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Gérer les imprévus et les crises : résilience pour formateurs et organismes de formation

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Dans un environnement socio-économique en perpétuelle mutation, marqué par des crises sanitaires, des évolutions technologiques rapides et des réformes législatives profondes, les acteurs de la formation professionnelle sont en première ligne. Pour les organismes de formation (OF) et les formateurs indépendants, la capacité à anticiper, à s'adapter et à surmonter les imprévus n'est plus une simple option, mais un impératif stratégique pour assurer la pérennité de leur activité. Cet article explore en profondeur le concept de résilience organisationnelle appliqué au secteur de la formation, en s'appuyant sur des analyses institutionnelles et des recherches scientifiques. Il a pour objectif de fournir un cadre de réflexion et des pistes d'action concrètes pour renforcer votre capacité à naviguer dans l'incertitude.

Comprendre la résilience en formation professionnelle

La résilience organisationnelle se définit comme la capacité d'une organisation à anticiper, à se préparer, à réagir et à se remettre de toute perturbation, quelle qu'en soit la gravité, afin de rebondir après des événements défavorables. Appliquée aux organismes de formation et aux formateurs indépendants, elle transcende la simple gestion de crise. Il s'agit d'une démarche proactive visant à intégrer la flexibilité et l'adaptabilité au cœur même de la stratégie d'entreprise.

Une étude menée par le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) sur l'impact de la crise sanitaire a mis en évidence la manière dont le secteur de la formation professionnelle a été touché par les mesures de restrictions, mais aussi comment les acteurs ont su faire face, notamment en faisant évoluer leurs pratiques professionnelles. Cette période a agi comme un véritable test de résistance, révélant les forces et les vulnérabilités des modèles existants.

Les piliers de la résilience organisationnelle pour les OF

Inspirée des travaux sur la résilience des PME, on peut identifier plusieurs piliers fondamentaux pour un organisme de formation ou un formateur indépendant :

  • L'agilité et la flexibilité opérationnelle : La capacité à ajuster rapidement ses processus internes, son offre de formation et ses modalités pédagogiques.
  • L'engagement des collaborateurs : Une culture d'entreprise forte où les équipes sont mobilisées et se sentent écoutées, notamment en période de changement.
  • La culture de l'autonomisation : Favoriser la prise d'initiative et la responsabilisation des collaborateurs pour une réactivité accrue face aux imprévus.
  • La robustesse financière : Disposer d'une assise financière saine pour absorber les chocs conjoncturels.
  • La veille stratégique et l'anticipation des risques : Mettre en place des processus pour identifier et évaluer les menaces potentielles (réglementaires, économiques, technologiques).

Identifier les risques et les imprévus spécifiques au secteur

La gestion des imprévus commence par une identification claire des risques potentiels. Pour un organisme de formation, ces risques sont de natures variées et peuvent impacter durablement l'activité.

Les crises conjoncturelles majeures

La crise sanitaire du Covid-19 a constitué un exemple marquant des bouleversements que peut subir le marché du travail et, par conséquent, le système de formation professionnelle. Une étude du Céreq a notamment analysé l'impact de cette crise sur les entreprises et leurs organismes de formation internes, soulignant l'arrêt brutal de l'activité en présentiel et la nécessité d'une transition accélérée vers le digital learning. Ces crises exogènes, par leur nature imprévisible et leur ampleur, exigent une capacité de réaction et d'adaptation exceptionnelle. L'enjeu, comme souligné par les pouvoirs publics durant cette période, était de transformer le temps libéré, notamment par le chômage partiel, en une opportunité de développement des compétences essentielles à la relance.

Les évolutions réglementaires et la certification Qualiopi

Le secteur de la formation professionnelle en France est fortement encadré par la législation. La loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel" du 5 septembre 2018 a instauré des changements majeurs, dont l'obligation de certification Qualiopi pour bénéficier de fonds publics ou mutualisés. Cette exigence, entrée en vigueur au 1er janvier 2022, a représenté un défi important pour de nombreux organismes et formateurs indépendants.

Plus récemment, le décret n° 2023-1350 du 28 décembre 2023 a renforcé cet encadrement, notamment en ce qui concerne la sous-traitance pour les actions éligibles au Compte Personnel de Formation (CPF). Ce décret impose, sauf exceptions, l'obtention de la certification Qualiopi pour les sous-traitants, visant à lutter contre la fraude et à assurer la qualité des formations. Ne pas anticiper ces évolutions réglementaires constitue un risque majeur de perte d'accès au marché.

Les aléas opérationnels du quotidien

Au-delà des crises majeures, la gestion courante d'un organisme de formation est parsemée d'imprévus : annulation de session, absence d'un formateur ou d'un participant, problème technique lors d'une formation à distance, etc. Bien que de moindre ampleur, la multiplication de ces incidents peut nuire à la qualité des prestations, à la satisfaction des clients et à la rentabilité de l'organisme.

Bâtir une stratégie de résilience : le Plan de Continuité d'Activité (PCA)

Face à ces risques, une approche structurée est indispensable. L'élaboration d'un Plan de Continuité d'Activité (PCA) est une démarche stratégique qui permet de se préparer à faire face à une situation de crise susceptible d'interrompre l'activité. Il s'agit d'un document évolutif qui doit être régulièrement mis à jour pour rester pertinent.

La construction d'un PCA repose sur plusieurs étapes clés :

  1. Analyse des risques et des impacts (BIA - Bilan d'Analyse d'Impact) : Identifier les activités essentielles de l'organisme et évaluer les conséquences de leur interruption. Cela implique de cartographier les processus critiques.
  2. Définition des stratégies de continuité : Pour chaque risque identifié, déterminer les solutions à mettre en œuvre. Cela peut inclure des stratégies de relocalisation, de remplacement des ressources clés ou de reprise informatique.
  3. Élaboration des procédures : Rédiger des procédures claires pour la gestion de crise, la communication interne et externe, et la continuité des activités pédagogiques et administratives.
  4. Formation et sensibilisation des équipes : Une équipe bien préparée est un atout majeur. Il est crucial que chaque membre connaisse son rôle en cas d'urgence.
  5. Tests et exercices réguliers : Mettre le PCA à l'épreuve à travers des simulations de crise pour identifier les failles et améliorer les stratégies.

L'ingénierie pédagogique au service de la résilience

La capacité d'un organisme de formation à surmonter une crise dépend aussi de la flexibilité de son approche pédagogique. Une ingénierie pédagogique agile est un facteur clé de résilience.

L'andragogie comme fondement de l'adaptabilité

L'andragogie, définie comme la science de l'éducation des adultes, fournit des principes fondamentaux pour construire des formations résilientes. Contrairement à la pédagogie centrée sur l'enfant, l'andragogie, théorisée notamment par Malcolm Knowles, reconnaît que l'apprenant adulte est autonome, riche d'une expérience qui doit être valorisée, et motivé par des besoins d'apprentissage concrets et immédiats.

Les principes de Knowles suggèrent que l'adulte a besoin de :

  • Comprendre l'utilité de ce qu'il apprend.
  • Être acteur de son apprentissage (autonomie).
  • S'appuyer sur son expérience.
  • Être prêt à apprendre lorsque cela répond à un besoin de sa vie réelle.
  • S'orienter vers un apprentissage centré sur la résolution de problèmes.
  • Être motivé par des facteurs intrinsèques (estime de soi, accomplissement).

En intégrant ces principes, les organismes de formation peuvent concevoir des dispositifs plus flexibles, capables de s'adapter aux contraintes et aux besoins changeants des apprenants, surtout en période de crise.

Diversifier les modalités pédagogiques : du présentiel au digital learning

La crise sanitaire a accéléré la transition vers la formation à distance. Une étude du Céreq a montré que plus de 60 % des salariés formés durant cette période l'ont été au moins une fois en distanciel, particulièrement les plus qualifiés. Pour les organismes de formation, la maîtrise du digital learning n'est plus une option.

La résilience passe par la capacité à hybrider les approches :

  • Formations synchrones à distance (classes virtuelles) pour maintenir l'interaction directe.
  • Modules e-learning asynchrones pour permettre aux apprenants de progresser à leur rythme.
  • AFEST (Action de Formation en Situation de Travail), une modalité qui a montré sa pertinence pour les publics moins familiers avec le distanciel, comme les ouvriers.
  • Apprentissage expérientiel, inspiré des travaux de David Kolb, qui structure l'apprentissage en un cycle de quatre phases (expérience concrète, observation réfléchie, conceptualisation abstraite, et expérimentation active). Cette approche, centrée sur l'action et la réflexion, est particulièrement adaptée aux situations imprévues qui deviennent des opportunités d'apprentissage.

Cette diversification permet non seulement d'assurer la continuité pédagogique en cas d'impossibilité du présentiel, mais aussi de proposer une offre plus riche et personnalisée, répondant aux attentes variées des entreprises et des individus, notamment dans le cadre du CPF.

Le formateur indépendant : développer sa résilience personnelle et professionnelle

Pour le formateur indépendant, la résilience est à la fois organisationnelle et personnelle. Il doit faire face aux mêmes défis qu'un organisme de formation, mais souvent avec des ressources plus limitées.

Stratégies de développement pour le formateur indépendant

Plusieurs stratégies peuvent être mises en œuvre pour renforcer son activité :

  • Définir une niche d'expertise : Se spécialiser permet de se différencier sur un marché concurrentiel et de mieux cibler sa clientèle.
  • Développer son réseau professionnel : Le réseautage est un levier essentiel pour trouver des clients et des partenaires.
  • Soigner sa stratégie marketing : Utiliser le marketing digital et les plateformes dédiées pour augmenter sa visibilité.
  • Adopter une posture d'agilité : Être capable d'adapter rapidement son offre et ses méthodes pédagogiques en fonction des besoins du marché et des retours clients.

La gestion du temps et la motivation

Le maintien de la motivation et un bon équilibre de vie sont des défis constants pour le travailleur indépendant. Se fixer des objectifs clairs, à court et long terme, et savoir gérer son temps sont des compétences cruciales pour surmonter les périodes difficiles. La résilience du formateur indépendant repose en grande partie sur sa capacité à s'auto-réguler et à maintenir son engagement dans la durée.

Conclusion : la résilience comme culture d'entreprise

En définitive, la gestion des imprévus et des crises dans le secteur de la formation professionnelle n'est pas qu'une affaire d'outils ou de procédures. C'est avant tout une question de culture. La résilience doit infuser toutes les strates de l'organisation, de la gouvernance stratégique à l'acte de formation lui-même.

Pour les dirigeants d'organismes de formation et les formateurs indépendants, investir dans la résilience signifie :

  • Adopter une posture proactive plutôt que réactive face aux changements.
  • Considérer les crises comme des opportunités d'innovation et d'amélioration continue.
  • Placer l'humain au centre, en formant et en responsabilisant les équipes.
  • Construire une offre de formation robuste et flexible, s'appuyant sur une ingénierie pédagogique et andragogique solide.

Dans un monde où l'incertitude est la nouvelle norme, les organismes de formation qui prospéreront seront ceux qui auront su cultiver leur capacité à "continuer à se projeter dans l'avenir en dépit d'événements déstabilisants". La résilience n'est pas une destination, mais un processus dynamique et permanent, au cœur du développement des compétences de demain.


Bibliographie

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  • BioTalent Canada. (s.d.). Renforcer la résilience dans le milieu de travail - Améliorer la résilience organisationnelle des PME.
  • Céreq. (2022). Crise sanitaire et formation professionnelle : le temps libéré ne suffit pas pour se former. Céreq Bref, 420.
  • Dubruc, N., & Mekdessi, S. (2023). Comment des PME peuvent-elles être résilientes en contexte de crises. Revue internationale P.M.E., 36(2), 6-138.
  • Guillemette, F., Leblanc, C., & Renaud, K. (2017). Favoriser l'apprentissage en favorisant le cycle de l'apprentissage expérientiel (David Kolb). Observatoire de la Pédagogie en Enseignement Supérieur.
  • Knowles, M. S., Holton III, E. F., & Swanson, R. A. (2015). The adult learner: The definitive classic in adult education and human resource development. Routledge.
  • Manciaux, M., Vanistendael, S., Lecomte, J., & Cyrulnik, B. (2001). La résilience : état des lieux. In La résilience : mythes et réalités (pp. 11-22). Fabert.
  • Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités. (2020). Qualiopi | Marque de certification qualité des prestataires de formation.
  • Romani, C. (2021). L'impact de la crise sanitaire sur les entreprises et leurs organismes de formation (Rapport d'études N°014). DARES, Céreq.

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