1. L'attention : un capital limité à capter et à entretenir
Avant de pouvoir apprendre ou mémoriser quoi que ce soit, encore faut-il être attentif. L’attention est souvent décrite comme la porte d’entrée des apprentissages, ou comme un filtre : elle sélectionne parmi le flux d’informations celles sur lesquelles l’esprit va se focaliser [14]. En situation de formation, cela signifie que si l’on n’a pas su capter (et garder) l’attention des apprenants, toute transmission de contenu risque de rester lettre morte. Sans attention, pas d’apprentissage – notre cerveau n’enregistrera pas efficacement les données présentées. D’où l’importance cruciale, pour un formateur, de comprendre le fonctionnement de l’attention humaine.
1.1 Les limites de l’attention soutenue
Les neurosciences confirment que l’attention est une ressource limitée, tant en termes de durée que d’intensité. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, il n’est pas possible de rester concentré de façon optimale pendant des heures d’affilée. En réalité, des études ont mesuré que le cerveau maintient son attention maximale pendant 12 à 15 minutes environ seulement [1]. Au-delà, le niveau de concentration tend à diminuer, du moins si l’on sollicite la même activité mentale. Ainsi, lors d’un exposé magistral ou d’une présentation PowerPoint continue, on observe souvent une baisse d’attention notable après le premier quart d’heure. Certaines données vont même plus loin : plusieurs recherches montrent qu’après 15 minutes, le taux d’assimilation des informations chute de plus de 50 % si aucune stratégie de relance n’est mise en place [15]. Autrement dit, une grande partie du message risque de “glisser” hors de l’esprit des participants passés ce laps de temps.
De plus, l’attention est facilement distractible. C’est un mécanisme adaptatif : notre cerveau, en veille permanente, peut être détourné par tout stimulus extérieur (un bruit, un mouvement) ou intérieur (une pensée parasite). Dans un environnement de formation, les sources de distraction sont nombreuses : smartphone qui vibre, notifications, bavardages, inconfort physique, etc. Même une surcharge d’information ou un contenu trop monotone peuvent saturer ou détourner l’attention. Comme l’explique la neuroscientifique Marie Lacroix, une tâche monotone demandant de l’attention ne pourra guère être soutenue au-delà de 30 minutes sans pause : la fatigue mentale s’installe insidieusement, réduisant la performance cognitive bien avant les signes de somnolence [16, 17]. Par ailleurs, notre niveau d’attention fluctue au fil de la journée selon le rythme circadien : un pic de vigilance survient en général en fin de matinée, suivi d’un creux post-prandial (après le déjeuner) et d’un regain en fin d’après-midi [18]. Ces variations biologiques expliquent que l’attention n’est pas une constante et qu’il faille en tenir compte dans la planification des sessions.
1.2 Stratégies pour optimiser l’attention en formation
Concrètement, comment les formateurs peuvent-ils gérer ce capital attentionnel volatil ? Les recherches suggèrent plusieurs bonnes pratiques immédiatement applicables :
- Rythmer l’apprentissage par cycles courts : Évitez les séquences monologues trop longues. Organisez votre formation en modules de 10 à 20 minutes maximum sur un même format, entrecoupés de variations (changement d’activité, d’intervenant, de support…). Par exemple, après 15 minutes d’explications théoriques, enchaînez avec une vidéo illustrative, un quiz interactif ou une discussion. Ce changement stimule à nouveau l’attention des apprenants qui tendait à décliner [15]. Des techniques issues de la gestion du temps, comme la méthode Pomodoro (alternance de 15-20 minutes de travail concentré puis courte pause), peuvent être transposées en formation pour maintenir tout le monde alerte [19].
- Éliminer ou réduire les distractions : Créez un environnement propice à la concentration. En présentiel, cela peut impliquer de demander aux participants de mettre leur téléphone en mode silencieux voire hors de vue durant les activités clés. Veillez également au confort de la salle (température, bruit). En classe virtuelle ou e-learning, incitez les apprenants à fermer les autres applications et à se ménager un temps au calme. L’idée est de minimiser la charge cognitive externe inutile. Chaque notification ou digression coûte du temps pour se reconcentrer [20, 21] (plusieurs minutes pour retrouver le fil), il faut donc sensibiliser aux effets délétères du multitasking et instaurer des règles favorables à l’attention.
- Captiver dès le départ : Les premières minutes sont décisives pour “embarquer” l’auditoire. Le cerveau opère un tri rapide pour décider si une information vaut qu’on s’y attarde [14]. Il est donc judicieux de débuter une formation par un élément accrocheur : une question intrigante, une anecdote marquante, une statistique surprenante, etc. Susciter la curiosité ou signaler l’utilité concrète du contenu permet d’activer les circuits de la motivation intrinsèque (anticipation de récompense) et donc l’attention. Par exemple, annoncer d’emblée les objectifs sous forme de problèmes à résoudre ou de bénéfices à tirer va donner une raison aux apprenants de rester concentrés.
- Varier les stimuli et impliquer activement : Nous y reviendrons en détail (voir section 3), mais retenons ici qu’un apprenant passif a vite fait de décrocher. Solliciter la participation (questions, interactions, manipulations) aide à lutter contre la baisse d’attention en créant une attente et du dynamisme. De même, varier les canaux (visuel, auditif, kinesthésique) et adopter un style vivant (ton de voix modulé, gestes, supports visuels percutants) contribue à réengager l’attention régulièrement. L’ennui est l’ennemi de l’attention : surprenez et stimulez vos apprenants pour éviter la monotonie.
En somme, gérer l’attention en formation requiert une ingénierie pédagogique adaptée aux capacités cérébrales. Cela implique d’être conscient de la fenêtre de vigilance limitée de l’être humain pour concevoir des séquences courtes et dynamiques, mais aussi d’instaurer un cadre limitant les distractions. L’attention étant indispensable pour bien mémoriser [14], tous ces efforts en valent la peine : une formation qui maintient ses apprenants attentifs se donne les moyens d’être vraiment efficace sur le plan des apprentissages.
2. La répétition espacée : graver les connaissances dans la mémoire long terme
Malgré tous nos efforts pour capter l’attention, un apprentissage n’aura d’impact que s’il est retenu au delà du moment présent. Or, notre cerveau est biologiquement programmé pour oublier une grande partie des informations qu’il traite – c’est même un mécanisme sain, évitant de le surcharger de détails insignifiants [22, 23]. La différence entre ce qui est oublié et ce qui est conservé réside en partie dans le processus de mémorisation, c’est-à-dire la consolidation des traces dans notre cerveau. Sur ce point, les neurosciences ont mis en évidence le rôle central de la répétition dans l’ancrage des souvenirs.
2.1 Mémorisation et plasticité : pourquoi répéter est essentiel
Apprendre quelque chose de nouveau modifie physiquement le cerveau : cela crée de nouvelles connexions synaptiques entre neurones, ou renforce des connexions existantes, au sein des réseaux neuronaux liés à l’information apprise. C’est ce qu’on appelle la plasticité synaptique, base biologique de la mémoire [2]. Toutefois, une seule exposition à une information ne suffit souvent pas à stabiliser ces connexions. Sans re-stimulation, la trace synaptique risque de s’affaiblir et disparaître progressivement – d’où l’oubli. Des mesures en laboratoire montrent que sans répétition, nous ne retenons qu’environ 7 éléments (le fameux “nombre magique” de la mémoire de travail) pendant une trentaine de secondes seulement [24]. Passé ce délai, l’information s’évapore de la mémoire à court terme. Pour passer en mémoire à long terme (où les souvenirs peuvent durer des mois, des années, voire toute la vie), il faut un effort d’encodage supplémentaire [25].
Cet effort d’encodage, c’est précisément la répétition qui le fournit. En répétant mentalement une information (ou en la revoyant de manière variée), on réactive les réseaux de neurones correspondants, ce qui consolide leurs connexions. Plus une information est répétée régulièrement, plus les connexions neuronales créées en réponse sont renforcées et conduisent à une mémorisation durable [2]. On peut imager cela par un sentier forestier : au premier passage, un léger tracé apparaît dans la végétation, mais il risque de s’effacer. Si le passage est fréquent et répété, le sentier devient bien marqué, stable et facilement identifiable. De même, chaque rappel d’un souvenir réactive son circuit neuronal, l’inscrivant un peu plus profondément dans le cortex. Les neuroscientifiques comparent souvent ce processus à une potentiation à long terme : les synapses renforcées transmettent plus efficacement le signal, rendant le rappel ultérieur plus facile.
À l’inverse, sans répétition, le cerveau considère que l’information n’est “pas importante” et l’élimine au profit d’autres. La courbe de l’oubli, étudiée dès la fin du XIXᵉ siècle par Hermann Ebbinghaus, montre une chute exponentielle du rappel dans les heures et jours qui suivent un apprentissage initial. Une grande partie de l’oubli survient très vite après l’acquisition, puis la courbe se stabilise sur un faible pourcentage de rétention si aucune consolidation n’est effectuée [9]. Par exemple, on a pu estimer que sans révision, un apprenant peut perdre plus de 50 % du contenu appris en une journée, et jusqu’à 80 % après 24 heures pour certains types de données complexes [15]. Ces chiffres varient selon les individus et la nature de la tâche, mais ils soulignent l’enjeu : ce n’est qu’en intervenant activement après la formation qu’on peut combattre l’oubli naturel.
Enfin, les sciences cognitives insistent aussi sur l’importance de faire des liens entre les nouvelles connaissances et celles déjà acquises. Notre mémoire fonctionne de manière associative : on retient bien mieux une information quand on peut la relier à un schéma existant dans le cerveau [26, 27]. Chaque fois qu’on réactive un souvenir, on a l’opportunité de l’enrichir, de le connecter à d’autres notions, ce qui le rend plus accessible et solide. Ainsi, répéter ne signifie pas apprendre par cœur mécaniquement : c’est aussi revoir sous différents angles, contextualiser, appliquer, de sorte à multiplier les associations dans le cerveau de l’apprenant. Plus un savoir est connecté à d’autres savoirs préalablement ancrés, plus il aura de chances de perdurer [28].
2.2 Mettre en place la répétition espacée en pratique
La clé d’une bonne consolidation, c’est la répétition au bon moment. Il ne s’agit pas de répéter sans stratégie, mais d’adopter la répétition espacée (spaced repetition), une technique largement validée par la recherche en psychologie de la mémoire. Le principe : planifier des révisions ou rappels à des intervalles progressifs optimaux, ni trop rapprochés (sinon l’effet sature), ni trop espacés (sinon l’oubli a déjà fait trop de dégâts). Un consensus courant recommande, après l’apprentissage initial d’un contenu, de le réactiver très rapidement (idéalement le jour même ou le lendemain), puis à nouveau quelques jours plus tard, puis quelques semaines plus tard, et ainsi de suite. À chaque nouvelle itération espacée, l’oubli est “contré” et le souvenir renforcé pour un intervalle de temps de plus en plus long. En répétant sur une longue période avec espacement croissant, on obtient in fine une mémoire quasi permanente du contenu.
Concrètement, un formateur peut mettre en œuvre cela de plusieurs façons :
- Prévoir des révisions post-formation : Plutôt que de considérer la formation comme un moment isolé, il est bénéfique de l’inscrire dans un processus. Par exemple, le lendemain de la session principale, envoyez aux participants un résumé des points clés ou un quiz rapide sur les notions vues. Ensuite, renvoyez un rappel environ 3 jours après, puis une semaine après, puis un mois après, par exemple sous forme d’une question, d’un exercice d’application ou d’une ressource à lire [29]. Ces intervalles (1 jour, 3 jours, 7 jours, etc.) peuvent varier, l’important est de revenir plusieurs fois sur les apprentissages. Chaque retour permettra aux apprenants de mesurer ce qu’ils ont retenu ou non, et de consolider leur mémoire à long terme. Avec les outils numériques actuels (emails automatisés, plateformes LMS, applications de micro-learning), cette mise en œuvre de la répétition espacée est relativement aisée et peu coûteuse. En présentiel, on peut également débuter chaque nouvelle séance d’un cycle de formation par une réactivation rapide de la précédente (sous forme de questions flash ou d’un brain-storming).
- Diversifier les modes de réactivation : Répéter n’implique pas de rabâcher à l’identique. Au contraire, il est recommandé de changer la manière dont l’information est représentée ou utilisée, de façon à enrichir l’encodage. Par exemple, après un cours théorique (texte/diaporama), la première révision peut prendre la forme d’une carte mentale à compléter, la suivante d’un cas pratique à résoudre, plus tard un jeu-questionnaire en ligne, etc. Cette approche de répétition “différenciée” permet de consolider le souvenir sous plusieurs aspects (verbal, visuel, applicatif), renforçant d’autant plus les chemins d’accès mnémoniques. De plus, elle évite la lassitude chez l’apprenant, qui perçoit chaque rappel comme un défi ou un format nouveau. L’article Aurélie Van Dijk (2024) évoque ainsi que “répéter de façon rapprochée dès le début permet aux informations encore fragiles d’être mémorisées sur le long terme” et recommande ensuite d’espacer progressivement les révisions [29].
- Utiliser le feedback et l’auto-évaluation : Une technique puissante de consolidation est le recall actif (ou retrieval practice) – le fait de chercher à se souvenir par soi-même. Plutôt que de simplement relire son cours (activité passive), il est plus efficace de tenter de restituer ce qu’on a appris de mémoire, puis de vérifier avec la source. En formation, on peut encourager cela via des quiz réguliers, des sessions de QCM en ligne, des flashcards, etc. L’apprenant engage un effort cognitif pour retrouver l’information, ce qui renforce énormément la mémoire (phénomène du testing effect démontré en psychologie expérimentale). Par exemple, après une journée de formation, proposer un petit quiz en ligne que chacun fait en autonomie le soir même mobilisera la mémoire de rappel. Les neurosciences expliquent que cet effort supplémentaire consolide la trace neuronale bien plus qu’une relecture passive [24, 25]. De plus, l’apprenant obtient un feedback immédiat sur ses oublis et peut y remédier. Ainsi, intégrer des évaluations formatives répétées tout au long du parcours est doublement bénéfique : pour l’ancrage des connaissances, et pour garder l’apprenant acteur de sa progression.
- Tirer parti du sommeil : Enfin, il ne faut pas oublier l’importance du sommeil dans la consolidation mémoire. “Bien dormir pour bien apprendre” n’est pas qu’un adage : durant le sommeil (notamment certaines phases comme le sommeil paradoxal), le cerveau rejoue activement les schémas neuronaux récemment sollicités, ce qui stabilise les apprentissages [30, 31]. Des expériences ont montré que dormir après l’apprentissage améliore la mémorisation, et ce d’autant plus que la durée du sommeil est longue [32]. À l’inverse, des nuits très courtes (moins de 4-5 heures) perturbent la mémoire et la capacité d’apprentissage le lendemain [32]. Un formateur n’a évidemment pas la main sur le sommeil de ses apprenants, mais il peut les inciter à respecter ce facteur. Par exemple, éviter de surcharger de contenu tard le soir et suggérer de revoir calmement les points clés puis de laisser reposer. On peut aussi étaler une formation sur plusieurs jours plutôt que tout sur une seule longue journée, afin de profiter de la consolidation nocturne entre les sessions [33]. En formation présentielle, expliquer brièvement ces mécanismes aux stagiaires peut les convaincre de l’importance des pauses et du repos dans leur apprentissage (et ainsi améliorer leur hygiène de vie cognitive).
En somme, la répétition espacée est un levier puissant pour passer d’une connaissance fugace à une compétence ancrée. En formation professionnelle, son application pratique se traduit par une approche “blended” ou multimodale dans le temps : combiner la séance en salle (synchrone) avec des rappels ultérieurs à distance, utiliser la plateforme e-learning pour maintenir le lien après la formation, etc. [34]. Les organismes de formation qui adoptent ces pratiques voient souvent une amélioration notable de la rétention des acquis chez leurs apprenants. Et un savoir-faire réellement retenu est un savoir-faire mobilisable en situation de travail, gage du succès de la formation.
3. L’engagement actif : apprendre en faisant pour renforcer les connexions neuronales
Un adage bien connu des formateurs dit : “Tell me and I forget, teach me and I may remember, involve me and I learn” (Dites-le moi et j’oublie, enseignez-moi et je me souviendrai peut-être, impliquez-moi et j’apprends). Les neurosciences apportent un éclairage scientifique à cette intuition pédagogique : l’apprentissage actif – où l’apprenant est cognitivement et souvent physiquement engagé dans la tâche – entraîne un encodage cérébral bien plus profond que l’apprentissage passif.
3.1 Le cerveau apprenant : de spectateur à acteur
Lorsque nous sommes passifs, par exemple assis à écouter un exposé sans interaction, notre cerveau traite l’information de manière relativement superficielle. Certes, nous mobilisons l’attention (si tout va bien) et des capacités d’écoute et de compréhension, mais nous restons dans le registre de la mémoire de travail immédiate. En revanche, dès que nous faisons quelque chose de cette information – la manipuler, l’appliquer, la reformuler – nous activons des zones supplémentaires du cerveau et créons davantage de liens synaptiques. En neuroimagerie, on observe que l’apprentissage actif engage des réseaux plus étendus, notamment liés à la prise de décision, à la motricité, à la mémoire associative, etc., par opposition à l’apprentissage passif qui peut rester cantonné aux aires sensorielles (audition, vision) et au stockage à court terme.
Une des découvertes fascinantes est celle des neurones miroirs, identifiés dans les années 1990. Ces neurones particuliers s’activent dans notre cerveau à la fois lorsque nous exécutons une action et lorsque nous observons quelqu’un d’autre exécuter cette action. Autrement dit, voir une action stimule en partie le même circuit neuronal que la faire soi-même. Par exemple, un musicien débutant qui regarde attentivement son professeur de violon jouer un passage active chez lui, en miroir, des zones motrices comme s’il était en train de le jouer [35]. S’il anticipe qu’il devra ensuite imiter le geste, son cerveau prépare déjà les commandes motrices. Cette propriété a une conséquence pratique : on peut apprendre en observant (ce qu’on appelle apprentissage vicariant), du moins si l’observation est active et intentionnelle. D’après les neurosciences, “que vous soyez immobile en visualisant mentalement une action, ou bien en train de réaliser cette action, ce sont les mêmes régions cérébrales qui s’activent” [3]. Bien sûr, l’activation est plus complète quand on passe à l’exécution réelle, mais l’observation et la visualisation mentale sont déjà une forme d’entraînement pour le cerveau.
Cette découverte conforte l’idée qu’il faut impliquer les apprenants au-delà de la simple écoute. Apprendre en faisant (“learning by doing”) provoque des changements cérébraux plus durables. Quand nous agissons, nous faisons des erreurs, nous recevons un feedback, nous ajustons nos actions – tout ce cycle stimule la plasticité neuronale en renforçant les circuits corrects et en corrigeant les connexions inadéquates. De plus, l’engagement actif sollicite souvent la mémoire procédurale en plus de la mémoire déclarative : on ancre des gestes, des procédures, pas seulement des connaissances verbales. Par exemple, pour un formateur en entreprise qui enseigne une nouvelle méthode logicielle, faire manipuler le logiciel directement aux apprenants ancre les étapes motrices et visuelles de la tâche, créant une mémoire procédurale (savoir-faire pratique) bien plus solide qu’une explication orale ne le ferait. Le cerveau automatise progressivement les séquences d’actions grâce à la répétition active, phénomène qu’on observe aussi chez le sportif qui entraîne un geste technique : des connexions spécifiques se myélinisent (s’isolent) pour une exécution de plus en plus fluide.
3.2 Techniques pour stimuler l’engagement actif des apprenants
Mettre l’apprenant au cœur de l’action nécessite de repenser la posture du formateur non plus comme un disséminateur de savoir unique, mais comme un facilitateur qui orchestre des activités. Voici quelques approches pédagogiques soutenues par les découvertes neuroscientifiques :
- La pédagogie par l’expérience : Il s’agit de maximiser les opportunités pour les apprenants de faire eux-mêmes. Plutôt qu’une longue démonstration, prévoyez des ateliers pratiques, des exercices d’application, des simulations. Par exemple, dans une formation en présentiel sur la prise de parole en public, ne passez pas tout le temps sur la théorie : invitez chaque participant à venir présenter quelque chose devant le groupe (même 2 minutes) pour mettre en pratique les techniques vues. Cette mise en situation concrète crée des émotions, mobilise la mémoire motrice (gestuelle, posture) et fait travailler la mémoire épisodique (l’apprenant se souviendra qu’il l’a fait) en plus de la mémoire sémantique. De même en digital learning, intégrez des exercices interactifs où l’apprenant doit cliquer, résoudre, explorer un cas. Manipuler un concept aide à l’encoder : un cours de finance pourra proposer un mini-jeu où l’on gère un budget virtuel, un module de langues inclura des phrases à reconstituer, etc. Ces approches rendent l’apprenant acteur, et non simple récepteur.
- La méthode des cas et problèmes : Proposer un problème à résoudre ou un cas pratique engage fortement le cerveau car il doit activer des connaissances, les tester, en acquérir de nouvelles pour trouver la solution. C’est toute l’idée de l’apprentissage par problème (Problem Based Learning) ou des études de cas : confronté à une situation, l’apprenant va chercher les informations manquantes, essayer des stratégies, en discuter en groupe éventuellement. Ce processus mobilise des fonctions exécutives (planification, analyse) et ancre bien plus profondément les notions que si on les avait simplement exposées de manière abstraite. Les neurosciences confirment que l’effort mental fourni pour résoudre un problème renforce la mémorisation : on parle de “désirables difficultés” (des difficultés bénéfiques) qui obligent le cerveau à créer du sens et des liens, donc à mieux retenir. Par exemple, au lieu de “donner” immédiatement une règle de management, on peut présenter un scénario d’équipe dysfonctionnelle et demander aux apprenants de diagnostiquer et proposer des actions ; la règle formalisée ensuite leur paraîtra évidente et restera en mémoire car ils l’auront en quelque sorte découverte par eux-mêmes.
- L’apprentissage collaboratif et par l’enseignement : Participer activement peut aussi consister à expliquer à autrui ou à coopérer. Quand un apprenant reformule avec ses mots un concept à un pair, ou enseigne un point du cours (par exemple via une restitution de groupe), il s’engage dans un traitement en profondeur. Le fait de verbaliser active son langage, sa logique, sa créativité, et lui fait souvent prendre conscience de ce qu’il a vraiment compris ou non – c’est le principe du learning by teaching. De plus, en situation collaborative, le cerveau bénéficie de la stimulation sociale (légère pression positive qui maintient l’attention, échange d’idées qui crée de nouvelles associations). Des techniques comme le débat, le jeu de rôle à plusieurs, ou le co développement (réflexion collective sur un cas réel apporté par un participant) sont d’excellents moyens d’impliquer activement tout le groupe. Non seulement chacun mémorise mieux en ayant contribué, mais l’expérience collective génère en outre plus d’émotions et de sens, ce qui nourrit la mémorisation (voir section 4 sur les émotions).
- L’observation active et la visualisation : Comme mentionné, apprendre activement ne signifie pas forcément bouger dans tous les sens – on peut être actif mentalement. Si une démonstration est nécessaire, rendez l’observation active : posez des questions pendant la démonstration (“Que fait le formateur à votre avis ? Pourquoi ?”), demandez aux apprenants de prédire la suite, ou de prendre des notes structurées à comparer ensuite. On peut aussi inciter à la visualisation mentale : par exemple, en fin de formation, inviter chacun à fermer les yeux et à se remémorer les étapes clés d’une procédure apprise, comme s’il la réalisait. Ces exercices de visualisation stimulent les mêmes circuits que l’action réelle [3], ce qui renforce la préparation neuronale. Des sportifs de haut niveau utilisent ce principe avant une performance : ils imaginent chaque geste dans leur tête, et cela améliore l’exécution effective. En formation, on peut imaginer de demander à un apprenant de se projeter dans son contexte de travail, en train d’appliquer la nouvelle compétence, et de décrire ce qu’il ferait. Ce type d’engagement cognitif prépare le terrain pour le transfert des acquis.
- AFEST et mise en situation de travail : L’AFEST (Action de Formation en Situation de Travail), récente innovation pédagogique reconnue en France, repose sur l’apprentissage en réalisant de vraies tâches de travail encadrées. Ce dispositif s’accorde parfaitement avec les neurosciences : l’apprenant est immergé dans l’action réelle, son cerveau fait immédiatement le lien entre théorie et pratique, et chaque feedback du tuteur sur le terrain vient renforcer les bonnes pratiques. L’AFEST peut être vue comme le summum de l’apprentissage actif, puisqu’on apprend en faisant pour de vrai. Les premières évaluations montrent qu’elle permet un ancrage des compétences plus solide et un transfert immédiat en entreprise, ce qui n’étonne pas du point de vue neuroscientifique – on multiplie les ancrages (moteur, contextuel, émotionnel) en conditions réelles.
En mobilisant de telles approches, le cerveau de l’apprenant “travaille” davantage pendant la formation – ce qui est précisément le but ! Bien sûr, cela demande souvent plus de préparation au formateur (concevoir un exercice est plus long que préparer des slides), et un lâcher-prise sur le contrôle absolu du contenu (les échanges peuvent amener des imprévus). Mais le jeu en vaut la chandelle : une méta-analyse du ministère américain de l’Éducation a montré que les méthodes actives et centrées sur l’apprenant surpassent systématiquement les méthodes passives en termes de rétention des connaissances et de développement des compétences pratiques [36, 37]. En outre, un apprenant actif s’ennuie beaucoup moins et ressent plus de satisfaction, ce qui nourrit sa motivation pour apprendre (boucle vertueuse avec la section suivante sur la motivation).
En résumé, pour des formations inoubliables, il faut faire faire aux apprenants tout ce qui peut l’être : manipuler, s’exprimer, décider, résoudre, créer. Chaque fois que l’apprenant quitte le siège du spectateur pour monter sur la scène de l’acteur, son cerveau renforce les apprentissages d’une manière que nulle présentation PowerPoint, fût-elle brillante, ne pourrait égaler.
4. Émotions et motivation : des alliées puissantes de la mémoire
Qui n’a pas en mémoire un professeur passionnant qui savait captiver son auditoire, ou au contraire un cours ennuyeux aussitôt oublié ? Les émotions que nous ressentons pendant l’apprentissage laissent une empreinte profonde dans nos souvenirs. La neuroscience affective a confirmé un adage simple : “On n’apprend bien que ce qui nous tient à cœur.” Autrement dit, l’affect et la motivation modulent fortement la mémorisation. Comprendre ce lien permet de créer des formations qui marquent positivement les esprits.
4.1 Ce que dit la science : quand l’amygdale s’en mêle
Sur le plan neurologique, les émotions sont gérées en grande partie par le système limbique, et en particulier par une structure en forme d’amande appelée amygdale (une de chaque côté du cerveau). L’amygdale est le centre de l’évaluation émotionnelle des stimuli : c’est elle qui, confrontée à un événement, le juge pertinent affectivement (agréable, stressant, dangereux, motivant…). Or, l’amygdale entretient des connexions étroites avec l’hippocampe, qui est la région cruciale pour la formation des souvenirs déclaratifs (mémoire des faits et événements). Des études d’imagerie cérébrale ont montré que plus une expérience est associée à une émotion intense, mieux elle est rappelée ultérieurement, et cela se traduit physiquement par une activation plus forte de l’amygdale au moment du rappel [38, 39]. En somme, l’émotion fait office de marqueur pour la mémoire : un souvenir chargé d’affect (positif ou négatif, tant qu’il n’est pas traumatisant) dispose d’un « poids » synaptique supérieur.
Les émotions agissent à plusieurs niveaux. D’abord, elles renforcent l’attention sur le moment : une situation émouvante ou motivante capte davantage notre concentration qu’une situation neutre [40]. Par exemple, un formateur qui raconte une histoire vécue avec beaucoup d’enthousiasme va éveiller l’attention des apprenants bien plus efficacement qu’une liste de faits monotones. Cette attention accrue améliore déjà l’encodage initial (on l’a vu en section 1). Ensuite, l’émotion a un rôle lors de la consolidation : des neurotransmetteurs comme la dopamine et la noradrénaline, libérés en situation émotionnelle (joie, surprise, défi réussi), agissent sur la plasticité synaptique. Des recherches récentes ont ainsi démontré que les neurones dopaminergiques – ceux qui libèrent la dopamine – dans une région du tronc cérébral (aire tegmentale ventrale) envoient des projections vers l’hippocampe qui déclenchent la potentialisation à long terme, c’est-à-dire l’encodage durable du souvenir [5, 41]. En d’autres termes, la dopamine “dit” à l’hippocampe : retiens ceci !. Ce signal chimique serait une des clés par lesquelles le cerveau sélectionne quels événements mémoriser prioritairement. Les événements accompagnés d’une sensation de récompense (fierté, plaisir, succès) ou de nouveauté provoquent typiquement des décharges dopaminergiques qui facilitent leur mémorisation [42].
À l’inverse, un état émotionnel négatif (anxiété élevée, ennui profond) peut inhiber l’apprentissage. Le stress aigu libère du cortisol, qui en excès peut perturber l’hippocampe et empêcher la formation normale de souvenirs – on le voit dans le cas extrême des traumatismes (syndrome de stress post traumatique) où une émotion trop intense fragmente la mémoire [43, 44]. Sans aller jusque-là, un apprenant trop stressé par un environnement oppressant, ou démotivé car il ne voit pas le sens de la formation, n’engagera pas efficacement ses capacités d’attention et de mémorisation. Il est donc crucial de veiller à un climat émotionnel propice.
Enfin, la motivation (souvent classée parmi les états affectifs) conditionne l’effort et la persévérance de l’apprenant. Les neurosciences distinguent la motivation intrinsèque (le plaisir ou l’intérêt que l’on trouve en soi à l’activité) et extrinsèque (motivée par une récompense externe ou la peur d’une sanction). La première est particulièrement bénéfique à l’apprentissage : un apprenant intrinsèquement motivé va chercher spontanément à comprendre, à approfondir, il active donc davantage de processus cognitifs que celui qui apprend par obligation sans réel intérêt. Favoriser la motivation intrinsèque – par un contenu signifiant, ludique ou relié aux passions de la personne – optimise l’engagement du cerveau. Quant à la motivation extrinsèque, bien dosée (récompenses symboliques, reconnaissance, certification...), elle agit via le circuit de la récompense pour libérer de la dopamine et entretenir l’effort. Il faut toutefois veiller à ne pas tomber dans l’excès inverse où seule la récompense compte et non l’apprentissage en lui-même.
4.2 Introduire des émotions positives et du sens dans vos formations
Appliquer ces connaissances en contexte de formation, c’est chercher à “émotionnaliser” positivement l’expérience d’apprentissage et à nourrir la motivation des stagiaires. Voici quelques idées concrètes qui en découlent :
- Raconter des histoires (storytelling) : La mise en récit d’un contenu factuel le rend tout de suite plus incarné et émotionnel. Notre cerveau est très réceptif aux histoires, car elles font appel à notre empathie, à notre curiosité narrative et créent des images mentales. Plutôt que de présenter des concepts de manière brute, illustrez-les par des cas vécus, des anecdotes, des scénarios engageants. Par exemple, pour une formation en management, au lieu d’énoncer froidement des théories, racontez l’histoire (même fictive) d’un manager confronté à un dilemme : son équipe est démotivée, que fait-il ? etc. Le récit va susciter de l’émotion (on s’identifie aux personnages, on ressent de l’empathie) et donc renforcer l’attention et la mémorisation du message clé [4]. Les histoires peuvent être drôles, émouvantes, surprenantes – dans tous les cas, elles évitent l’écueil de la neutralité fade. Un souvenir associé à une bonne histoire se gravera bien plus fermement dans la mémoire des apprenants.
- Créer un climat positif et stimulant : Il est prouvé qu’une émotion positive améliore la capacité à retenir l’information [40]. Ainsi, mettez un point d’honneur à instaurer une ambiance bienveillante, ludique et valorisante pendant la formation. Cela passe par le sourire, l’humour (sans excès), l’accueil des questions sans jugement, l’entraide entre apprenants. Évitez de mettre en situation d’échec humiliant ou de compétition anxiogène en public, ce qui pourrait inhiber certains. Au contraire, encouragez et félicitez fréquemment les réussites, même petites : le feedback positif active chez la personne le circuit de récompense qui s’accompagne d’une sensation de satisfaction, incitant à recommencer [42]. Par exemple, lors d’un exercice, au lieu de simplement corriger les erreurs, soulignez ce qui a été bien fait. Ce renforcement positif n’est pas qu’un artifice : neurologiquement, il libère de la dopamine, laquelle va associer le sentiment de réussite à la tâche apprise, consolidant d’autant le souvenir. Comme le mentionne l’auteure Aurélie Van Dijk, un formateur qui encourage la cohésion de groupe, qui félicite ses apprenants pendant les mises en situation, “stimule leur circuit de la récompense, contribuant à motiver les apprenants à recommencer en formation et dans leur vie quotidienne” [42].
- Gamifier et challenger : Les mécanismes du jeu (gamification) sont excellents pour introduire de l’émotion positive et de la motivation. Un petit challenge amical, des quiz avec points, un classement bienveillant ou des badges de réussite peuvent piquer l’intérêt et donner un objectif à atteindre. Attention à ce que cela reste bon enfant et optionnel (tout le monde n’aime pas la compétition). Mais bien dosé, le jeu apporte de l’excitation, du fun, qui se traduit en neurotransmetteurs propices à l’apprentissage. Par exemple, transformer un exercice de révision en jeu par équipes où chacun doit répondre à des questions et gagner des “récompenses” symboliques peut rendre la répétition beaucoup plus attrayante et marquante que si elle était présentée comme un test classique. Le plaisir ludique crée une expérience émotionnelle mémorable liée au contenu.
- Utiliser des supports multi-sensoriels et esthétiques : L’émotion passe aussi par le beau, le surprenant, le sensoriel. Un formateur a intérêt à soigner l’aspect visuel de ses supports (images inspirantes, vidéos de qualité, démonstrations concrètes) pour susciter l’émerveillement ou l’intérêt. Une image frappante peut provoquer une réaction affective qui ancrera l’information (par exemple, montrer un témoignage vidéo émouvant d’un client pour qui la compétence enseignée a changé la vie). De même, la mise en scène compte : varier le ton de voix, raconter avec passion, faire participer par de petites mises en rôle… L’ennui naît souvent d’une monotonie émotionnelle. N’hésitez pas à surprendre votre public de temps en temps (une activité inattendue, un objet insolite apporté en salle, etc.) – la surprise déclenche une vive réaction émotionnelle suivie d’une augmentation de l’attention et donc d’une meilleure mémorisation de ce qui suit [40].
- Donner du sens et relier aux motivations intrinsèques : Enfin, la meilleure émotion demeure celle du sens. Un apprenant adulte vient en formation avec des buts qui lui tiennent à cœur : évoluer professionnellement, résoudre un problème concret, s’épanouir dans son métier. Le formateur doit chercher à connecter le contenu de la formation aux aspirations profondes des apprenants. Par exemple, en début de parcours, il peut faire exprimer à chacun ses attentes et ensuite montrer comment la formation y répondra. Au fil des modules, faites régulièrement le lien avec des cas d’usage réels dans leur contexte de travail, de sorte qu’ils se projettent et voient la valeur de ce qu’ils apprennent. Cette mise en perspective suscite une motivation intrinsèque (“je vois pourquoi c’est important pour moi”) qui crée un état d’esprit positif et réceptif. Un contenu qui résonne avec les valeurs ou objectifs personnels génère de l’engagement émotionnel : l’apprenant aura envie de s’en souvenir parce qu’il y attache de l’importance. À titre d’exemple, un formateur en management pourrait faire réfléchir chaque participant à un moment difficile qu’il a vécu avec son équipe, puis montrer comment la nouvelle compétence (par ex. la communication non-violente) aurait pu changer les choses : cela touche à du vécu émotionnel et donne du sens à l’apprentissage.
En synthèse, rendre la formation émotionnellement positive et signifiante n’est pas un luxe, c’est un catalyseur d’apprentissage. Comme l’écrit un expert en psychologie cognitive, “la mémoire est l’art de l’attention sélective, et l’émotion est souvent ce qui sélectionne”. Les cinq sens, le cœur et l’intellect de nos apprenants sont liés : une formation “inoubliable” doit parler à tous ces registres. En combinant une atmosphère encourageante, des histoires, du jeu, et du sens, on crée des expériences d’apprentissage qui restent gravées non seulement dans la tête, mais aussi dans la mémoire affective des participants.
5. Multisensorialité et contextes variés : enrichir l’encodage pour mieux ancrer
Notre cerveau n’apprend pas dans le vide : il est sans cesse sollicité par nos sens (vue, ouïe, toucher, etc.) et ancré dans un contexte précis. L’environnement d’apprentissage – qu’il soit physique ou virtuel – peut donc influencer grandement la qualité de la mémorisation. Une découverte clé est que plus une expérience mobilise de canaux sensoriels et de contextes différents, plus elle sera mémorisée de façon riche. En exploitant la multisensorialité et en variant les situations, on crée plusieurs “portes d’entrée” neuronales vers le même souvenir, ce qui le rend plus robuste.
5.1 Pourquoi combiner les sens renforce la mémoire
Les scientifiques parlent de “mémoire multimodale”. Lorsqu’on vit un événement, on n’enregistre pas qu’un seul type d’information : on stocke des images, des sons, des sensations tactiles, des odeurs, des émotions, etc. Chacun de ces éléments est traité par des aires cérébrales différentes (par exemple le cortex visuel pour les images, l’aire auditive pour les sons, le cortex sensorimoteur pour le toucher ou les mouvements). Or, ces aires sont interconnectées : un souvenir complet est en réalité un assemblage de traces distribuées dans le cerveau. Plus on a de modalités impliquées, plus l’assemblage est riche et élaboré, ce qui fait plus de “points d’accroche” pour le rappeler plus tard [6].
Des études montrent par exemple que si l’on associe une image à un texte parlé, on retient mieux que texte seul ou image seule : l’effet d’expérience multisensorielle enrichit l’encodage [6]. En formation, cela signifie qu’un apprenant retiendra davantage un concept vu et entendu (via une animation visuelle commentée) que le même concept seulement lu dans un manuel. C’est cohérent avec la théorie cognitive de la charge mentale (du psychologue Allan Paivio) : le double encodage visuel + verbal procure un avantage. Dans la pratique, il a été rapporté que les apprenants peuvent retenir jusqu’à six fois mieux des informations transmises simultanément par le canal visuel et auditif que par du texte seul [45]. Bien que le chiffre exact puisse varier, la tendance est claire : la redondance multimodale (sans être excessive) augmente la rétention.
Par ailleurs, le sens visuel joue un rôle prépondérant. On estime que la vision mobilise environ 50 % de l’activité cérébrale à elle seule – c’est notre sens dominant pour traiter l’information [7]. Le cerveau traite une image bien plus vite qu’un texte et s’en souvient souvent plus facilement, surtout si l’image a un caractère marquant. C’est pourquoi les supports visuels (schémas, illustrations, infographies, vidéos…) sont des alliés précieux du formateur. Ils permettent de coder l’information sous forme d’images mentales, ce qui complète utilement le code verbal. Bien sûr, il ne suffit pas de montrer des images pour garantir l’apprentissage, mais leur absence peut appauvrir l’encodage.
La kinesthésie (le fait de bouger, manipuler) apporte aussi sa pierre à l’édifice multisensoriel. Quand un apprenant bouge son corps pour apprendre (par exemple, réalise un geste technique, participe à une mise en scène physique, ou même prend des notes à la main), il engage son cortex moteur et sensoriel, créant une mémoire motrice ou gestuelle en plus de la mémoire conceptuelle. Des recherches en neurosciences et en sciences du sport ont comparé les capacités cognitives d’individus sédentaires et actifs : il apparaît que les personnes ayant une activité physique régulière développent de meilleures capacités d’attention, de mémoire à long terme et de raisonnement [46, 47]. L’exercice augmente l’oxygénation du cerveau, la production de certains facteurs neurotrophiques et la neurogenèse (fabrication de nouveaux neurones) dans l’hippocampe, autant de mécanismes qui favorisent l’apprentissage. Ainsi, mettre le corps à contribution pendant la formation peut aider non seulement à garder l’attention (on évite la torpeur de la station assise prolongée), mais aussi à ancrer les connaissances par des voies supplémentaires. C’est tout l’intérêt des pédagogies actives mentionnées plus tôt, et on peut y ajouter le simple fait d’intégrer des pauses actives (quelques minutes d’étirements, de marche, un mini-jeu en mouvement) pour recharger le cerveau.
Enfin, le contexte joue un rôle dans la récupération du souvenir (on parle d’encodage dépendant du contexte). Par exemple, on se souvient mieux d’une information dans le lieu où on l’a apprise. Cela peut être un piège (si on n’arrive pas à la restituer ailleurs), mais on peut aussi l’exploiter en variant les contextes d’apprentissage pour rendre le savoir plus indépendant du contexte. Si on apprend une fois en salle, puis qu’on réactive ce savoir sur le terrain, dans un autre lieu, on le généralise. L’utilisation d’exemples variés, de cadres différents (présentiel/distant, intérieur/extérieur, sérieux/ludique) autour du même contenu construit une mémoire plus flexible et multi-facettes.
5.2 Concevoir des expériences d’apprentissage riches de sens (sensoriels)
Pour appliquer la multisensorialité et la diversité contextuelle en formation, voici quelques recommandations concrètes :
- Multimédia et supports diversifiés : Une formation mémorable exploite plusieurs formats : diaporamas visuels, vidéos pédagogiques, affiches ou posters, objets physiques, démonstrations concrètes, etc. Par exemple, au lieu d’expliquer uniquement oralement un concept technique, préparez une vidéo explicative ou une animation qui le montre en action. Vos apprenants pourront voir le phénomène en plus de l’entendre. S’il s’agit d’un objet ou d’un outil, faites-le manipuler par les participants (ou à défaut, manipulez-le devant eux). Chaque canal sollicité en plus renforce l’encodage : “Engager plusieurs sens simultanément favorise l’apprentissage” [6] rappellent de nombreux scientifiques. Attention toutefois à ne pas surcharger inutilement (par exemple mettre du texte narré identique à celui affiché peut au contraire créer une redondance nuisible si mal gérée). L’art est de combiner de façon complémentaire : image + explication orale, démonstration + support écrit récapitulatif, etc., pour que le cerveau construise une représentation cohérente et multisensorielle du savoir.
- Utiliser la force de l’image : Privilégiez autant que possible des illustrations marquantes plutôt que des longues explications textuelles. Un schéma bien conçu vaut souvent mieux qu’un long discours, car il fournit une vue d’ensemble que le cerveau capte rapidement. De même, des métaphores visuelles peuvent aider : par exemple, pour expliquer le concept de réseau d’apprentissage, montrez une image de toile d’araignée ou de neurones interconnectés, ce qui créera une association mentale forte. Si vous voulez que vos apprenants se souviennent d’un pourcentage ou d’un chiffre clé, intégrez-le dans une infographie colorée ou un pictogramme : plus tard, en y repensant, l’image leur reviendra plus facilement en mémoire qu’un nombre nu. Dans les contenus e-learning, soignez l’ergonomie visuelle et n’hésitez pas à mettre en scène les notions (par ex. un mini-scénario graphique, un personnage mascotte qui guide, etc.). L’esthétique a aussi son rôle : un design agréable génère un faible niveau d’émotion positive (plaisir visuel) qui prédispose à l’attention, tandis qu’un document mal présenté peut inconsciemment rebuter et faire décrocher.
- Immersion et simulations : Pour exploiter pleinement la multisensorialité, rien de tel que l’apprentissage immersif. Si possible, recréez en formation des situations proches du réel où plusieurs sens seront sollicités. Par exemple, une simulation de négociation commerciale pourra se dérouler dans un décor approprié avec de vrais accessoires, impliquant non seulement la vue et l’ouïe (dialogues) mais aussi le ressenti de la situation (proximité physique, langage corporel). Les formations en présentiel offrent cet avantage de pouvoir jouer sur l’espace et le matériel : utiliser un paperboard pour que les apprenants écrivent eux-mêmes (toucher, vision), faire un atelier où l’on manipule des post-it de couleurs, etc. Aujourd’hui, les technologies de réalité virtuelle commencent aussi à être utilisées pour plonger l’apprenant dans un environnement simulé riche sensoriellement (3D, son spatial) – les premières études suggèrent un fort impact sur l’engagement et la mémorisation, en raison de l’impression de vécu qu’elles procurent. Bien que ces outils ne soient pas à la portée de tous encore, penser “immersion” reste possible avec des moyens simples : par exemple, organiser une partie de la formation sur le terrain, dans l’atelier ou les locaux concernés, de manière à ce que les apprenants associent directement leur apprentissage au contexte réel (odeurs, bruits, ambiance du lieu). Cette contextualisation ancre la connaissance dans du concret multisensoriel, ce qui la rend plus facile à rappeler une fois de retour dans ce même contexte.
- Encourager la prise de notes visuo-spatiales : Une astuce pour impliquer un sens de plus dans la mémorisation est d’apprendre aux participants à prendre des notes efficacement, par exemple en réalisant des sketchnotes (dessiner des schémas, des flèches, utiliser des couleurs et des symboles dans ses notes). Le fait de créer un tracé visuel personnel pendant le cours mobilise la vision, le geste et la sémantique, ce qui triple quasiment l’encodage. Même s’ils ne sont pas artistes, les apprenants gagnent à ne pas écrire linéairement tout un texte mais à organiser spatialement leurs notes, à encercler les idées fortes, à dessiner un petit pictogramme à côté d’un concept clé. C’est prouvé qu’on retient bien mieux une information que l’on a structurée soi-même graphiquement, car on y engage une réflexion sur la hiérarchie et les liens (mémoire associative) et on se souviendra plus tard de la page de notes en image mentale. En tant que formateur, vous pouvez promouvoir cela en fournissant par exemple des fiches synthèses incomplètes à compléter (blocs à remplir, schémas à légender), ou en montrant vous-même une mindmap en construction progressive au tableau.
- Inclure du mouvement et des activités physiques : Pour éviter la stagnation sensorielle, introduisez du mouvement dans vos sessions. En présentiel, cela peut être simplement de faire lever le groupe pour une activité debout, ou de diviser l’espace en “ateliers” où les participants tournent d’un poste à l’autre (impliquant déplacement et nouveauté visuelle). Une idée efficace est le “brainstorming ambulant” : affichez plusieurs feuilles aux murs, chaque groupe d’apprenants passe de l’une à l’autre pour contribuer – ils marchent, écrivent debout, discutent, ce qui change de posture et donc ré-active leur attention. Vous pouvez aussi faire voter les gens en leur faisant physiquement changer de coin de la salle (utile pour les sondages d’opinion, méthode du baromètre). Ces techniques stimulent le système vestibulaire (équilibre, mouvement) et brisent la monotonie statique, favorisant une meilleure oxygénation du cerveau… et tout simplement réveillant l’auditoire. En formation à distance, on pourrait penser cela impossible, mais on peut encourager des micro-pauses actives (“levez-vous 30 secondes, étirez les bras…”) ou demander aux apprenants chez eux de réaliser un petit défi physique puis de revenir (par exemple “cherchez dans votre pièce un objet qui symbolise X et venez le montrer à la caméra”). Ce sont des astuces pour solliciter d’autres sens même derrière un écran.
En variant les modalités sensorielles et les contextes d’apprentissage, on évite que la formation ne soit qu’une expérience unidimensionnelle. Au contraire, elle devient une aventure poly-sensorielle : les apprenants voient, entendent, touchent, bougent, ressentent. Le résultat ? Une mémorisation multiplement encodée, donc plus fiable. Si un détail échappe par le canal auditif, il sera peut-être rattrapé par le souvenir visuel ou kinesthésique. Comme le synthétisait l’article de Lefebvre Dalloz Compétences, “engager plusieurs sens simultanément enrichit l’encodage et améliore la mémorisation” [6]. De plus, cette approche rend la formation bien plus stimulante et agréable, ce qui rejoint l’effet bénéfique des émotions positives (section 4). Ainsi, en exploitant tous les sens et en jouant sur le décor pédagogique, vous créez des formations immersives dont les apprenants se souviendront longtemps, car elles auront sollicité leur cerveau sous toutes ses facettes.
Conclusion
Synthèse – Les cinq axes que nous avons explorés – attention, répétition, engagement actif, émotions/ motivation et multisensorialité – forment un socle de principes neuroscientifiques pour décupler l’impact des formations professionnelles. Pris ensemble, ils esquissent un modèle de formation idéal : une expérience riche, rythmée et centrée sur l’apprenant, où ce dernier reste attentif grâce à des activités variées, encode profondément les savoirs en les pratiquant, les consolide par des réactivations dans le temps, et s’implique avec plaisir dans un contexte stimulant pour ses sens et son intellect. Appliquer ces principes, c’est passer d’une formation transmissive classique (souvent oubliée le lendemain) à une formation expérientielle qui transforme réellement les compétences des participants sur la durée.
En pratique, cela signifie que les organismes de formation et formateurs doivent intégrer ces découvertes à chaque étape de l’ingénierie pédagogique : conception, animation et suivi. Il s’agit par exemple de repérer les moments critiques d’attention dans un module et de prévoir des changements de rythme aux bons intervalles, de concevoir des supports pédagogiques alliant texte, image et interactivité, de prévoir systématiquement des exercices d’application et des feedbacks personnalisés, ou encore de planifier des séquences de révision post-formation à l’aide d’outils numériques. Les solutions SaaS comme celles développées par Argalis peuvent d’ailleurs faciliter certains de ces aspects (quiz en ligne, micro-learning, analytics d’engagement) – sans jamais remplacer la créativité pédagogique humaine, elles offrent un appui technique pour instaurer, par exemple, une répétition espacée automatisée ou des parcours multimodaux.
Perspectives – À l’avenir, l’essor des neurosciences ne fera qu’amplifier ces tendances. De nouvelles études paraissent chaque année, affinant notre compréhension de la mémoire, de l’apprentissage et du fonctionnement attentionnel. On peut imaginer que des technologies innovantes viennent enrichir l’arsenal du formateur : la réalité virtuelle et la réalité augmentée offriront des immersions sensorielles encore plus complètes, la neurofeedback (mesure en temps réel de certains signaux cérébraux) pourrait permettre aux apprenants de visualiser leur niveau d’attention ou de stress et d’apprendre à le gérer, des applications dites de “brain training” pourraient être intégrées aux parcours pour entraîner la mémoire de travail ou l’attention des stagiaires en amont des formations. Il faudra naturellement évaluer rigoureusement l’efficacité de ces outils, mais ils s’inscrivent dans la continuité de cette quête : rendre la formation toujours plus engageante et efficace en s’appuyant sur la science.
En France, le cadre réglementaire encourage désormais la qualité et l’efficacité démontrée des formations (via des certifications comme Qualiopi, et l’attention portée aux résultats pour les apprenants, notamment dans le cadre du CPF). Dans ce contexte, intégrer les principes neuroscientifiques constitue un atout stratégique pour les organismes de formation. Cela peut se traduire par des taux de satisfaction accrus (des apprenants motivés et actifs apprécient davantage la formation), mais aussi par une meilleure atteinte des objectifs pédagogiques mesurée a posteriori (tests de connaissances, mise en application sur le poste de travail). Une formation conçue selon ces principes a plus de chances d’aboutir à un réel transfert de compétences – finalité ultime recherchée par les entreprises et les financeurs.
En conclusion, les neurosciences ne sont pas une baguette magique, mais elles nous éclairent sur ce qui fait la substance d’un apprentissage réussi. En s’appuyant sur des faits scientifiques plutôt que sur des modes éphémères, les formateurs gagnent en crédibilité et en efficacité. Pour Argalis, éditeur de solutions au service des formateurs, promouvoir ces approches revient à affirmer une expertise pédagogique solide et innovante. En mobilisant l’attention, en consolidant la mémoire, en engageant activement et émotionnellement les apprenants, on peut réellement transformer une session de formation en expérience inoubliable – c’est-à-dire utile, utilisable et durablement ancrée dans les esprits. Il appartient maintenant à chaque professionnel de la formation de s’emparer de ces connaissances pour réinventer ses pratiques, au bénéfice des apprenants comme des organisations. Le cerveau humain est d’une plasticité et d’une avidité d’apprendre remarquables à tout âge ; sachons en tirer parti intelligemment pour faire de la formation un levier de croissance des compétences à la hauteur des défis du XXIᵉ siècle [48].
Bibliographie
- Dehaene, Stanislas (2013). Les quatre piliers de l’apprentissage, ou ce que nous disent les neurosciences. ParisTech Review, nov. 2013. (Article fondateur décrivant l’attention, l’engagement actif, le feedback et la consolidation comme piliers de l’apprentissage, soulignant la plasticité cérébrale à tout âge [48].)
- Van Dijk, Aurélie (2017, mis à jour 2024). Les neurosciences neutralisent le « je n’ai rien retenu de ma formation ! ». Blog Pédagogie – Formation de formateurs, Lefebvre Dalloz Compétences [1, 6]. (Article professionnel synthétisant plusieurs apports des neurosciences en formation : durée optimale de l’attention, importance de la répétition, rôle des émotions, multisensorialité et mouvement, etc., avec des conseils d’application pratique.)
- Inserm (2017, modifié en 2025). Dossier “Mémoire – Une affaire de plasticité synaptique”. Inserm.fr – Dossiers thématiques [4, 32]. (Dossier réalisé en collaboration avec F. Eustache, explorant les mécanismes de la mémoire humaine : types de mémoires, rôle du sommeil [32], impact des émotions sur la mémorisation [4], etc. Source institutionnelle faisant autorité sur l’état des connaissances scientifiques.)
- CNRS (Dahan, Lionel et al.) (2024). Communiqué de presse : La dopamine permet de sélectionner les évènements à mémoriser. CNRS – Espace presse, 21 mai 2024 [5]. (Annonce d’une étude parue dans Nature Communications identifiant le rôle clé des neurones à dopamine de l’aire tegmentale ventrale dans la formation des souvenirs : un éclairage neuroscientifique sur le mécanisme de renforcement de la mémoire via le circuit de la récompense.)
- Dubuc, Bruno (en ligne). Capsule “Neuroscience et apprentissage : 5 choses à garder à l’esprit”. Le Cerveau à Tous les Niveaux (Université McGill) [9, 49]. (Article de vulgarisation scientifique résumant 5 points essentiels sur le cerveau et l’apprentissage : multiplicité des mémoires, importance de la répétition et de l’oubli [9], apprentissage associatif, lien entre exercice physique et neurogenèse, rôle du sommeil [50]. Accessible et basé sur des recherches à jour.)
- ConvictionsRH (2022). Comment la neuropédagogie favorise-t-elle la construction de parcours de formation plus efficaces ? Article en ligne, 14 sept. 2022 [15, 29]. (Point de vue de consultantes en formation sur l’apport des neurosciences : reprend des données clés sur la durée de concentration (~15 min) [15], la chute d’assimilation sans pauses, la supériorité de la répétition espacée avec un calendrier type [29], etc. Illustratif de la transposition de la science en conseils pratiques.)
- IH2EF (Institut des Hautes Études de l’Éducation et de la Formation) (2019, 2022). Sélection documentaire “L’apport des neurosciences cognitives dans l’ingénierie de formation”. ih2ef.gouv.fr [51, 52]. (Bibliographie commentée réunissant ouvrages et articles sur neurosciences & pédagogie. Cite notamment Boussuat et al. sur le “funny learning” axé sur curiosité, émotions et mémorisation [16], et Medjad et al. sur la neuroéducation à l’ère digitale [51, 52]. Ressource institutionnelle garantissant la fiabilité des références.)
- Lacroix, Marie, interviewée par Expectra (2023). “Peut-on réellement travailler 7h par jour ?” Blog Expectra, 10 nov. 2023 [16, 53]. (Article sur la productivité et le cerveau, où une docteure en neurosciences explique les limites de la concentration continue : fatigue mentale insidieuse, nécessité de pauses régulières, cycles ultradiens de 90 minutes max d’attention soutenue [53], etc. Source professionnelle éclairant les rythmes biologiques de l’attention.)
- Sarter, Martin et al. (2001). “The cognitive neuroscience of sustained attention”. Brain Research Reviews, 35(2). (Article scientifique de référence – non cité directement dans le texte – explorant le concept d’attention soutenue, ses bases neuronales et limites. Utile pour approfondir le cadre théorique sur l’attention au-delà de 15-20 minutes.)
FAQ (Foire aux questions)
Comment les neurosciences peuvent-elles améliorer la formation professionnelle en pratique ?
Les neurosciences apportent des connaissances concrètes sur le fonctionnement du cerveau qui permettent d’ajuster la pédagogie. Par exemple, en sachant que l’attention d’un adulte décroît après ~15 minutes [1], le formateur peut mieux rythmer ses classes (alternance d’activités courtes). En comprenant le mécanisme de la mémoire (consolidation par répétition espacée et sommeil), il peut planifier des révisions après la session [29]. En somme, appliquer les découvertes neuroscientifiques (attention, mémoire, engagement actif, émotions, multisensorialité…) rend la formation professionnelle plus efficace, car on s’adapte aux capacités et limites naturelles du cerveau au lieu de les ignorer.
Quelles techniques issues des neurosciences puis-je utiliser pour favoriser la mémorisation chez mes apprenants ?
Plusieurs techniques simples découlent de nos connaissances sur la mémoire : d’abord la répétition espacée – encouragez vos apprenants à revoir les points clés 1 jour, 1 semaine, 1 mois après la formation (vous pouvez envoyer des rappels ou quizz) [29]. Ensuite, le recall actif : posez des questions, faites reformuler, utilisez des quiz pendant et après la formation pour obliger le cerveau à récupérer l’information (cela renforce la trace mnésique). Exploitez aussi la mnémotechnique en créant des images mentales, des acronymes, des histoires qui aident à retenir. Enfin, soignez l’émotion et le sens : on retient bien mieux un contenu qui nous a touchés ou motivés (par ex. via un storytelling marquant) et qu’on a compris dans un contexte utile (donnez du sens pratique aux notions apprises) [4].
Comment maintenir l’attention des apprenants pendant une formation présentielle ?
Plusieurs leviers existent : dynamisez le format en changeant d’activité régulièrement (exposés courts, suivi d’exercices en sous-groupe, puis d’une vidéo, etc.) pour relancer l’attention toutes les 10-15 minutes [1]. Impliquez physiquement vos apprenants : faites-les participer au tableau, déplacer pour un atelier, utiliser des post-it sur un mur… Le mouvement réduit la lassitude et améliore l’attention [8]. Supprimez les distractions : convenez de mettre les smartphones de côté, choisissez une salle au calme. Créez de l’interaction en posant des questions ouvertes, en sollicitant des expériences des participants – l’attention augmente quand on devient acteur. Et n’oubliez pas les pauses : un break toutes les 1h30 environ rebooste la concentration pour la suite [53]. En résumé, varier, faire bouger et impliquer sont les clés pour une attention soutenue en présentiel.
Pourquoi dit-on que les émotions aident à apprendre, et comment en tirer parti en formation ?
Parce que le cerveau priorise ce qui le touche émotionnellement. Neurologiquement, une émotion (joie, intérêt, surprise, etc.) déclenche la libération de dopamine et l’activation de l’amygdale, ce qui signale à l’hippocampe de mieux stocker l’événement [38]. On se souvient tous de détails d’événements marquants de notre vie car l’émotion les a gravés. En formation, provoquer de petites émotions positives rend l’apprentissage plus marquant. Par exemple, utilisez le storytelling pour donner vie aux concepts (une anecdote drôle ou émouvante retient l’attention et sera mémorisée), valorisez les réussites avec un feedback enthousiaste (la fierté éprouvée motive et encourage à ancrer la compétence) [42]. Vous pouvez aussi mettre en place des défis ludiques (un quiz par équipe, un jeu de rôle) qui ajoutent du fun ou de l’adrénaline contrôlée – ces émotions agréables créent un souvenir d’apprentissage plaisant. En somme, une formation chargée d’émotions positives est plus facilement retenue et appréciée des apprenants.
Comment éviter la surcharge cognitive en formation selon les neurosciences ?
La surcharge cognitive survient quand on submerge la mémoire de travail du cerveau par trop d’informations à la fois. Pour l’éviter, il faut simplifier et structurer le flux d’information. D’après les sciences cognitives, on ne peut traiter consciemment que 5 à 9 éléments en même temps. Donc, étalez la matière en petites unités logiques plutôt qu’un bloc massif. Utilisez des supports visuels clairs au lieu de longs textes : une image ou un schéma bien choisi permet au cerveau de traiter l’info plus efficacement qu’un paragraphe dense [45]. Appliquez le principe “une idée à la fois” sur vos diapositives. Introduisez régulièrement de courtes pauses ou des changements d’activité pour “vider” et rafraîchir la mémoire de travail [53]. Enfin, encouragez les apprenants à poser des questions et à reformuler : cela permet de clarifier les points flous immédiatement plutôt que laisser s’accumuler une charge mentale. En résumé, allez-y par étapes, en mode “less is more”, afin que le cerveau puisse encoder correctement chaque notion sans saturation.
Le cerveau apprend-il mieux en présentiel ou en digital (distanciel) ?
Il n’y a pas de supériorité intrinsèque du présentiel ou du digital – tout dépend de comment on utilise chaque modalité. En présentiel, il est plus facile d’exploiter la multisensorialité (on peut manipuler du matériel, interagir physiquement) et la cohésion de groupe immédiate, ce qui est excellent pour l’engagement et l’attention. Le formateur peut aussi mieux capter les signaux (regards perdus, fatigue) et ajuster en temps réel. En digital (e-learning, classe virtuelle), le risque est la passivité et les distractions, mais on peut contrer cela en rendant les modules interactifs (quiz, vidéos cliquables, simulations) et en sollicitant souvent l’appranant. Le digital a l’avantage de la flexibilité et permet la répétition espacée très facilement (envoi d’emails, microlearning entre les sessions présentiels) [34]. Idéalement, un mix des deux – blended learning – combine le meilleur : par exemple, une session présentielle pour pratiquer activement et créer du lien, puis du digital pour renforcer la mémorisation dans la durée. Les neurosciences s’appliquent aux deux formats : attention limitée de 15 min, importance des émotions, etc., ces principes valent autant en visioconférence qu’en salle. C’est donc au concepteur de formation d’enrichir le digital pour le rendre humain et stimulant, et au formateur en présentiel d’intégrer la technologie quand elle sert l’apprentissage (par ex. outils interactifs type quiz en direct). En bref, présentiel et distanciel peuvent tous deux offrir un apprentissage efficace si l’on respecte les besoins du cerveau – variété, engagement, feedback et entraînement régulier.
Quel est le rôle du sommeil dans l’apprentissage selon les neurosciences ?
Le sommeil est fondamental pour consolider la mémoire. Lorsque nous dormons, en particulier pendant le sommeil lent profond et le sommeil paradoxal, le cerveau réactive les réseaux neuronaux sollicités pendant la journée pour renforcer les connexions utiles – c’est comme un “classement” des souvenirs. Des expériences montrent que mieux on dort après avoir appris, mieux on retient [32]. Une nuit complète favorise le stockage en mémoire à long terme de ce qui a été vu la veille. À l’inverse, le manque de sommeil (moins de 4-5h) nuit clairement à la mémorisation et à la capacité d’apprendre de nouvelles choses – on l’a tous ressenti après une nuit blanche, il est dur de se concentrer et de retenir quoi que ce soit [32]. Les neurosciences suggèrent même que le sommeil pourrait rejouer les séquences apprises (on a observé chez l’animal l’activation nocturne des mêmes neurones que durant l’apprentissage du jour). En pratique, pour un apprenant, cela signifie que veiller très tard pour réviser n’est pas une bonne idée : mieux vaut dormir pour que le cerveau intègre les infos. Pour le formateur, cela implique d’étaler si possible les formations sur plusieurs jours plutôt que tout d’un coup, afin de laisser une nuit passer – les apprenants reviendront plus frais et avec les acquis de la veille consolidés [33]. Et pourquoi pas conseiller lors de formations longues de faire des siestes courtes pendant la pause déjeuner : une sieste de 20 minutes peut améliorer la vigilance et la consolidation mnésique sans engendrer de somnolence post-éveil [54]. En résumé, le sommeil est l’allié invisible de l’apprentissage : il fait en coulisse le travail de mémoire que nous ne pouvons faire éveillés.
 
            