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L’intelligence artificielle (IA) et l’adaptive learning révolutionnent la formation professionnelle

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IA et adaptive learning : définitions et principes clés

Pour bien comprendre l’impact de ces innovations, il convient d’abord de définir clairement de quoi l’on parle. L’intelligence artificielle en formation désigne l’ensemble des systèmes informatiques capables d’accomplir des tâches généralement associées à l’intelligence humaine – analyse de données, prise de décision, prédiction – appliqués au domaine éducatif. Concrètement, cela va des algorithmes de recommandation de contenus (par exemple, suggérer le module le plus pertinent à un apprenant en fonction de son profil), aux chatbots tuteurs capables de répondre aux questions, en passant par les systèmes de correction automatisée d’exercices ou d’évaluations. L’IA en éducation peut ainsi innover dans les pratiques d’enseignement et d’apprentissage, avec l’espoir d’accroître l’efficacité des formations et de relever certains défis persistants (lutte contre le décrochage, adaptation aux besoins individuels, etc.) [10].

Le concept d’adaptive learning (ou apprentissage adaptatif) est plus spécifique. Il décrit une méthode pédagogique s’appuyant sur des outils numériques capables d’ajuster automatiquement le parcours d’un apprenant en fonction de ses interactions et de ses performances [1]. Autrement dit, le contenu, la difficulté des exercices, le rythme d’avancement ou le type de ressources proposées vont évoluer différemment pour chaque apprenant, en fonction de ce que révèlent les données collectées sur sa compréhension et ses progrès. L’UNESCO définit ainsi l’adaptive learning comme « une technique qui utilise une instruction pilotée par les données pour ajuster et personnaliser les expériences d’apprentissage afin de répondre aux besoins individuels de chaque apprenant » [1]. Les systèmes d’apprentissage adaptatif suivent en continu des indicateurs tels que les résultats aux quiz, le temps passé sur chaque activité, les erreurs récurrentes ou le niveau d’engagement, puis ajustent en temps réel l’expérience proposée : par exemple en fournissant des explications supplémentaires lorsqu’un concept n’est pas acquis, ou au contraire en proposant un défi plus complexe lorsqu’un module est maîtrisé rapidement [11, 12].

Cette approche repose généralement sur deux composantes complémentaires : d’une part un mécanisme de diagnostic (collecte et analyse des données d’apprentissage de l’individu), et d’autre part des mécanismes de personnalisation qui déclenchent les rétroactions appropriées [13]. Sans collecte de données fine ni algorithmique, un formateur humain peut difficilement opérer ce suivi individualisé en temps réel pour de nombreux apprenants simultanément. C’est pourquoi l’adaptive learning a véritablement pris son essor avec les avancées technologiques en IA et learning analytics. Historiquement, le concept s’inscrit dans la lignée des systèmes tuteurs intelligents développés dès les années 1970-80 dans le champ de l’IA éducative [14]. Ces précurseurs (par exemple le système SCHOLAR pour l’enseignement de la géographie) étaient limités par les capacités informatiques de l’époque, mais ont posé les bases de l’idée qu’un logiciel peut “apprendre l’apprenant” et adapter son enseignement en conséquence. Aujourd’hui, avec la puissance de calcul disponible et les progrès du machine learning, ces systèmes deviennent bien plus performants et accessibles via des applications web ou des plateformes LMS intégrées [15].

Il convient aussi de distinguer deux approches de l’adaptativité permises par l’IA : l’adaptativité “conçue” (où le formateur définit à l’avance différents parcours ou scénarios en fonction de profils types, et l’outil oriente l’apprenant vers l’un ou l’autre selon son profil initial ou ses résultats) versus l’adaptativité “algorithmique” (où c’est l’algorithme qui détermine dynamiquement le chemin optimal pour l’apprenant en analysant en continu ses réponses et en comparant à d’autres apprenants) [16]. La première repose sur l’expertise pédagogique humaine pour prévoir les trajectoires possibles, la seconde sur la capacité prédictive de l’IA pour ajuster finement le parcours de chacun de façon parfois non prévue explicitement par le concepteur. Dans la pratique, de nombreux dispositifs combinent les deux (le concepteur fixe des règles d’adaptation, et l’IA gère les micro-ajustements à l’intérieur de ce cadre).

En résumé, l’IA fournit les outils pour scalabiliser la personnalisation : là où un formateur adapterait son cours différemment pour chaque individu s’il pouvait le faire en tête-à-tête, un système IA le fait simultanément pour des centaines de personnes. L’adaptive learning en est l’application concrète, centrée sur le parcours de formation lui-même. Avant d’examiner comment cela transforme les formations, intéressons-nous aux bénéfices pédagogiques attendus d’une telle personnalisation.

Personnalisation des parcours : quels bénéfices pédagogiques ?

Le postulat central de la personnalisation est qu’en ajustant l’enseignement aux besoins de chaque apprenant, on maximise ses chances de succès. Chaque individu arrive en formation avec un bagage différent (prérequis, expérience, style d’apprentissage, disponibilités, motivations). Face à cette hétérogénéité, les dispositifs uniformes produisent souvent de la démotivation (pour les plus avancés, qui s’ennuient) ou au contraire de la difficulté excessive (pour les moins préparés, qui décrochent). Personnaliser le parcours vise à tenir compte de ces différences : cela peut signifier offrir des ritmes d’apprentissage différenciés (chacun peut avancer à sa vitesse optimale), proposer des approches pédagogiques variées selon le profil (par exemple plus visuelles pour les uns, plus textuelles pour d’autres), ou encore cibler les lacunes spécifiques de chacun en renforçant certains modules.

Les bénéfices pédagogiques de l’individualisation sont documentés depuis des décennies. L’expérience la plus fameuse en est effectivement celle de Bloom et son « 2 sigma problem ». En comparant des élèves en classe traditionnelle à des élèves suivis en tutorat individuel avec mastery learning, Bloom a constaté un écart de deux écarts-types en faveur du tutorat – soit des progrès tels que l’élève moyen tutoré dépasse 98% des élèves en classe standard [7]. Autrement dit, presque tous les apprenants peuvent réussir à un très haut niveau si on leur fournit un enseignement réellement adapté, centré sur eux, avec le feedback et le soutien individualisé nécessaires. Le défi (le « problème » soulevé par Bloom) est de trouver des méthodes permettant d’atteindre ce niveau d’efficacité sans devoir recourir à un tuteur par élève, ce qui est irréaliste en contexte de formation de masse [17]. L’essor des technologies adaptatives s’inscrit directement dans cette quête : comme l’écrit Bloom, « il faut découvrir des méthodes d’instruction de groupe aussi efficaces que le tutorat un-à-un », et l’IA éducative est l’une des pistes pour y parvenir [18].

Plus près de nous, de nombreuses recherches confirment l’intérêt d’une approche personnalisée. Par exemple, une méta-analyse de 2024 portant sur des dispositifs de formation adaptative a montré des effets globalement positifs sur les acquis, avec toutefois des variations selon les modalités précises d’adaptation [19]. Les techniques ajustant en direct la difficulté des exercices en fonction des performances de l’apprenant se révèlent les plus efficaces pour améliorer la maîtrise, suivies par celles qui offrent un soutien individualisé (scaffolding) ou des parcours de remédiation ciblée [20]. On constate donc que comment on personnalise compte autant que le fait de personnaliser en soi – d’où l’importance d’un design pédagogique soigné, même lorsqu’on utilise une IA.

Du côté des résultats concrets, on observe des tendances très encourageantes. Une revue de la littérature internationale (37 études analysées) rapporte que dans 86% des cas, l’utilisation de l’adaptive learning s’accompagne d’une amélioration des résultats d’apprentissage par rapport à une formation classique [2]. Les indicateurs concernés incluent la performance aux évaluations, le taux de complétion des cours et la rétention des connaissances sur le long terme. Justement, sur ce dernier point, l’apprentissage personnalisé en ligne démontre des atouts : les apprenants en e-learning (souvent plus flexible et personnalisé) retiennent en moyenne 25% à 60% du contenu étudié, contre seulement 8% à 10% de rétention après une formation présentielle traditionnelle [8]. Cette différence majeure s’explique par plusieurs facteurs : possibilité de revenir sur les notions mal comprises, d’avancer à son rythme, d’être plus actif dans son apprentissage – autant de caractéristiques permises ou renforcées par les plateformes adaptatives.

De plus, la personnalisation favorise le sentiment d’implication de l’apprenant. Recevoir un feedback immédiat et pertinent, sentir que le parcours tient compte de ses réussites et erreurs, avoir des contenus “sur mesure” renforce la motivation. Un apprenant motivé et actif apprend mieux – c’est un cercle vertueux. Certaines études d’entreprises témoignent ainsi d’une augmentation de l’engagement des apprenants de l’ordre de +30% grâce à des modules adaptatifs par rapport à des modules e-learning statiques [21]. On note aussi souvent une baisse du taux d’abandon des formations en ligne quand un moteur adaptatif est présent, car l’outil peut détecter les signes de décrochage (inactivité, multiples échecs) et réagir en conséquence (par exemple en alertant le formateur ou en modifiant le parcours pour le rendre plus accessible).

Enfin, dans le contexte de la formation professionnelle, un bénéfice clé est l’efficacité perçue : l’apprenant comme son employeur constatent qu’aucun temps n’est perdu sur des choses déjà sues, et qu’au contraire les efforts se concentrent sur les compétences à acquérir. Cela contribue à la satisfaction des apprenants (qui trouvent la formation utile et adaptée) et des entreprises clientes (qui voient un meilleur retour sur investissement). Une formation adaptative peut même aboutir à réduire la durée nécessaire pour atteindre un objectif pédagogique : par exemple, si un salarié doit maîtriser une suite de compétences, il pourra peut-être valider plus vite les premières étapes s’il en connaît déjà une partie, et consacrer le temps gagné aux points vraiment nouveaux ou complexes. Ainsi, une grande entreprise comme IBM rapportait que ses employés formés en e-learning personnalisable apprenaient cinq fois plus de contenu en un temps donné que dans un format traditionnel, grâce à la flexibilité offerte [9].

En somme, les bénéfices pédagogiques attendus de l’IA et de l’adaptive learning se mesurent en termes de meilleure adéquation de la formation aux besoins, entraînant plus de motivation, de persévérance et de réussite. Toutefois, ces promesses ne se concrétisent que si la technologie est bien employée. Voyons justement comment l’IA opère concrètement pour personnaliser les parcours, et quels types d’outils et d’usages se développent aujourd’hui.

L’IA au service de la personnalisation : cas d’usage et outils

L’intelligence artificielle intervient de multiples façons tout au long du parcours de formation adaptatif. Voici les principaux cas d’usage et outils qui transforment la pratique des formateurs et l’expérience des apprenants :

  • Diagnostic et positionnement automatisé en amont : Avant même de démarrer la formation, l’IA peut aider à évaluer le niveau initial de chaque apprenant. Par exemple, un test adaptatif de positionnement, géré par un algorithme, va adapter ses questions en temps réel : si l’apprenant répond correctement, le système propose progressivement des questions plus difficiles jusqu’à cerner son niveau exact, et inversement. Ce type de pré-évaluation intelligente permet de déterminer un parcours individualisé : un apprenant très expérimenté « testera out » certains modules (ils lui seront marqués comme acquis d’emblée) [3], alors qu’un débutant suivra l’intégralité du programme avec éventuellement des modules de mise à niveau ajoutés. Ainsi, chacun aborde la formation avec un contenu ajusté à ses acquis et lacunes.
  • Adaptation du contenu et de la difficulté : Durant la formation, l’application la plus courante est le tuteur intelligent qui adapte le contenu en continu. Par exemple, dans un module e learning, l’ordre des leçons peut ne plus être figé pour tout le monde : l’IA décide de la prochaine activité à proposer en fonction des résultats précédents. Si l’apprenant a eu du mal sur l’exercice A, le système lui proposera de revoir la notion liée via une vidéo explicative supplémentaire, puis un exercice d’entraînement avant de passer à B. En revanche, un autre apprenant ayant brillamment réussi A pourra passer directement à B voire sauter B s’il est redondant. C’est un fonctionnement “maître/élève” simulé : le système détermine ce que l’apprenant sait ou ne sait pas et adapte la progression en conséquence [22]. De même, la difficulté des questions peut être modulée : des algorithmes de Item Response Theory couplés à l’IA sélectionnent des questions plus faciles ou plus difficiles selon le niveau estimé de l’apprenant, maintenant ainsi un niveau de défi optimal (ni ennui, ni découragement). Cette approche est utilisée par exemple dans certains exercices adaptatifs de mathématiques en ligne (tels qu’Adaptiv’Math, un outil piloté par l’IA dans l’Éducation nationale française) pour personnaliser les problèmes posés à chaque élève et cibler précisément leurs difficultés [23, 24].
  • Feedback immédiat et remédiation intelligente : Un avantage essentiel de l’IA est de pouvoir fournir un retour instantané et détaillé à l’apprenant après chaque action. Par exemple, dans un quiz, l’IA ne se contente pas de dire “Faux” ou “Vrai” : elle peut analyser l’erreur et afficher une explication adaptée à la réponse donnée. Grâce aux techniques de NLP (traitement du langage), certains tuteurs virtuels comprennent les réponses libres de l’apprenant et apportent des corrections personnalisées. On le voit dans des logiciels d’apprentissage des langues ou de programmation où l’IA indique à l’apprenant précisément où se trouve son erreur et pourquoi, voire propose un indice pour l’aider à trouver la solution lui-même. Ce feedback en temps réel contribue fortement à l’apprentissage, car il permet de corriger immédiatement les incompréhensions avant qu’elles ne s’ancrent. De plus, le système peut décider de prescrire des ressources de remédiation ciblées : par exemple, après une erreur sur un concept, proposer automatiquement un paragraphe du cours à relire ou une vidéo explicative supplémentaire sur ce point précis. Ainsi, chaque apprenant emprunte potentiellement un chemin de remédiation différent en cas de difficulté, ce qui maximise ses chances de surmonter l’obstacle.
  • Contenus générés par l’IA sur mesure : Plus récemment, avec l’essor de l’IA générative (modèles de type GPT, etc.), on voit apparaître la capacité de créer dynamiquement des exercices ou explications personnalisées. Par exemple, une IA pourrait générer instantanément de nouvelles questions d’entraînement supplémentaires portant exactement sur le point qui pose problème à l’apprenant, en variant les formulations. De même, si un apprenant n’a pas compris une explication du cours, un agent IA conversationnel pourrait reformuler autrement, donner des analogies ou des exemples supplémentaires, comme le ferait un formateur humain qui adapte son discours en fonction des réactions de son public. Cette génération à la volée de contenu pédagogique sur mesure est encore émergente, mais promet d’ajouter une dimension de personnalisation fine sans nécessiter que tout soit pré-écrit par le concepteur du cours. Cependant, elle doit être utilisée avec prudence (vérification de la pertinence et exactitude des contenus générés).
  • Suivi analytique et intervention humaine augmentée : Loin d’éliminer le formateur, l’IA joue aussi un rôle d’assistance aux encadrants. Les plateformes adaptatives fournissent aux formateurs des tableaux de bord détaillés sur la progression individuelle et collective. L’IA peut attirer l’attention du formateur sur un apprenant particulier qui, par exemple, accumule du retard ou commet les mêmes erreurs, afin qu’une intervention humaine ciblée puisse avoir lieu (tutorat, coaching individualisé). Ainsi, le formateur voit son rôle évoluer vers plus d’analyse qualitative et de soutien personnalisé, libéré qu’il est des tâches de suivi de base automatisées par l’IA. Dans une formation en présentiel, l’IA pourrait par exemple suggérer au formateur de constituer des sous-groupes de niveaux pour une activité, à partir des données recueillies lors d’exercices préalables, ou encore lui indiquer quelles notions nécessitent une ré-explication collective parce que X% des apprenants n’ont pas réussi les questions associées. On parle parfois d’analytique prédictive : certains systèmes tentent de prédire lesquels des apprenants risquent d’échouer ou d’abandonner, afin de permettre au formateur de prévenir plutôt que guérir en déclenchant des actions proactives (appel de l’apprenant, renforcement sur certaines compétences, etc.).
  • Recommandation de parcours et de ressources : Dans une logique plus large de Learning Experience Platform, l’IA peut servir de moteur de recommandation orientant chaque individu à plus long terme. Par exemple, dans le cadre du CPF (Compte Personnel de Formation) ou d’un plan de développement des compétences en entreprise, on voit poindre des outils IA capables de recommander la prochaine formation pertinente pour un collaborateur, en fonction de son profil de compétences, de son poste et de ses objectifs, un peu comme Netflix recommande le prochain film. De même, à l’intérieur d’un parcours, une IA pourrait suggérer des ressources additionnelles facultatives (articles, vidéos) en lien avec les intérêts ou le métier précis de l’apprenant pour enrichir son parcours de façon unique. Cela concourt à personnaliser non seulement le comment apprendre mais aussi quoi apprendre en fonction du contexte de chaque apprenant.

En combinant ces usages, on entrevoit à quel point le parcours de formation d’un individu peut devenir singulier grâce à l’IA. Prenons un cas d’usage concret pour illustrer : une entreprise déploie une formation en ligne sur la cybersécurité pour tous ses employés, via une plateforme adaptative. Dès la connexion, chaque employé passe un petit quiz de positionnement. Jean, administrateur réseau expérimenté, obtient un score élevé : la plateforme lui propose d’emblée de passer certains modules de base en auto-évaluation rapide (qu’il réussit) et de se concentrer sur les modules avancés où des faiblesses sont détectées (par exemple la sécurité du cloud). À l’inverse, Marie, nouvelle dans l’entreprise, a du mal sur le quiz : la plateforme l’oriente vers un parcours débutant incluant un module d’introduction à la cybersécurité et plus d’exercices pratiques. Pendant toute la formation, Jean reçoit surtout des défis complexes et des études de cas pour approfondir, tandis que Marie bénéficie de fiches mémo et de vidéos pédagogiques supplémentaires quand elle bloque sur une question. Chacun a des quiz adaptés : Jean voit des questions pointues qui le stimulent, Marie des questions de difficulté progressive qui la rassurent. Le formateur/animateur de cette formation dispose de l’interface administrateur qui lui montre que 20% des participants (dont Marie) butent sur la notion X : il décide d’organiser un webinaire de rattrapage sur cette notion pour ces personnes, pendant que Jean et d’autres experts peuvent avancer sur un projet pratique autonome. Au final, tous atteignent les objectifs, avec des chemins et un temps passé variables, optimisés pour chacun. L’entreprise constate que les experts comme Jean n’ont pas perdu de temps en revue inutile, et que les moins expérimentés ont bénéficié d’un soutien sur mesure limitant leur risque d’échec. Ce type de scénario, qui aurait été utopique à orchestrer manuellement pour des dizaines d’apprenants, devient possible grâce aux outils d’adaptive learning.

Il existe aujourd’hui de multiples plateformes ou solutions intégrant de l’adaptive learning pour la formation professionnelle. Sans citer de marques, on peut mentionner que les grands éditeurs de LMS enrichissent leurs solutions de modules adaptatifs ou d’IA tutorielle. Des startups spécialisées proposent également des moteurs adaptatifs à plugger sur des contenus existants pour les rendre intelligents. Par ailleurs, certains organismes de formation innovants en France expérimentent l’IA pour, par exemple, analyser les parcours CPF des apprenants et leur pousser des recommandations de formation pertinentes, ou pour co-construire des parcours individualisés avec le financeur (pôle emploi, opérateurs de compétences) en s’appuyant sur des algorithmes d’orientation.

Néanmoins, malgré ces avancées, l’adoption de l’IA en formation professionnelle reste encore inégale. D’après un baromètre récent (Printemps de la Formation 2025), 40% des responsables formation en entreprise prévoient de ne lui accorder qu’« une petite place » dans leurs dispositifs à court terme, 24% une place « moyenne », tandis que 21% n’envisagent aucune intégration pour le moment [25]. Seule une minorité pionnière mise sur une intégration forte de l’IA dans plus de 20% de leurs actions de formation [26]. Ces chiffres traduisent certes une progression par rapport à l’année précédente, mais montrent que l’IA est encore perçue par beaucoup comme un complément timide plutôt qu’un bouleversement total. Les freins ne sont pas uniquement technologiques ou budgétaires – ils sont aussi humains, éthiques et organisationnels. C’est ce que nous aborderons dans la section suivante, en examinant les défis et précautions liés à l’essor de l’IA adaptative en formation.

Enjeux, limites et précautions d’usage de l’IA adaptative

Si l’IA et l’apprentissage adaptatif offrent des perspectives enthousiasmantes, leur mise en œuvre soulève également d’importants enjeux qu’il convient d’anticiper pour en tirer le meilleur parti de façon responsable.

  1. Garantir l’éthique et l’équité : L’un des principaux risques de l’IA est la possible reproduction (voire amplification) de biais. Les algorithmes se basent sur des données qui peuvent être partielles ou biaisées, et leurs décisions peuvent alors léser certains publics. En formation, on peut craindre par exemple qu’un système adaptatif défavorise involontairement un apprenant en le dirigeant vers un parcours “de moindre ambition” du fait de résultats initiaux faibles – risquant ainsi de créer un effet d’auto-renforcement (l’apprenant progresse moins parce qu’on l’expose à un contenu trop allégé). Pour éviter cela, il est crucial de conserver un contrôle humain et de fixer des règles éthiques : par exemple, toujours offrir la possibilité à l’apprenant ou au formateur de outrepasser les recommandations de l’IA si besoin, et s’assurer que le système ne cantonne pas définitivement un individu à un niveau bas sans chance de rattrapage. L’UNESCO insiste sur le fait que l’utilisation de l’IA en éducation doit respecter les principes d’inclusion et d’équité, et ne pas creuser la fracture numérique ou éducative [27]. Cela implique notamment de veiller à la transparence des critères de personnalisation : un apprenant devrait idéalement comprendre pourquoi on lui propose tel contenu et pas un autre, afin de garder prise sur son parcours.
  2. Protection des données personnelles : Les systèmes adaptatifs manipulent nécessairement une grande quantité de données sur les apprenants (scores, temps de connexion, clics, etc.), dont certaines peuvent être sensibles. En Europe, le RGPD encadre strictement ces usages. Il faut veiller à la minimisation des données collectées et obtenir le consentement éclairé des personnes sur l’exploitation de leurs traces d’apprentissage [28, 29]. Par ailleurs, dans le secteur de la formation professionnelle, des questions se posent sur la propriété et la confidentialité des données : un salarié suivant une formation en adaptive learning sur son lieu de travail peut légitimement s’interroger sur qui voit ses résultats détaillés et comment ils pourraient être utilisés. Il est impératif d’établir des chartes de confidentialité claires : les données d’apprentissage doivent servir à la pédagogie, pas à évaluer la performance professionnelle de l’employé sans son accord. Les organismes de formation ont intérêt à être transparents sur ce qui est tracé et pourquoi. Techniquement, on doit aussi sécuriser ces données (stockage chiffré, anonymisation pour les analyses globales, etc.) pour éviter des fuites ou usages non autorisés.
  3. Acceptation par les formateurs et repositionnement du rôle humain : L’introduction de l’IA peut susciter des réticences chez les formateurs et responsables pédagogiques. Certains peuvent craindre d’être “remplacés” par la machine, ou remettre en question la fiabilité pédagogique de décisions algorithmiques. Il est donc important d’accompagner le changement par de la formation des professionnels aux outils d’IA (ce que préconise d’ailleurs l’AI Act en demandant aux fournisseurs/déployeurs de former leur personnel à la maîtrise des systèmes d’IA qu’ils utilisent [30, 31]). Plutôt que de voir l’IA comme un concurrent, il faut la présenter comme un assistant au service du formateur, qui l’affranchit de certaines tâches répétitives (correction de quiz, suivi administratif) pour lui permettre de se concentrer sur l’humain. Le jugement pédagogique et la relation empathique restent des prérogatives humaines irremplaçables. Les retours d’expérience montrent que les apprenants apprécient la personnalisation tant qu’elle ne déshumanise pas le processus : ils veulent savoir qu’un formateur reste disponible en mentor, et que l’IA ne fait qu’optimiser le parcours sous la supervision de celui-ci. En outre, les formateurs doivent être impliqués dans la conception des parcours adaptatifs – leurs expertises métier et pédagogique sont cruciales pour paramétrer correctement les algorithmes (règles d’adaptation, ressources associées, etc.). Un risque sinon est d’obtenir des recommandations inappropriées ou décorrélées des réalités du terrain.
  4. Fiabilité, explicabilité et contrôle des algorithmes : S’agissant de formations qui peuvent impacter le développement de compétences professionnelles et la carrière des individus, il est indispensable que les systèmes d’IA soient fiables et soumis à un certain audit. Le projet de règlement européen AI Act va dans ce sens en classant les IA pour l’éducation/formation comme haute risque, ce qui impliquera pour les fournisseurs de tels systèmes de garantir la qualité des données d’entraînement, la documentation technique et l’explicabilité des résultats [5, 32]. Par exemple, un organisme de formation utilisant un moteur adaptatif “boîte noire” devra pouvoir expliquer en cas de contrôle comment ce moteur décide de l’orientation des apprenants, et s’assurer qu’il n’y a pas de discrimination indirecte ou d’erreurs systématiques. Il sera probablement nécessaire à terme de certifier les algorithmes éducatifs, un peu comme on certifie aujourd’hui les procédures qualité avec Qualiopi. D’ici 2026-2027, quand ces obligations du AI Act entreront en vigueur, tout acteur déployant une IA adaptative en formation devra être en mesure de démontrer la maîtrise de son système et d’avoir mis en place une surveillance humaine adéquate (par exemple, une procédure où un formateur valide a posteriori les parcours proposés et peut les corriger) [33, 34]. Cette régulation vise précisément à éviter les dérives automatisées et à préserver le droit à l’éducation sans décisions uniquement algorithmiques.
  5. Enjeux organisationnels et économiques : Sur un plan pratique, intégrer l’IA dans les dispositifs de formation suppose un investissement initial (en outils, en formation du personnel) que tous les organismes ne peuvent se permettre immédiatement. Il y a aussi des questions de scalabilité du contenu : pour bénéficier d’un moteur adaptatif, il faut souvent avoir une base de contenus riche (banque de questions, ressources multiples) afin de laisser du choix à l’algorithme pour adapter. La conception d’un parcours adaptatif demande plus de travail initial qu’un parcours linéaire, car il faut prévoir les embranchements, les ressources de remédiation, etc. Les organismes doivent en être conscients pour allouer le temps et les compétences nécessaires en ingénierie pédagogique. Un autre enjeu est la standardisation : quand plusieurs organismes ou plusieurs outils coexistent, comment garantir l’interopérabilité des systèmes et la portabilité des données d’apprentissage adaptatives d’une plateforme à une autre ? C’est un défi technique et de gouvernance (d’où l’importance de normes ouvertes, de standards xAPI ou Learning Record Stores pour centraliser les données apprenant, etc.). Enfin, du point de vue du financement, il faudra peut-être adapter les modèles économiques : par exemple, des formations plus courtes pour certains apprenants (grâce à l’adaptive learning) pourraient remettre en question le schéma classique de facturation à l’heure-stagiaire. Peut-être verrons-nous émerger des tarifications à l’objectif atteint plutôt qu’au temps passé, ce qui serait une petite révolution dans le secteur.
  6. Limites technologiques : Malgré les progrès, l’IA n’est pas infaillible. Il existe des domaines où les outils adaptatifs actuels sont moins performants, notamment sur des compétences très comportementales, humaines (leadership, créativité…) où l’adaptation nécessite une finesse que la machine ne capte pas bien via des quiz. La plupart des systèmes adaptatifs excellent dans les savoirs formels (langues, informatique, mathématiques…) où les réponses justes/fautes sont claires. Dès qu’on touche à des apprentissages plus complexes à évaluer automatiquement (par exemple, évaluer la qualité d’une présentation orale, ou accompagner un apprenant dans la conduite d’un projet réel), l’IA montre ses limites – du moins avec les technologies actuelles. Il faut donc éviter de vouloir tout “adapter par algorithme” et garder des approches hybrides : l’IA gère l’adaptive learning sur les parties où c’est pertinent et objectivable, le formateur humain prend le relais sur ce qui requiert du jugement qualitatif. Par ailleurs, l’IA adaptative nécessite une infrastructure fiable (connexion internet, etc.) : en cas de panne du système, il faut prévoir un mode dégradé pour que la formation ne soit pas bloquée. Enfin, il ne faut pas négliger la charge cognitive : une formation trop morcelée et constamment réadaptée peut potentiellement perturber certains apprenants. Pour ceux qui préfèrent un cadre stable, l’excès d’adaptativité pourrait désorienter. D’où l’importance de recueillir aussi le ressenti des apprenants et de doser l’adaptation, par exemple en gardant des phases synchrones collectives où tout le monde se retrouve sur les mêmes activités, alternant avec des phases asynchrones personnalisées.

En résumé, la mise en œuvre de l’IA dans la personnalisation des parcours doit s’accompagner d’une réflexion éthique, réglementaire et pédagogique approfondie. Comme toute innovation, elle demande des garde-fous et une acculturation des acteurs. Les autorités françaises encouragent d’ailleurs une approche responsable : le Ministère de l’Éducation a publié un cadre d’usage de l’IA à l’École qui réaffirme des principes forts (respect des valeurs de l’école, liberté pédagogique, sobriété numérique, protection des données) et insiste sur le fait que « l’IA ne doit jamais porter atteinte à la valeur fondamentale de la relation humaine ni aux apprentissages des élèves » [35]. Transposé à la formation professionnelle, cela signifie que l’IA doit rester un outil au service d’une vision pédagogique humaniste, et non une finalité en soi ni un gadget techno-imposé.

Perspectives : l’avenir de la formation personnalisée par la technologie

L’IA et l’adaptive learning semblent appelés à occuper une place grandissante dans l’écosystème de la formation professionnelle, à mesure que les technologies mûrissent et que les mentalités évoluent. Quelles tendances et innovations peut-on entrevoir pour les années à venir dans ce domaine ?

  • Vers des parcours “hybrides intelligents” : Plutôt que d’opposer formation en présentiel et formation en ligne adaptative, on va vers des modèles hybrides où l’IA intervient même en salle. Par exemple, des applications pourraient analyser en temps réel les réponses de participants via leurs smartphones pendant un atelier présentiel et suggérer à l’animateur de moduler son cours. De même, on peut imaginer des systèmes où chaque apprenant en présentiel a une tablette qui lui pose, en parallèle de l’exposé du formateur, des questions personnalisées pour s’assurer qu’il suit bien – le formateur recevant en direct les signaux d’alerte si certains décrochent. L’adaptive learning intégré en synchrone est une piste émergente, combinant le meilleur des deux mondes : interaction humaine et support algorithmique.
  • Personnalisation au-delà du contenu : Jusqu’ici, on a parlé de personnaliser quoi apprendre et à quel rythme. Mais l’IA pourrait aider aussi à personnaliser comment évaluer, comment certifier (par exemple en adaptant les modalités d’examen aux préférences sans compromettre l’équité), voire comment accompagner post-formation. Des coachs virtuels dopés à l’IA pourraient suivre l’apprenant après la formation, lors de la mise en pratique en situation de travail, pour lui rappeler des points clés ou répondre à des questions qu’il se pose sur le terrain (learning in the flow of work). On voit poindre des assistants virtuels de type chatbot métier qui font le lien entre la formation suivie et la pratique quotidienne, personnalisant l’accompagnement continu.
  • L’essor de la réalité virtuelle adaptative : La réalité virtuelle (VR) et augmentée (AR) sont de plus en plus utilisées pour des formations immersives (par ex. simuler une situation de chantier, ou la manipulation d’une machine). Couplées à l’IA, elles pourraient devenir adaptatives elles aussi : l’IA analyse les actions de l’apprenant dans le simulateur virtuel et modifie en temps réel le scénario. Par exemple, dans une formation VR de maintenance industrielle, si l’apprenant réussit rapidement les premières étapes, l’IA complexifie la panne suivante ou ajoute un imprévu pour le challenger. À l’inverse, si des erreurs sont commises, l’IA peut déclencher l’apparition d’indices visuels ou d’un personnage virtuel mentor qui donne un conseil. Cette fusion de la VR et de l’adaptive learning offre la perspective de simulateurs intelligents capables de s’adapter au niveau de l’apprenant, comme le ferait un instructeur humain dans le monde réel.
  • Intelligence artificielle collaborativa et pair learning : Paradoxalement, personnaliser ne veut pas dire isoler chaque apprenant dans sa bulle. On explore l’idée de mettre en relation les apprenants de façon intelligente grâce à l’IA. Par exemple, un système pourrait détecter que tel apprenant A est très à l’aise sur une compétence où B bloque, et les mettre en contact pour de l’entraide peer-to-peer (mentorat entre pairs), ce qui bénéficie aux deux (B apprend avec les explications de A, et A renforce ses acquis en les enseignant). L’IA pourrait orchestrer des groupes de travail optimisés en fonction des profils et affinités d’apprentissage. Cette dimension sociale adaptative est importante pour ne pas réduire l’apprentissage à un face-à-face homme-machine : l’IA peut aussi être vecteur de co apprentissage en créant du lien pertinent entre apprenants.
  • Formation des compétences “complexes” : Un défi à venir sera d’étendre les capacités de personnalisation à des compétences plus qualitatives (soft skills, gestion, créativité). On peut s’attendre à ce que l’IA progressant en analyse sémantique et émotionnelle, elle puisse mieux évaluer des productions ouvertes (une présentation orale analysée via reconnaissance vocale et faciale pour détecter le niveau de confiance, par exemple) et fournir un feedback. Des plateformes commencent déjà à proposer des simulations d’entretien où l’IA joue le rôle d’un recruteur virtuel qui s’adapte aux réponses du candidat et évalue ses aptitudes. On peut imaginer de tels outils se démocratiser pour l’entraînement à la négociation commerciale, au management (avec des PNJ – personnages non joueurs – simulant des membres d’équipe dont l’IA adapterait les réactions aux choix de l’apprenant manager), etc. La personnalisation pourrait ainsi toucher aussi les scénarios d’apprentissage immersifs dans le domaine comportemental.
  • Cadre réglementaire et qualité : Dans les prochaines années, le cadre va se structurer. Le label Qualiopi pourrait intégrer des indicateurs liés à l’usage de l’IA (par exemple vérifier que si un organisme utilise de l’adaptive learning, il respecte bien les critères d’accessibilité, de non discrimination, etc.). On pourrait voir émerger des certifications spécifiques pour les solutions d’IA éducative. L’Union Européenne finalisera et mettra en application l’AI Act, ce qui obligera de nombreux fournisseurs à se conformer aux exigences, et peut-être limitera l’utilisation de certaines IA jugées trop risquées (déjà, la détection automatisée des émotions des apprenants en classe a été interdite par le règlement [36, 37], coupant court à certaines expérimentations invasives). Cette régulation, bien qu’imposant des contraintes, devrait renforcer la confiance des utilisateurs finaux (entreprises, formateurs, apprenants) envers ces technologies, une fois qu’elles seront labellisées conformes et éthiques.
  • Montée en compétences des professionnels : Enfin, une perspective incontournable est la nécessité de former les formateurs, concepteurs pédagogiques et chefs de projet formation à tirer parti de ces outils. De nouvelles compétences en learning design algorithmique sont à développer : savoir paramétrer un moteur adaptatif, analyser des données d’apprentissage, collaborer avec des data scientists éventuellement. On voit apparaître des formations pour les professionnels de la pédagogie autour de l’IA (par ex. des modules dédiés dans les certificats de conception de formation digitale). À terme, l’IA sera aussi un objet de formation : tout comme aujourd’hui on parle de former aux outils numériques, demain il faudra former largement les salariés à comprendre l’IA (y compris celle qui les forme !). Cela rejoint l’ambition gouvernementale de “massifier la formation continue aux outils d’IA” [38] exprimée dans le plan national sur l’IA. Les organismes de formation auront un rôle clé pour monter en compétence la population sur ces sujets, y compris via l’adaptive learning lui-même (on peut imaginer des cours d’IA… personnalisés par de l’IA pour s’adapter au niveau du public). La boucle sera bouclée.

Conclusion

L’intelligence artificielle et l’adaptive learning apportent une réponse innovante à un défi ancien de la formation : comment personnaliser l’accompagnement de chaque apprenant tout en formant à grande échelle. En exploitant la puissance des algorithmes et l’analyse fine des données, ces technologies permettent désormais d’ajuster en temps réel les parcours d’apprentissage, offrant à chacun une expérience sur mesure. Les bénéfices constatés – qu’il s’agisse de l’engagement accru, de la meilleure rétention des savoirs ou de l’optimisation du temps de formation – sont prometteurs et viennent conforter l’idée qu’une formation plus centrée sur l’individu est synonyme d’efficacité renforcée [2, 8].

Pour les organismes de formation et les entreprises, l’IA ouvre ainsi des perspectives de montée en qualité de leurs dispositifs : en améliorant les résultats des apprenants, elle renforce ipso facto la valeur ajoutée et l’attractivité de leurs offres. Elle permet également d’imaginer de nouvelles stratégies pédagogiques, plus flexibles, modulaires et centrées compétences, répondant aux besoins de développement des compétences tout au long de la vie. Dans un contexte où l’adaptation aux évolutions (technologiques, réglementaires, métiers) est constante, pouvoir compter sur des systèmes d’apprentissage réactifs et intelligents est un atout majeur.

Cependant, cette révolution est à manier avec précaution et discernement. L’IA n’est pas une baguette magique qui remplacerait le pédagogue – elle en devient un outil supplémentaire, puissant mais perfectible, dont il faut comprendre les rouages et les limites. Une implémentation réussie de l’adaptive learning implique de respecter des principes éthiques (équité, transparence, respect de la vie privée) et de s’inscrire dans un cadre réglementaire en cours de structuration (RGPD, AI Act) qui vise justement à sécuriser ces usages [5, 35]. Elle suppose aussi un investissement humain : former les formateurs à collaborer avec l’IA, rassurer les apprenants sur le sens de cette personnalisation et maintenir coûte que coûte la place de l’humain dans le dispositif. L’IA doit demeurer au service d’une intention pédagogique et d’une stratégie de formation définies par des experts humains, et non l’inverse.

En France, la dynamique est enclenchée. Des organismes intègrent déjà ces solutions, avec plus ou moins d’ampleur, tandis que les pouvoirs publics encouragent l’innovation pédagogique via le numérique. On peut s’attendre à ce que l’évolution du cadre de qualité (par ex. Qualiopi) vienne encourager implicitement ces pratiques en valorisant l’adaptation aux besoins individuels. De plus, la concurrence incitera sans doute les acteurs à innover pour se démarquer : demain, proposer un parcours intelligent adaptatif pourrait devenir un standard attendu par les clients (entreprises ou apprenants individuels), au même titre qu’aujourd’hui proposer du e-learning est presque un prérequis de base.

En conclusion, l’IA et l’adaptive learning transforment la personnalisation des parcours en la rendant opérationnelle et efficace à grande échelle. Cette transformation est porteuse d’améliorations substantielles des pratiques de formation – à condition d’être mise en œuvre de façon éclairée. Les années à venir verront sans doute une intégration de plus en plus naturelle de ces outils, dans une logique de “blended learning augmenté”, où la technologie s’efface derrière l’objectif fondamental : permettre à chaque apprenant de développer ses compétences de la manière la plus personnalisée, engageante et réussie possible. La formation professionnelle, forte de ces avancées, pourra mieux relever les défis de l’adaptation rapide des compétences et de la formation tout au long de la vie, tout en maintenant l’humain et la pédagogie au centre de son action.

Bibliographie

  • UNESCO (2023). Artificial intelligence in education. Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. [En ligne]. Disponible sur le site de l’UNESCO : unesco.org (consulté le 12/10/2025) [10].
  • UNESCO-UNEVOC (2024). Définition de “Adaptive learning”. TVETipedia Glossary – Bridging Innovation and Learning in TVET (UNESCO Centre International pour l’enseignement et la formation techniques). [En ligne]. Disponible : unevoc.unesco.org (consulté le 12/10/2025) [39].
  • Bloom, B.S. (1984). The 2 Sigma Problem: The Search for Methods of Group Instruction as Effective as One-to-One Tutoring. Educational Researcher, 13(6), 4–16. doi:10.3102/0013189X013006004. (Résultats marquants cités par Wikipedia : l’élève moyen tutoré surpasse 98% des élèves en classe traditionnelle) [7].
  • Centre Inffo / Eric Delon (2025). L’IA dans la formation professionnelle, opportunité ou révolution ? Le Quotidien de la formation, 26 mai 2025. (Données de l’étude Unow – Printemps de la Formation 2025 sur l’intégration de l’IA en entreprise : 40% “petite place”, 24% “place moyenne”, 21% “aucune place”) [25].
  • Devlin Peck (2025). eLearning Statistics and Facts: The Ultimate List in 2025. Devlinpeck.com (blog spécialiste e-learning). [En ligne]. (Statistiques sur la rétention : e-learning 25–60% vs présentiel 8–10% ; gain de temps IBM) [8, 9].
  • Hernandez, J. (2022). Adaptive Learning & AI: The Next Generation of Nuclear Training. Blog Accelerant (secteur nucléaire), 16 nov. 2022. (Synthèse d’une revue de littérature 2020 : 86% des 37 études recensées trouvent des effets positifs de l’adaptive learning sur la performance) [2].
  • Fraulini, N.W. et al. (2025). “Adaptive training instructional interventions: A meta-analysis.” Military Psychology, 37(5), 479–493. (Meta-analyse de 30 études montrant une efficacité variable selon les techniques adaptatives, avec impact fort des ajustements de difficulté) [19].
  • Edko (2025). AI Act : quels impacts pour l’éducation & la formation professionnelle ? Article du blog Edko.io, fév. 2025. (Décryptage du règlement européen IA : classification « haut risque » des IA éducatives, obligations de formation du personnel, critères d’exemption) [5, 6].
  • Ministère de l’Education nationale (2024). L’IA en éducation – Cadre d’usage (version janvier 2024). [PDF]. (Principes éthiques et juridiques pour l’usage de l’IA : primauté de l’humain, inclusion, sobriété, respect RGPD) [35, 40].
  • Travail-emploi.gouv.fr (2023). Référentiel national Qualité (Qualiopi) – Guide de lecture. Ministère du Travail, version V8 du 23/11/2023. (Exigence d’« adaptation aux publics bénéficiaires » et de personnalisation des parcours dans les critères 1 et 2 du référentiel) [4].

FAQ (Foire aux questions)

L’IA va-t-elle remplacer les formateurs dans la formation professionnelle ?

Non, l’IA ne remplace pas le formateur – elle l’assiste. Dans un dispositif d’adaptive learning, l’IA automatise certaines tâches (évaluation, feedback basique, suivi de progression) pour permettre au formateur de se concentrer sur l’accompagnement humain, le coaching personnalisé et l’ingénierie pédagogique. Le rôle du formateur reste central pour animer, apporter l’expertise terrain et l’interaction sociale, que la technologie ne peut remplacer [35]. L’IA est un outil au service du formateur, pas un professeur robot autonome.

Quelles sont les preuves que l’adaptive learning améliore réellement l’efficacité des formations ?

De nombreuses études et méta-analyses montrent des effets positifs. Par exemple, une revue de 37 études a trouvé que 86% d’entre elles concluent à une amélioration des résultats d’apprentissage grâce à l’adaptive learning [2]. On constate de meilleurs scores aux évaluations, plus d’engagement et un taux de rétention des connaissances accru (25–60% en e-learning personnalisé contre ~10% en présentiel classique) [8]. Les bénéfices exacts dépendent de la qualité du design adaptatif, mais le consensus scientifique va vers une efficacité supérieure, en particulier lorsqu’on adapte la difficulté et qu’on fournit un feedback immédiat [19].

Comment l’IA personnalise-t-elle concrètement un parcours de formation professionnelle ?

Concrètement, l’IA analyse les données de l’apprenant (ses réponses aux quiz, son rythme, ses erreurs) et déclenche des ajustements : elle peut sauter les modules déjà maîtrisés pour ne pas faire perdre de temps, ou au contraire ajouter des exercices de remédiation si des lacunes sont détectées [11]. Elle adapte aussi la difficulté des questions (plus faciles ou plus difficiles selon le niveau en temps réel) et peut recommander du contenu supplémentaire (ex. une vidéo d’approfondissement si l’apprenant est très intéressé par un sujet). Par exemple, dans une formation, deux apprenants peuvent suivre des chemins différents : l’un verra plus de cas pratiques avancés pendant qu’un autre reverra les bases via des fiches mémo – le tout décidé automatiquement par l’algorithme d’apprentissage adaptatif en fonction de leurs profils.

L’adaptive learning est-il compatible avec la certification Qualiopi et les obligations qualité en France ?

Oui, non seulement compatible, mais il peut aider à satisfaire aux exigences Qualiopi. Le référentiel Qualiopi insiste sur la personnalisation des parcours et l’adaptation aux besoins des apprenants [4] (critères 1 et 2). Un dispositif d’adaptive learning bien conçu va précisément dans ce sens, en individualisant le contenu, le suivi et l’évaluation. Il faut simplement s’assurer que l’utilisation de l’IA respecte aussi les autres critères (accès à l’information, accompagnement humain, recueil des feedbacks des apprenants, etc.). De plus, il convient de documenter comment la personnalisation est mise en œuvre pour en apporter la preuve lors de l’audit Qualiopi. Mais en résumé, l’adaptive learning facilite l’atteinte d’une haute qualité pédagogique, ce qui est l’esprit de Qualiopi.

Quelles compétences les formateurs doivent-ils acquérir pour utiliser l’IA en formation ?

Les formateurs devront développer de nouvelles compétences, par exemple : savoir interpréter les tableaux de bord de données fournis par l’IA (learning analytics), comprendre les logiques d’adaptation algorithmique pour co-concevoir des parcours (ex : définir des règles de branchement pédagogique), et maîtriser les outils concrets (LMS adaptatif, chatbot, etc.). Des compétences de base en data et en pilotage de projet numérique seront un plus. Il s’agit aussi d’adopter une posture de “e formateur” capable de collaborer avec la machine : être proactif dans l’analyse des retours automatisés, ajuster éventuellement le parcours si l’IA donne des recommandations inappropriées, etc. Ces compétences peuvent s’acquérir via des formations spécifiques (certaines offres incluent déjà des modules sur l’IA pour les formateurs) et surtout par la pratique accompagnée. L’essentiel est de démystifier l’IA : les formateurs n’ont pas besoin d’être programmeurs, mais de comprendre les grands principes pour garder la main sur la pédagogie.

L’adaptive learning convient-il à tous les types de formation professionnelle (technique, soft skills, réglementaire…) ?

Les solutions d’adaptive learning sont particulièrement efficaces dans les domaines où les acquis peuvent être évalués objectivement à chaque étape (compétences techniques, savoirs théoriques, procédures réglementaires, langues, informatique…). Par exemple, en formation logicielle ou en compliance, un quiz adaptatif marche très bien pour personnaliser le parcours. Pour les soft skills (leadership, communication…), c’est plus délicat car l’évaluation automatisée est complexe – l’IA y est encore émergente. Cependant, on voit apparaître des simulateurs adaptatifs même pour ces compétences (jeu de rôle virtuel avec IA). En pratique, presque tous les sujets peuvent tirer parti d’un peu d’adaptativité, ne serait-ce qu’en ajustant le rythme ou en proposant des ressources additionnelles aux apprenants selon leurs besoins. Mais plus le sujet demande une évaluation qualitative (exemple : créativité), plus le rôle du formateur humain restera prépondérant. L’adaptive learning n’est donc pas universellement magique, mais avec une bonne ingénierie, il s’applique à une grande variété de formations pro, et va s’étendre à mesure que la technologie progresse.

Quel est le cadre juridique européen (AI Act) pour l’usage de l’IA dans les formations ?

Le futur AI Act de l’Union Européenne (réglementation sur l’intelligence artificielle, en phase finale d’adoption) va classer les systèmes d’IA destinés à l’éducation et à la formation professionnelle parmi les systèmes à “haut risque” [5, 41]. Cela signifie que leur déploiement sera soumis à des obligations strictes : évaluation de conformité avant mise sur le marché, nécessité de prouver la qualité et l’absence de biais, documentation technique, information des utilisateurs, supervision humaine obligatoire, etc. Par exemple, une plateforme adaptative devra permettre une intervention humaine si l’apprenant conteste une décision automatisée le concernant (orientation, évaluation…). Certaines pratiques seront interdites ou déjà interdites par d’autres textes, comme la surveillance biométrique des émotions en classe [36]. En résumé, l’AI Act n’empêchera pas d’utiliser l’IA en formation, mais imposera un cadre pour sécuriser son utilisation : transparence, fiabilité, respect des droits des apprenants. Les fournisseurs et organismes devront s’y conformer d’ici 2026-2027, sous peine de sanctions. Cela va probablement professionnaliser davantage l’écosystème des EdTech IA, pour le bénéfice à terme des utilisateurs.

Comment convaincre mon organisme de formation ou mon entreprise d’investir dans l’adaptive learning ?

Pour convaincre, il faut mettre en avant le retour sur investissement et les bénéfices concrets : amélioration des résultats et des compétences réellement acquises (gage de qualité), optimisation du temps de formation (on peut former aussi bien ou mieux en moins de temps, donc gain de productivité), personnalisation appréciée des apprenants (meilleure satisfaction, atout commercial pour un organisme de formation), et alignement avec les exigences qualité (Qualiopi, etc.). On peut s’appuyer sur des exemples réussis ou pilotes internes montrant, par exemple, une baisse du taux d’échec à une certification après introduction d’un module adaptatif, ou un gain de temps de 30% sur la durée moyenne d’un parcours sans perte de compétence. Il est aussi utile de souligner que l’adaptive learning aide à individualiser à grande échelle, ce qui est indispensable face à l’hétérogénéité des apprenants (on parle de plus en plus de “mass personalization” en formation). Enfin, on peut rassurer sur le fait que les technologies sont matures et de plus en plus accessibles. De nombreux outils existent, l’investissement peut être graduel (on peut commencer sur un module spécifique, ou utiliser un outil SaaS sans développer de solution maison). En montrant que la concurrence évolue et que c’est une tendance de fond dans la formation (souvent comparée à l’arrivée du e-learning dans les années 2000), on incite l’organisme à ne pas prendre de retard. En somme : mieux apprendre, plus vite et de manière prouvée, dans le respect de la qualité – voilà de quoi bâtir un argumentaire solide pour adopter l’IA adaptative.

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