrielle). En enregistrant une marque, vous obtenez un monopole d’exploitation sur ce signe pour les produits/services visés, sur le territoire choisi (national, européen…) et pour une durée de 10 ans renouvelable indéfiniment5.

Ainsi, protéger efficacement son offre de formation implique d’articuler ces deux volets : protéger les contenus (cours, supports, outils) par le droit d’auteur et autres mécanismes, et protéger la marque (nom et identité visuelle) par un dépôt de marque. Nous allons voir plus en détail comment fonctionnent ces protections, quelles démarches entreprendre et quelles précautions adopter dans le cadre spécifique de la formation professionnelle.

Le droit d’auteur sur les contenus pédagogiques

Des contenus de formation protégés « du seul fait de la création »

En France, toute création intellectuelle originale est automatiquement protégée par le droit d’auteur, sans formalité préalable. Un contenu pédagogique (texte de cours, article, diaporama, étude de cas, exercice original, vidéo de formation, quiz conçu par un formateur, etc.) est considéré comme une « œuvre de l’esprit » s’il porte la marque de l’apport intellectuel propre de son auteur – on parle de « l’empreinte de la personnalité ». Par exemple, un support de formation qui n’est pas une simple compilation de données brutes mais qui propose un plan structuré, des explications rédigées de manière personnelle, des exemples conçus par le formateur, constitue très probablement une œuvre originale éligible à la protection. Comme le rappelle une publication de l’APIE (Agence du Patrimoine Immatériel de l’État), « les contenus d’une formation sont protégés par des droits d’auteur s’ils portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur »6. En d’autres termes, vos supports pédagogiques vous appartiennent en tant qu’auteur, dès leur création, et nul ne peut les reproduire ou les exploiter sans votre autorisation préalable, sous peine de contrefaçon.

Il convient de souligner que la protection est automatique et n’implique a priori aucune démarche administrative. Il n’existe pas de registre officiel des droits d’auteur où déposer ses cours (contrairement aux marques ou brevets). L’absence de mention de copyright n’enlève rien à vos droits : même si vous oubliez d’indiquer « © Nom de l’auteur, année » sur un document de formation, vous en restez l’auteur protégé. Cependant, en pratique, il est fortement recommandé d’apposer une notice de droit d’auteur sur vos supports (par exemple en page de garde d’un support écrit, ou à la fin d’une présentation) pour rappeler que l’œuvre est protégée et sous quelles conditions elle peut être utilisée (voir plus loin la section sur les bonnes pratiques). Cette mention a une valeur dissuasive et informative, même si juridiquement elle n’est pas constitutive du droit.

Droits moraux et droits patrimoniaux de l’auteur

Le droit d’auteur confère à l’auteur deux types de prérogatives : les droits moraux et les droits patrimoniaux7. Les droits moraux, perpétuels et inaliénables, protègent la personnalité de l’auteur à travers son œuvre : il s’agit notamment du droit de paternité (le droit d’être nommé comme auteur de l’œuvre, ou au contraire de rester anonyme/pseudonyme) et du droit au respect de l’intégrité de l’œuvre (le droit de s’opposer à toute modification ou dénaturation de son contenu)8. Concrètement, cela signifie qu’un organisme de formation utilisant le support d’un formateur ne peut pas, par exemple, couper des passages ou altérer le contenu sans l’accord de l’auteur, ni supprimer son nom des documents – sous peine de violer son droit moral. Les droits patrimoniaux, quant à eux, sont les droits d’exploitation économique de l’œuvre : essentiellement le droit de reproduction (ex. copier, imprimer, numériser le support) et le droit de représentation (ex. diffuser le support en public ou en ligne)9. Ces droits patrimoniaux permettent à l’auteur de tirer une rémunération de l’exploitation de son œuvre, généralement via des cessions ou des licences.

Dans le secteur de la formation, l’exercice des droits patrimoniaux peut prendre des formes variées : vente de supports pédagogiques, facturation de l’accès à une plateforme de e-learning, licence concédée à un client pour réutiliser un contenu en interne, etc. Par défaut, seul l’auteur détient ces droits et peut autoriser ou interdire ces usages.

Employés, formateurs externes et cession de droits : qui détient les droits sur un cours ?

Une question délicate, pour les organismes de formation, est de savoir qui détient les droits d’auteur sur les contenus lorsqu’ils sont élaborés par des formateurs salariés ou des prestataires externes. En France, il n’existe pas de doctrine générale de « work made for hire » comme dans le droit anglo-saxon : la règle de base reste que les droits appartiennent à celui qui crée l’œuvre, y compris s’il est employé, sauf disposition contraire. Le Code de la propriété intellectuelle prévoit des exceptions dans quelques domaines spécifiques (par exemple pour les logiciels, les droits patrimoniaux sont automatiquement dévolus à l’employeur public ou privé, sous conditions, si le développement de logiciel fait partie des fonctions du salarié). Mais pour les créations pédagogiques, aucune exception légale générale ne transfère d’office le droit d’auteur à l’employeur ou au client.

En conséquence, un organisme de formation doit anticiper et organiser contractuellement le transfert ou l’usage des droits d’auteur sur les supports conçus par ses formateurs. Comme le résume l’ADAGP (société de gestion de droits d’auteurs) : « la cession de droits n’est jamais implicite. Même si l’œuvre est réalisée dans le cadre d’une commande, une clause spécifique du contrat doit prévoir expressément la cession des droits : à défaut, l’auteur conserve l’ensemble des droits d’auteur »10. Autrement dit, tant qu’il n’a pas signé de contrat de cession, l’organisme de formation n’est propriétaire de rien en ce qui concerne les supports créés par un formateur indépendant ou un vacataire ; il ne peut les exploiter au-delà de l’usage prévu initialement. De même, un formateur salarié reste titulaire des droits d’auteur sur ses supports (sauf clause de cession insérée dans son contrat de travail, ou accord collectif spécifique). En pratique, les employeurs prévoient souvent que les supports réalisés dans le cadre de l’activité salariée pourront être utilisés librement par l’organisme – il s’agit alors d’une licence concédée par le salarié à son employeur, ou d’une cession partielle de droits. Il est vivement conseillé de faire relire ces clauses par un juriste pour s’assurer qu’elles sont conformes (par exemple, en France une cession de droits doit mentionner les droits cédés, le champ d’exploitation, la durée et le territoire, sinon elle peut être jugée nulle pour indétermination).

Pour un organisme commanditaire qui fait appel à un prestataire (auteur, formateur-concepteur) pour élaborer un module de formation sur mesure, il est également crucial de stipuler dans le contrat de prestation le sort des droits d’auteur : cession complète au commanditaire, ou licence non-exclusive, ou autre modalité. Sans cela, le prestataire conservera les droits et l’organisme ne pourra réutiliser le contenu que dans le cadre limité éventuellement délimité par le contrat. Cette précaution évite des litiges ultérieurs et garantit que l’investissement dans la création reste bien au bénéfice de l’organisme.

Notons que, même en cas de cession de droits patrimoniaux à l’employeur ou au client, le formateur-auteur conserve ses droits moraux (paternité, respect de l’intégrité, etc.), qui sont inaliénables. Il sera donc légitime, par exemple, qu’il soit crédité comme auteur du contenu dans les nouvelles exploitations.

Preuve de création et dépôt : comment sécuriser vos droits en cas de litige

Si le droit d’auteur naît sans formalité, une difficulté pratique se présente toutefois : en cas de plagiat ou de contrefaçon, il faut pouvoir prouver la paternité et la date de création de l’œuvre pour faire valoir ses droits. En effet, si un ancien formateur diffuse vos supports sans autorisation en prétendant en être l’auteur, ou si un concurrent publie un contenu très similaire au vôtre, il faudra démontrer que votre œuvre est antérieure et originale. D’où l’importance de constituer des preuves de création et d’antériorité.

Plusieurs solutions existent pour cela, couramment utilisées par les auteurs et reconnues par les tribunaux :

  • Le dépôt auprès d’un tiers de confiance : vous pouvez déposer vos supports pédagogiques (fichiers, manuscrits…) auprès d’un officier ministériel (un huissier ou un notaire), qui délivrera un procès-verbal de dépôt daté. De même, l’INPI propose le service de l’enveloppe Soleau (désormais disponible en ligne via e-Soleau), qui permet de sceller électroniquement vos documents horodatés11. Des sociétés d’auteurs ou des services en ligne spécialisés proposent aussi des enregistrements sécurisés (y compris par blockchain) pour prouver l’antériorité d’une création12. Ces démarches, relativement peu coûteuses, ne confèrent pas le droit d’auteur (que vous avez déjà) mais apportent une preuve fiable de la date de création. En cas de litige, ce peut être un élément décisif pour établir que vous êtes à l’origine du contenu.
  • L’envoi à soi-même : une méthode plus artisanale consiste à s’envoyer son œuvre par lettre recommandée et à conserver l’enveloppe scellée, cachet de la poste faisant foi (sans l’ouvrir). C’est une preuve d’existence à une date donnée, parfois admise par les juges, mais plus contestable (elle peut être falsifiée plus facilement qu’un dépôt officiel). On l’utilisera donc plutôt en complément.

En pratique, pour un organisme de formation, il peut être judicieux de déposer ainsi les versions finalisées des supports importants (par exemple un manuel complet, un référentiel de compétences développé en interne, un guide méthodologique innovant, etc.). Conservez aussi tous les fichiers sources (documents de travail, brouillons, fichiers numériques originaux) : ils peuvent prouver votre travail créatif en cas de besoin13.

Exceptions légales : peut-on utiliser librement des œuvres dans un cadre pédagogique ?

La protection par le droit d’auteur implique qu’on ne peut utiliser l’œuvre d’autrui sans autorisation, sous peine de contrefaçon, sauf à bénéficier d’une exception légale prévue par le code. Dans le domaine éducatif, il existe en France ce qu’on appelle l’exception pédagogique, instaurée par la loi du 1er août 2006 et codifiée à l’article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle. Cette exception permet, dans un cadre d’enseignement strictement défini, d’utiliser des extraits d’œuvres protégées à des fins exclusives d’illustration de l’enseignement, sous réserve de source, et de ne pas en tirer de profit commercial direct. Cependant, cette exception est encadrée par des accords sectoriels et ne s’applique qu’à certains organismes d’enseignement (principalement l’Éducation nationale, l’enseignement supérieur, ou des organismes de recherche, ainsi que la formation par apprentissage depuis 2021)14. Les organismes de formation professionnelle privés n’entrant pas dans ce champ doivent donc supposer qu’aucune exception pédagogique ne les autorise à reproduire des œuvres sans autorisation, à l’exception de courtes citations illustratives. En clair, vous ne pouvez pas diffuser à vos stagiaires un article, un chapitre de livre ou une vidéo protégée sans autorisation, sous prétexte que c’est pour former : cela serait une contrefaçon, sauf si vous avez obtenu une licence (par exemple via le CFC pour les copies d’extraits d’ouvrages) ou si l’œuvre est libre de droits.

De même, faites attention aux images, schémas, graphiques que vous intégrez dans vos supports : beaucoup sont protégés. Privilégiez les ressources libres de droits ou sous licence ouverte (ex. images sous licence Creative Commons) ou produisez vos propres illustrations. Cette vigilance s’inscrit dans la démarche qualité (ex. référentiel Qualiopi) qui exige le respect des droits de propriété intellectuelle dans les contenus utilisés. D’après le Référentiel National Qualité, les contrats ou conventions de formation doivent comporter un volet sur « les dispositions relatives à la propriété intellectuelle : droits d'auteur sur les supports pédagogiques et conditions d'utilisation »15. Cet aspect est contrôlé lors des audits de certification Qualiopi, signifiant qu’un organisme doit pouvoir démontrer qu’il utilise des contenus en règle avec le droit (et qu’il protège aussi ses propres contenus face aux clients).

En résumé, respecter le droit d’auteur des tiers fait partie des bonnes pratiques professionnelles : outre l’aspect légal, cela protège votre organisme de poursuites et cela crédibilise vos productions (vous donnez l’exemple en tant que formateur en respectant la propriété intellectuelle, ce qui rejaillit positivement sur l’image de votre organisme).

La protection de la marque et de l’identité de votre organisme de formation

Marque, nom commercial, logo : de quoi parle-t-on ?

Votre marque, c’est l’élément qui permet d’identifier et distinguer votre offre de formation de celle des autres. Il peut s’agir de la dénomination de votre organisme, de votre sigle, d’un logo, ou même d’un slogan associé à vos services. Dans le vocabulaire juridique, une marque peut être un mot (ou un ensemble de mots), un élément figuratif (dessin, logo), voire un son ou une forme (bien que ces formes soient plus rares dans la formation). Par exemple, un organisme appelé « FormaTech » avec un logo spécifique a tout intérêt à protéger ce nom et ce logo comme marque de services de formation. De même, si vous avez développé une méthode pédagogique innovante que vous avez baptisée « NeuroLearning 360° » et que vous commercialisez des formations sous ce titre, ce nom peut constituer une marque à part entière pour désigner ce service particulier.

Il faut distinguer la marque du simple nom commercial ou de la raison sociale (dénomination sociale) de votre structure juridique. Le fait d’avoir enregistré votre société « XYZ Formation » au registre du commerce, ou déclaré votre association « Apprendre&Co » en préfecture, vous donne un droit d’usage sur ce nom dans le cadre de votre activité déclarée16. Toutefois, cette protection par le droit d’usage du nom de l’entreprise ou de l’association est limitée territorialement et ne vaut pas titre de propriété industrielle : « elle n’a pas la même force qu’une marque déposée » et ne couvre pas l’ensemble du territoire17. Concrètement, une autre entreprise pourrait se créer sous un nom similaire dans un autre secteur géographique ou d’activité sans forcément enfreindre votre droit sur le nom commercial. Pour obtenir une protection forte et opposable nationalement, le dépôt de marque est la voie royale.

Une marque de formation, pour être valable, doit répondre à certains critères : elle doit être disctinctive (ne pas se contenter de décrire l’activité – par exemple « Formation Continue » ne serait pas une marque valable), disponible (on doit vérifier qu’elle n’est pas déjà prise par un tiers pour les mêmes services ; d’où l’importance des recherches d’antériorité via les bases de l’INPI) et licite (pas de termes contraires à l’ordre public, de marques trompeuses ou purement génériques).

Pourquoi et comment déposer une marque de formation ?

Le dépôt d’une marque auprès de l’INPI confère à son titulaire une exclusivité d’utilisation de ce signe pour les produits et services désignés. Déposer votre marque, c’est sécuriser votre identité commerciale : l’INPI parle d’ailleurs de protéger « votre identité commerciale » via le dépôt18. Vous obtenez ainsi un titre de propriété industrielle qui vous permet d’agir contre quiconque utiliserait un nom identique ou trop proche du vôtre dans le même secteur d’activité, et de valoriser votre marque comme un actif (possibilité de la licencier, de la céder, etc.). À l’inverse, ne pas déposer sa marque fait courir le risque de voir un concurrent enregistrer un nom similaire et vous interdire ensuite de l’utiliser, ou de créer une confusion préjudiciable sur le marché.

Pour déposer une marque en France, la procédure est relativement simple et 100% en ligne : il faut définir précisément la marque (le signe tel qu’il sera protégé : orthographe, logo…), lister les classes de produits et services concernés (selon la Classification de Nice – la classe 41 couvre les services d’éducation et de formation, entre autres), puis remplir le formulaire sur le portail de l’INPI et s’acquitter des redevances (à partir de 190€ pour une classe, en 2025). L’INPI examine ensuite la demande, publie la marque au Bulletin Officiel, ouvre un délai de 2 mois d’opposition pour les titulaires de droits antérieurs, et en l’absence d’opposition fondée, enregistre la marque. Vous devenez alors propriétaire de la marque pour 10 ans renouvelables. Il est à noter qu’une association loi 1901 peut tout à fait déposer une marque si elle exerce une activité économique sous ce nom ; c’est même fortement conseillé dès lors que le nom sert à commercialiser des services, car « si l’association a une activité économique et que son nom est celui sous lequel elle commercialise ses services, elle peut le protéger en le faisant enregistrer comme marque protégée auprès de l’INPI »19.

Une fois la marque obtenue, vous avez intérêt à l’utiliser correctement : apposer le symbole ® à côté du nom/logo enregistré dans vos documents officiels, respecter la charte graphique déposée (pour une marque figurative), et surtout surveiller le marché pour détecter d’éventuels contrefacteurs. En cas d’usage illicite de votre marque par un tiers (par exemple un organisme d’un autre département qui reprendrait votre nom ou un nom très proche pour proposer des formations similaires), vous pourrez engager une action en contrefaçon de marque pour faire cesser l’usage et obtenir des dommages-intérêts.

L’exemple de Qualiopi : une marque au service de la qualité

Pour illustrer l’importance des marques dans le secteur de la formation, on peut citer l’exemple de Qualiopi. Qualiopi n’est pas le nom d’une entreprise, mais le nom de la certification qualité officielle délivrée par le Ministère du Travail aux organismes de formation. Or, Qualiopi est une marque déposée par l’État : l’usage de son nom et de son logo est strictement réglementé20. Seuls les prestataires dûment certifiés peuvent l’utiliser, et selon des règles graphiques et sémantiques précises. L’objectif est de garantir la fiabilité de ce label qualité et d’éviter les usages abusifs du terme par des organismes non certifiés. Cet exemple montre comment le dépôt d’une marque peut servir à assurer la crédibilité et l’unicité d’un signe de qualité dans le domaine de la formation. De même, à votre échelle, le fait de déposer la marque de votre organisme (ou de vos programmes phares) vous permet de défendre la réputation associée à votre nom et d’éviter qu’il soit galvaudé par d’autres.

On soulignera pour finir qu’au-delà du nom principal de l’organisme, il peut être judicieux de protéger comme marques certaines dénominations de produits de formation ou labels maison que vous auriez créés. Par exemple, si vous êtes un organisme qui propose un parcours certifiant intitulé « MasterCompétences© » et que ce nom commence à être reconnu sur le marché, le déposer en marque vous permettra d’éviter que d’autres n’utilisent un intitulé semblable qui créerait la confusion. Bien entendu, plus le nom est original et distinctif, plus il est protégeable : un intitulé très descriptif ou générique ne pourra pas être monopolisé.

En résumé, la stratégie de marque fait partie intégrante de la protection de votre offre de formation. Elle vient compléter la protection de vos contenus : là où le droit d’auteur protège la substance de vos supports, le droit des marques protège la signature sous laquelle vous les diffusez. Ces deux piliers posés, reste à les mettre en œuvre de façon concrète au quotidien.

Stratégies et bonnes pratiques pour protéger vos contenus et votre marque

Après avoir passé en revue les principes juridiques, intéressons-nous aux mesures concrètes que tout organisme de formation ou formateur entrepreneur peut prendre pour sécuriser sa propriété intellectuelle. Il s’agit à la fois de prévenir les atteintes (par des mesures techniques, organisationnelles et contractuelles) et d’être prêt à réagir efficacement en cas de violation de vos droits. Voici les principales bonnes pratiques à adopter :

  • Intégrez systématiquement des clauses de propriété intellectuelle dans vos contrats : Que ce soit les contrats de travail de vos formateurs salariés, les contrats avec vos auteurs-concepteurs externes, ou les conditions générales de vente que vous signez avec vos clients, prévoyez une clause précisant qui détient les droits d’auteur sur les supports et dans quelles conditions ceux-ci peuvent être utilisés. Par exemple, dans vos conventions de formation avec des clients, stipulez que les supports remis aux stagiaires restent votre propriété intellectuelle et ne peuvent être reproduits ou exploités en dehors du cadre de la formation sans autorisation écrite. Cela rappelle vos droits aux clients et évite qu’ils diffusent vos supports à des tiers indûment. D’ailleurs, la réglementation impose d’inclure ce type de dispositions dans le contrat de formation (cf. Code du travail, art. L6353-7)15.
  • Protégez vos supports par des mentions et des mesures techniques : Sur chaque support (document PDF, PPT, vidéo, etc.), faites figurer une mention de réserve de droit du type « © 2025 MonOrganisme – Tous droits réservés. Ce document ne peut être reproduit, distribué ou utilisé sans autorisation. » accompagnée éventuellement d’une licence précisant les usages autorisés (par exemple, autorisation de reproduire pour usage strictement personnel du stagiaire). Songez aussi à intégrer des filigranes (watermarks) sur les documents sensibles, ou des empreintes numériques sur vos vidéos, afin de pouvoir tracer leur diffusion. Sur les plateformes de e-learning, des fonctions de limitation (désactivation du téléchargement, affichage uniquement en streaming, etc.) peuvent empêcher la copie facile des contenus. Argalis, en tant qu’éditeur de logiciels SaaS pour les organismes de formation, propose par exemple des fonctionnalités de gestion documentaire sécurisée : la mise à disposition des supports pédagogiques aux formateurs via un extranet nécessite une authentification, et les documents sont protégés contre les partages non autorisés. De telles solutions techniques réduisent grandement les risques de fuite de vos contenus exclusifs.
  • Formez et sensibilisez vos collaborateurs : La protection de la propriété intellectuelle doit faire partie de votre culture interne. Sensibilisez vos formateurs et intervenants à ces enjeux. Expliquez-leur que les supports qu’ils créent sont protégés, mais aussi qu’ils doivent eux-mêmes respecter les œuvres d’autrui. Mettez en place une charte interne sur l’utilisation des ressources externes (par ex., n’utiliser que des images libres de droits ou obtenir les autorisations nécessaires). Une équipe formée sera plus vigilante et évitera des erreurs préjudiciables (comme reproduire un article sans autorisation ou au contraire partager trop librement en externe un support maison confidentiel).
  • Surveillez l’usage de votre marque et de vos contenus sur le marché : La veille est indispensable. Pour la marque, inscrivez-vous aux services de surveillance de marques (certains sont proposés par l’INPI ou des conseils en PI) afin d’être alerté en cas de dépôt d’une marque semblable à la vôtre. Sur internet, effectuez régulièrement des recherches (Google, réseaux sociaux) sur le nom de votre organisme et de vos formations phares, pour détecter d’éventuels abus (quelqu’un qui copierait votre site ou vos descriptifs en usurpant votre nom, par exemple). Pour les contenus, vous pouvez également utiliser des outils de détection de plagiat ou mettre en place des Google Alerts sur des phrases-clés de vos supports, de sorte à repérer si elles ressortent ailleurs sans votre accord. La vigilance est la première arme : mieux vaut détecter tôt un problème pour pouvoir réagir.
  • Réagissez fermement mais prudemment en cas d’atteinte avérée : Si, malgré toutes les précautions, vous constatez qu’un de vos supports a été copié sur un forum ou repris par un concurrent, ou que votre nom est utilisé abusivement, ne laissez pas faire. Commencez par réunir des preuves (captures d’écran datées, constat d’huissier si nécessaire, surtout si le contenu incriminé peut être effacé rapidement). Ensuite, prenez contact avec un avocat spécialisé en propriété intellectuelle pour évaluer la situation. Le cas échéant, faites envoyer une lettre de mise en demeure (ou « cease and desist ») rappelant vos droits et exigeant le retrait du contenu illicite ou l’arrêt de l’usage de la marque. Souvent, cette démarche suffit à résoudre le problème à l’amiable. Si l’infracteur persiste, vous pourrez engager une action en justice pour contrefaçon – avec à la clé, potentiellement, des dommages et intérêts et des sanctions (y compris pénales en cas de contrefaçon commerciale). La loi est de votre côté : la reproduction ou l’exploitation non autorisée d’une œuvre protégée, de même que l’usage d’une marque protégée par un tiers, sont sanctionnés. Le tout est d’agir avec le conseil adapté pour maximiser vos chances de succès.
  • Envisagez le dépôt d’autres titres de propriété intellectuelle si pertinent : La plupart des organismes de formation n’ont pas vocation à déposer des brevets, car leurs « inventions » résident plutôt dans la pédagogie que dans des procédés techniques industrialisables. Néanmoins, si vous avez créé un outil technique innovant (par exemple un logiciel pédagogique, un dispositif technologique pour la formation…) il peut être judicieux de vous renseigner sur la brevetabilité ou sur la protection des dessins et modèles si l’aspect visuel est original. De même, pensez à la protection de vos bases de données si vous en produisez (par ex. une base de QCM très fournie) : la loi offre un droit « sui generis » au producteur de bases de données substantielle. Enfin, n’oubliez pas le droit des secrets d’affaires (loi de 2018) : si vous avez des méthodes, des processus pédagogiques ou des documents internes que vous ne divulguez qu’à vos formateurs sous confidentialité, ils peuvent relever du secret industriel. En cas de divulgation ou de vol de ces informations confidentielles, la loi vous permet aussi d’agir. Pour bénéficier de cette protection, prenez soin de verrouiller contractuellement la confidentialité.

Notes

  1. DARES, Bilan pédagogique et financier de la formation professionnelle, 2022.
  2. OMPI, Qu’est-ce que la propriété intellectuelle ?, 2020.
  3. Code de la propriété intellectuelle, art. L111-1.
  4. Code de la propriété intellectuelle, art. L711-1.
  5. INPI, « La marque », 2024.
  6. APIE, Guide de la propriété intellectuelle pour les services de l’État, 2019.
  7. Code de la propriété intellectuelle, art. L111-1 al. 2.
  8. Code de la propriété intellectuelle, art. L121-1.
  9. Code de la propriété intellectuelle, art. L122-1.
  10. ADAGP, « Cession de droits », 2023.
  11. INPI, « L’e-Soleau », 2024.
  12. Ex : Copyright.eu, Blockchain Certified Data.
  13. Jurisprudence constante sur la valeur probante des fichiers sources.
  14. Code de la propriété intellectuelle, art. L122-5, 3°, e).
  15. Référentiel National Qualité (Qualiopi), Indicateur 6.
  16. Code du travail, art. L6353-7.
  17. Code de commerce, protection du nom commercial.
  18. INPI, « Nom commercial, dénomination sociale, marque : quelles différences ? », 2023.
  19. INPI, « Protéger votre identité commerciale », 2024.
  20. Service-Public.fr, « Une association peut-elle déposer une marque ? », 2023.
  21. Ministère du Travail, Charte d’usage de la marque Qualiopi.

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